Maître Sitti ! Maître Sitti ! «Si quelqu’un dit que Dieu n’existe pas, il ment», me lança aimablement le bâtonnier Agboyibo,
Bâtonnier, je suis heureux de vous l’entendre dire «, lui répliquai-je tout aussi aimablement.
Des échanges qui vont couronner notre ultime rencontre à bord d’un vol de «Air Burkina», au cours de l’été 2002, lui, se rendant au Togo et moi sur le chemin du retour aux USA où je résidais à l’époque.
Oui, Bâtonnier, vous aviez vu juste en vous écriant par ces mots rappelés plus haut !
Mieux, Dieu vous a justifié dans les termes de l’évangile, selon St-Jean : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons vers lui et nous établirons domicile chez lui. (Jean, 14 :23)
Ceci s’est produit onze ans après notre rencontre programmée et organisée par cette main gracieuse et mystérieuse ! Rencontre assaisonnée d’un goût amer de l’échec de nos années de lutte commune pour la démocratie au Togo, une démocratie encore à l’état d’utopie de l’impossible !
«Le départ du Général Eyadema créerait un vide politique, aviez-vous lancé, sur les ondes de RFI, en ce jour du 16 mars 1991, alors même que la rue était en ébullition à l’appel du FAR. (Front des Associations pour le Renouveau dont j’eus l’initiative, et à ce titre, il vous arrivait de me présenter comme le grand-père du CAR, votre parti, au motif que le second devait sa naissance au premier !)
Votre livre « Combat pour un Togo démocratique publié aux «NEA», en porte par ailleurs témoignage !
Évoquer le FAR sans évoquer la liesse populaire, la rue en ébullition, chantant vos louanges et voyant déjà en vous, le remplaçant tout désigné pour bouter le Général dehors, ne pouvait pas ne pas être au menu de notre conversation !
Par une sorte de malédiction jetée sur notre classe politique, vous deviendrez, ironie de l’histoire ou de l’incohérence humaine, l’un des premiers serviteurs de cette barbarie humaine qu’ensemble nous combattions.
Vous emportez le mystère de ce revirement dont notre peuple meurtri ne s’est toujours pas relevé.
A l’heure de vérité où vous voilà aux portes de l’éternité, puissiez-vous plaider avec le talent que l’on vous connaît, la cause des déshérités qui ont cru en vous et votre parti et se sentent à jamais orphelins, celle de notre cher Togo, l’Or de l’humanité, devant ce Dieu qui vous a fait de la matière noire, dans laquelle il s’est lui-même incarné autant que dans l’énergie et les trous noirs d’une part et dans la nation noire de l’autre !
Ce Dieu qui vient de vous rappeler à lui, et dont la présence à bord, à nos côtés , nous était apparue si évidente à tous les deux , à la faveur de signes que le grand «Initié» que vous êtes , a très vite identifiés, sans réussir à les déjouer ! Le cadre était cadenassé et sa volonté implacable !
Ce Dieu aux voies imprévisibles dont celle qui nous a permis cette ultime rencontre pour tirer les leçons d’une alliance, hélas éphémère !
Aussi, je garde de nos échanges francs et cordiaux le sentiment que nous sommes passés à côté d’une mission qui nous était assignée et que nous aurions pu mener main dans la main, si certaines considérations liées à notre histoire n’avaient occulté et assombri certains esprits chagrins sans égards pour les sacrifices de notre peuple martyr ! Adieu !
Sitti Ayité Maxmibubé
Le 05 juin 2020