Deux journalistes ont été expulsés d’une conférence de presse du département d’État jeudi pour avoir posé des questions gênantes sur Gaza. L’un d’entre eux, Sam Husseini, a été physiquement emmené par la sécurité alors qu’il demandait pourquoi le secrétaire d’État Antony Blinken n’est pas à La Haye pour ses crimes de guerre.
Max Blumenthal, de The Grayzone, a également été contraint de partir alors qu’il demandait à Blinken pourquoi il avait permis que des centaines de journalistes soient assassinés à Gaza, déclarant au porte-parole du département d’État, Matt Miller, qu’il avait «assisté en souriant à un génocide».
Husseini a ensuite été expulsé de force pour avoir posé des questions sur Gaza, sur le programme nucléaire d’Israël et sur la directive Hannibal. Blinken a dit à Husseini de «respecter le processus», ce à quoi Husseini a répondu : «Respecter le processus ? Respecter le processus ? Alors que tout le monde, d’Amnesty International à la CIJ, affirme qu’Israël se livre au génocide et à l’extermination, vous me dites de respecter le processus ? C’est criminel ! Pourquoi n’êtes-vous pas à La Haye ?».
La classe politico-médiatique occidentale exprime son indignation face à cet incident, non pas parce que des journalistes ont été malmenés pour avoir posé des questions critiques à leur gouvernement, mais parce que ces journalistes ont posé des questions critiques.
Les têtes parlantes de CNN ont décrit les journalistes interrogeant les représentants du gouvernement comme un «chahut d’activistes», exprimant d’abord leur étonnement quant à la manière dont ces «activistes» ont pu pénétrer dans une salle de presse destinée aux journalistes accrédités (Blumenthal et Husseini sont en fait des membres de la presse qui assistent souvent aux points de presse du département d’État).
Aaron David Miller, monstre du marais du département d’État depuis longtemps, a tweeté à propos de l’échange : «En 27 ans à l’État, je n’ai jamais vu une situation où un secrétaire d’État – un homme bienveillant et compatissant – est chahuté dans son propre bâtiment par un trublion qui hurle «Pourquoi n’êtes-vous pas à La Haye». C’est le comble de la civilité et du discours».
C’est le libéralisme occidental en un mot. Le problème n’est pas le génocide, le problème est que les gens ne sont pas suffisamment polis à propos du génocide. Les responsables occidentaux qui se sentent dérangés et insultés sont une plus grande préocuppation que les enfants déchiquetés et brûlés par les explosifs de l’armée américaine.
La question de Husseini est intéressante. Pourquoi Blinken n’est-il pas à La Haye ? Pourquoi n’a-t-il pas été traduit en justice pour avoir facilité la famine, la maladie et les massacres quotidiens qu’il a aidé Israël à infliger aux civils de Gaza au cours des 15 derniers mois ? Et surtout, pourquoi semble-t-il acquis qu’il ne le fera jamais ?
Il s’agit après tout d’un «ordre international fondé sur des règles», n’est-ce pas ? Lorsque les principales organisations de défense des droits de l’homme affirment que des atrocités génocidaires sont commises avec la complicité du gouvernement qui prétend faire respecter cet ordre, certaines répercussions juridiques devraient être considérées comme au moins possibles, n’est-ce pas ?
Et pourtant, nous savons tous que cela ne se produira pas dans un avenir prévisible. Nous savons tous que tant que l’empire américain existera tel qu’il existe, Tony Blinken et Matt Miller jouiront d’une vie libre et prospère après leur passage dans l’administration Biden.
En effet, le «droit international» n’existe que dans la mesure où il peut être appliqué. Si une superpuissance ne veut pas que ses laquais soient traduits devant des tribunaux de crimes de guerre aux Pays-Bas, elle ne le fera pas, car dans l’état actuel des choses, personne ne fera la guerre à l’empire américain pour mettre Tony Blinken derrière les barreaux. Ni George W. Bush, Dick Cheney, Barack Obama ou Hillary Clinton, d’ailleurs.
Tant que l’empire américain existera, aucun de ces monstres n’aura à répondre de ses actes devant la justice. Ils poursuivront leur carrière lucrative dans des groupes de réflexion ou comme lobbyistes jusqu’à ce qu’une autre administration démocrate fasse à nouveau appel à leurs services – ou, dans le cas de Biden, jouiront d’une retraite confortable jusqu’à une mort paisible entourés des membres de leur famille, dans le plus grand luxe.
Tant que l’empire n’aura pas été démantelé, le monde ne connaîtra jamais la justice. Ces créatures du marais pourront se frayer un chemin à travers les portes tournantes entre le gouvernement officiel de Washington et son gouvernement officieux, tout en assassinant, déplaçant et tourmentant autant d’innocents qu’ils le souhaitent, en toute impunité.
D’une manière ou d’une autre, le massacre de Gaza prendra fin à un moment ou à un autre. Et tant que la structure de pouvoir centralisée aux États-Unis dominera notre monde, il n’y aura pas de conséquences significatives. Il sera classé dans les livres d’histoire et les propagandistes nous entraîneront dans le prochain spectacle d’horreur impérial. Il y aura d’autres Gaza à l’avenir, peut-être supervisés par d’autres Tony Blinken ou peut-être par les mêmes, et ils continueront à se produire tant que cet empire meurtrier restera debout.
Ce monde pourra connaître la justice lorsqu’il trouvera le moyen de mettre fin à l’empire américain. D’ici là, le monde sera gouverné par des tyrans qui font exactement ce qu’ils veulent, et quiconque les remet en question sera expulsé de la salle par toute la force nécessaire.
source : Caitlin Johnstone