L’or noir du Cabinda, enjeu d’un conflit oublié

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Un mouvement séparatiste a revendiqué l’attaque contre les footballeurs togolais.
«Les armes vont continuer à parler. Nous sommes en guerre et tous les coups sont permis», a menacé dimanche le secrétaire général des Forces de libération du Cabinda-Position militaire, qui ont revendiqué ­l’attaque contre le bus des footballeurs togolais. Rodrigues Mingas, qui s’exprimait du Luxembourg et vivrait en exil en France, ne représente sans doute qu’un groupuscule. Mais, en choisissant une cible médiatique, il vient de remettre en scène un conflit oublié, dont le pétrole est l’enjeu principal.
L’enclave du Cabinda, province angolaise de 7 280 km2 située entre le Congo-Brazzaville et la République démocratique du Congo (RDC), est parfois surnommée le « Koweït de l’Afrique ». Le Cabinda produit officiellement plus de la moitié des quelque 1,9 million de barils-jour du pétrole angolais, un privilège qui a toujours fait son malheur.

En 1975, quand le gouvernement portugais issu de la révolution des Œillets décide d’accorder leur liberté à ses colonies africaines, les Cabindais espèrent une indépendance séparée. Territoire colonial administré par les Portugais, tout comme l’Angola, l’ancien royaume de Loango possède son propre mouvement de lutte, le Front de libération de l’enclave du Cabinda (Flec). Mais ce dernier n’est pas invité aux négociations de transition. Le Portugal ne discute qu’avec les trois principaux mouvements angolais – MPLA, FNLA et Unita – et considère que le Cabinda doit devenir une province angolaise. Le Flec réagit en instaurant un gouvernement provisoire et proclame son indépendance, ignorée par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA).

En novembre 1975, c’est le coup de force. Aussitôt après la déclaration d’indépendance angolaise, les troupes du MPLA, qui a pris le dessus, envahissent le Cabinda, renversent le gouvernement provisoire et font du petit territoire une province angolaise. Des troupes cubaines viennent renforcer la protection des installations pétrolières. Et qu’importe si l’or noir cabindais est exploité par une compagnie américaine, l’avidité est plus forte que l’idéologie. Commence alors une guerre de basse intensité, compliquée par l’enjeu pétrolier. Des puissances régionales et internationales soutiennent le séparatisme cabindais, dans le cadre de la ­lutte contre le gouvernement prosoviétique angolais, et surtout du combat pour le contrôle de ses ressources.

Une menace sous-estimée

Différentes tendances du Flec se trouvent ainsi aidées par le dictateur Mobutu du Zaïre, l’actuelle RDC. Mobutu, qui lorgne sur le pétrole, a demandé en vain à l’OUA d’organiser un référendum sur l’avenir du Cabinda. Les États-Unis et l’ex-compagnie française Elf, qui cherchent à assurer l’avenir de leur approvisionnement, sont également présents.

Mais la fin de la guerre froide sonne le glas des espoirs séparatistes. Aujourd’hui, si un différend subsiste entre l’Angola et la RDC à propos de l’exploitation de champs offshore mitoyens, les pétroliers occidentaux s’entendent très bien avec l’Angola. Les champs cabindais sont exploités à 41 % par la compagnie nationale angolaise, l’Américain Chevron, opérateur avec 39,2 %, le Français Total (10 %) et l’italien ENI (9,8 %).

En 2006, le dirigeant des principales tendances du Flec, Antonio Bento Bembe, signe un accord avec Luanda et intègre le gouvernement angolais comme ministre des Droits de l’homme. Mais des éléments du Flec le désavouent, dénonçant la corruption endémique engendrée par le pétrole, décrite comme un «problème majeur» par la CIA elle-même sur son site Internet. Dimanche, Antonio Bembe reconnaissait avoir «peut-être sous-estimé» la menace séparatiste. Quant à Rodrigues Mingas, le leader qui a revendiqué l’attaque, le Quai d’Orsay reconnaissait dimanche qu’il avait «vécu en France». Sa situation actuelle restait à confirmer.

Prier Pierre

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