Les populations des régions qui accueilleront sous peu leurs nouveaux préfets de région doivent-elles en rire ou en pleurer ? En effet, Alassane Ouattara, chef de l’Etat a nommé respectivement préfets de région à San Pedro, Bondoukou et Guiglo, les ex-chefs de guerre Ousmane Coulibaly dit Ben Laden, Tuo Fozié et Koné Messamba. Avant d’être bombardé «préfet de région» à San Pedro, le Cdt Ben Laden était le «patron» du Camp de la Bae, devenu tristement célèbre pour s’être vu transformé en un véritable camp de «concentration ». Il était par ailleurs Com’zone à Odienné dans le nord du pays, où est jusque là détenue l’ex-première Dame Simone Gbagbo.
Quant à Tuo Fozié, l’une des premières figures de l’iceberg «rébellion du 19 septembre 2002», il était jusqu’à sa nomination chef de l’unité des FRCI chargée de lutter contre le racket. Pour sa part, l’ex-chef de guerre Koné Messamba, était l’ex-directeur des forces paramilitaires des Forces nouvelles. Tous ces trois nouveaux «préfets de région» ont plusieurs points en commun.Ils sont originaires du nord du pays et ex-chef de guerre ; ils ont des problèmes à s’accommoder avec la langue de Molière. C’est donc à ces trois personnes qui ont objectivement comme background environ dix ans de rébellion qu’il échoit des postes très administratifs.
Un pays sous contrôle des ex chefs de guerre
Comment comprendre la démarche d’Alassane Ouattara qui s’obstine à ridiculiser l’Etat de Côte d’Ivoire avec de telles mesures ? Alors que les administrateurs civils de qualité et de compétence il y en a à profusion dans le pays. A moins que le chef de l’Etat ne veuille étiqueter ces trois régions comme des «zones de guerre», où il faut des préfets «militaires». Mais là encore, il est passé à côté de la plaque, puisque la guerre est belle et bien terminée, selon son propre propos, depuis presque deux ans. Même là encore ces trois ex-chefs de guerre n’ont ni le bagage intellectuel requis ni les grades appropriés pour de telles fonctions.
Alors qu’on avait pensé à la réunification véritable du pays et à un retour à la normalité, Ouattara replonge le pays dans un mode de gestion typique à l’ex-rébellion, avec des Com’zones. Et c’est bien le cas de le dire. On comprend aisément pourquoi le concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration (ENA) a été purement et simplement suspendu depuis deux ans. On ne sera pas étonné si dans quelques semaines Alassane Ouattara nomme des ex-chefs de guerre comme Gouverneurs des 12 nouveaux districts créés.
Frank Toti
Le nouveau Courrier