Guillaume Soro pense pouvoir échapper à la Cour pénale internationale. Il estime être à l’abri de toutes poursuites judiciaires grâce au soutien de la communauté internationale. Sauf que…« Je ne vois pas pourquoi moi, qui ai agi dans le sens de la communauté internationale, qui l’ai aidée à résoudre la question de la confiscation du pouvoir à Abidjan, devrais être trimballé à la CPI. Ce serait d’une incohérence et d’une inconséquence inégalée. Il y a eu des violences, mais celles-ci ne sont pas suffisantes pour être envoyé à La Haye ». Ces mots de Guillaume Soro lors d’une interview accordée au journal français Le Monde, le 17 juin 2016, respirent la confiance.
L’ex-chef rebelle ivoirien semble convaincu qu’il ne peut être dans le viseur de la Cour pénale internationale (CPI). Politiquement, l’argument avancé par l’actuel président de l’Assemblée nationale est certainement valable. À l’époque, la communauté internationale avait apporté son soutien au camp d’Alassane Ouattara, le camp qu’a défendu Guillaume Soro lors de la crise post-électorale. Cependant, d’un point de vue juridique, l’ancien Premier ministre ivoirien n’est certainement pas autant à l’abri qu’il le pense. Cela, au vu de quelques éléments. Notamment, la question du mode de responsabilité de la CPI.
Les commanditaires dans le viseur
Ce qu’il faut savoir, la Cour basée à La Haye, qui juge exclusivement les cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité n’est pas forcément à la chasse de ceux qui pressent sur la gâchette ou de ceux qui actionnent la machette sur les champs de bataille. Non. La Cour en veut principalement aux responsables qui ont soit commandité, soit laissé ces crimes être commis. C’est d’ailleurs ce qu’indique l’article 28 du statut de Rome qui stipule :« Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où : Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes (….) ».
C’est d’ailleurs ce mode de responsabilité que la Cour a utilisé pour condamner Jean-Pierre Bemba Gombo, ex-vice-président congolais et chef du Mouvement de libération du Congo (MLC) à 18 ans de prison, pour les crimes commis en Centrafrique par ses forces. En effet, l’opposant de Joseph Kabila n’a pas été condamné pour avoir commandité ces crimes, mais de n’avoir pas empêché leur exécution. C’est aussi cette « inaction » que reproche entre autres Fatou Bensouda à Laurent Gbagbo.
Des crimes du côté des FRCI conduits par Soro
Pendant la crise de 2010-2011, les Forces républicaines de Côte d’ivoire (FRCI) créées par Alassane Ouattara et composées essentiellement de soldats de l’ex-rébellion étaient déjà conduites par Guillaume Soro. On s’en souvient, depuis l’ouest du pays, le chef du parlement ivoirien alors Premier ministre et ministre de la Défense d’Alassane Ouattara, entouré de ses chefs militaires, avait lancé l’offensive sur Abidjan. Offensive qui, selon Human Rights Watch avait fait des centaines de victimes présumées pro-Gbagbo dans l’ouest du pays.
Une zone sous le commandement de Fofana Losseni dit loss. Guillaume Soro y avait proclamé ce dernier, chef de la « pacification de l’extrême ouest ». Plusieurs exécutions de civils, le 29 mars 2011, ont été également enregistrées dans la ville de Duékoué. Des viols ont aussi été signalés dans ces localités.
Guillaume Soro peut donc valablement être poursuivi par la CPI. Surtout qu’un« soutien » de la communauté internationale ne couvre pas les crimes de guerre. Les 700 personnes tuées par les forces pro-Ouattara selon la commission d’enquête pourraient un jour, gêner l’ex-chef rebelle. Et pourquoi pas Alassane Ouattara, son mentor.
Par Abraham Kouassi
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