Affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat
A l’ouverture de l’audience, le vendredi 9 septembre 2011, Me Dodji Apévor a tenu à faire une observation par rapport au traitement qui a été fait jeudi soir à la TVT des échos du Palais de justice. Son inquiétude c’est que le Pouvoir était en train de préparer l’opinion à un verdict fixé à l’avance. Selon l’avocat, un pareil comportement pousse au pessimisme. Il a fait allusion aux deux communiqués lus par le Ministère public. La TVT devrait donner la parole à la défense aussi afin de permettre au public d’entendre sa version et équilibrer les débats. D’autres confrères interviendront dans le même sens. Le Président de la Cour a demandé aux avocats de la défense de contacter la HAAC, afin qu’elle prenne des dispositions.
Le Sgt Bawouna : Après cette mise au point, il sera le premier prévenu appelé à la barre. Il n’a pas reconnu les faits. Il s’en est tenu à sa déposition et maintenu qu’il ne reconnaissait pas le chef d’accusation retenu contre lui. Il a raconté comment il a été torturé à l’ANR et comment on les affamait, en les privant de nourriture. Il a révélé beaucoup d’autres choses, notamment comment ils étaient empêchés de dormir la nuit. Il lui a été demandé d’exposer comment ils étaient privés de sommeil. Et voici sa réponse : « A chaque heure, il y avait quelqu’un qui était chargé, avec une barre métallique de taper très fortement sur nos portes qui sont des portes métalliques. Les bruits étaient si forts qu’un jour, voulant boucher mes oreilles, j’étais troublé et j’ai bouché mes narines, et c’est après, que je m’en suis rendu compte ».
Julien Gnassingbé : « Je ne reconnais pas les faits » a-t-il déclaré au juge. Il a raconté comment il a été appelé dans la nuit par le Capitaine Baoubadi qui lui a dit que ça tirait chez le député Kpatcha. Pour se mettre à l’abri, il s’est rendu chez Toyi, le jumeau de Kpatcha. Le lendemain il est rentré chez lui pour se laver. Le 16 avril, il est passé encore chez Toyi. On l’informe que le Capitaine Akakpo le cherchait à la gendarmerie. On lui a demandé ses relations avec Kpatcha. De là il se retrouvera à l’ANR.
Laré Didier : Il est chauffeur dans le convoi de Faure Gnassingbé. Il ne reconnaît pas les faits. « On m’appelle à l’ANR pour vérifier les véhicules américains qui sont arrivés. L’accueil qui m’a été réservé est capable de tuer un malade de tension. Le commandant Amah me demande où j’étais le 12 avril. Il me dit qu’on lui a dit qu’il semble que je suis mécontent de l’arrestation de Kpatcha et il prend soin de me dire que c’est ce qu’on lui a dit de dire », a déclaré le soldat Laré Didier. Le seul présumé mécontentement a suffi pour arrêter ce dernier. Il est aussi revenu sur les tortures qu’il a eu à subir.
Sgt Kpadaro : « J’étais à Kara le 12 avril et on parle de groupement de malfaiteurs, c’est mon corps qui est à Lomé et mon ombre est à Kara ? Je ne reconnais pas les faits et je les rejette catégoriquement », a déclaré le Sergent Kpadaro en martelant l’adverbe.
L’adjudant Tchara : il n’a pas reconnu le chef d’accusation qui lui a été lu. « J’étais à Kara d’octobre 2008 à avril 2009 et dans la nuit du 12 avril à 23h58, le capitaine Baoubadi m’a appelé pour me dire que ça tire chez Kpatcha ». Le lendemain, à Kara, on lui pose la question : « Qu’est-ce que tu connais du coup d’Etat ? Qui t’a appelé hier nuit ? ». Il sera ensuite conduit à Lomé où il a rencontré le Col. Yark. Ce fut son arrestation.
Kébéra Kossi : Il n’a pas reconnu les faits. Il était en mission à Tsévié le 12 avril où il reçoit un appel du Capitaine Baoubadi pour savoir ce qui se passe chez Kpatcha. Il lui répond qu’il n’est pas à Lomé. Après on l’appelle pour lui dire que le capitaine Ali l’appelle au camp. Là, on lui demande : « Qui t’a appelé le dimanche nuit de Kara ? ».
Papalé Abalo : Il ne reconnaît pas les faits. Il n’a vu Kpatcha pour la première fois physiquement que le 1er septembre 2011 lors de la première audience.
Tchéou Massama Esso Jaurès : Il n’a pas reconnu les faits. Il raconte que ses relations avec la famille Gnassingbé date des années 70, depuis l’enfance. « Le 8 avril 2009, je suis revenu de la Guinée Equatoriale. Dans la nuit du 12 avril un ami journaliste se prénommant Fulbert m’a informé qu’on tire au domicile de Kpatcha. J’ai appelé l’aide de camp de Faure Gnassingbé, Bakali. Le lendemain je me suis rendu chez le député pour voir ce qui s’est passé. Le 14 avril vers 11h, M. Bakali m’a appelé de venir au domicile du chef de l’Etat à 12h00 et il m’a envoyé chez Kpatcha pour voir s’il était disponible pour venir rencontrer le chef de l’Etat.
Arrivé chez Kpatcha, il rappelle Bakali pour lui dire qu’il n’y a pas de problème, que Kpatcha est sous soins avec ses médecins et que dès qu’il sera dégagé, il viendra. Le 15 avril, lorsqu’il a appris à 13h à la radio que Kpatcha a été arrêté, il s’est rendu à son domicile pour voir sa femme et les enfants. Là, il voit qu’il y a des gendarmes et des gens de l’ANR qui faisaient des perquisitions. Cela avait duré environ deux heures. Il attendra la fin pour accéder à la maison. Ils lui ont demandé de les aider à transporter les armes à l’ANR. Il était en compagnie de Tchinguilou. Ils sont arrivés à l’ANR et le capitaine Kadanga l’a appelé de le suivre. Il l’a enfermé dans une cellule pendant plus de 2 ans.
« Je me suis demandé dès lors si c’est ma proximité avec Kpatcha qui me vaut mon arrestation », s’est-il exclamé. Il a évoqué sa torture à l’ANR qui est à la base de l’hypertension dont il souffre aujourd’hui. A la question de savoir la qualité de ses relations avec le chef de l’Etat, il a répondu : « Avec Faure Gnassingbé, j’ai d’excellentes relations et je le vois souvent. Faure a été la dernière personne de la famille avec laquelle je me suis entretenu. J’étais en Guinée Equatoriale pour mes affaires, quand Faure est arrivé pour les cérémonies d’investiture. Après, on s’est rencontré et on a partagé des repas ensemble. Il m’a même demandé de rejoindre la délégation togolaise pour des négociations tripartites pour le compte du Togo ». Par rapport à la torture, Tchéou Jaurès a déclaré que ce qu’il a subi n’est pas différent de ce qu’ont subi les autres. Mais il a décidé de pardonner à ses tortionnaires.
Le Col. Rock Gnassingbé comme témoin, paraîtra à la barre à 16h40 à la suite de Titikpina et de Kadanga. Il lave le linge sale de la famille Gnassingbé en public, quoi de plus normal, lorsque les choses en arrivent à ce stade-là. Il parle des problèmes de succession ainsi que des problèmes liés au patrimoine. Ce qui se présentait sous la forme de rumeur pour les Togolais depuis des années est donc devenu clameur.
Les problèmes de gestion ou de partage d’héritage sont réels. « Les problèmes de famille existent réellement au point qu’un jour, nous avons décidé d’empêcher l’avion présidentiel d’atterrir au retour d’un voyage, histoire de pouvoir régler une fois pour de bon, le problème de partage des biens de la famille. Cela est connu de beaucoup de Généraux et autres officiers de l’armée». Rock Gnassingbé a par ailleurs reconnu avoir reproché entre-temps à Faure, de l’avoir délaissé au moment où il avait été déchu la première fois de son titre de président de la FTF.
A la question de Me Gally de savoir, si à son arrivée cette nuit-là au domicile de Kpatcha, Rock avait vu des gendarmes sur les lieux, en train de se replier ou en position, il a répondu : « Je n’ai pas vu de gendarmes en position, ni en repli à mon arrivée vers 2 heures du matin, mais seulement les forces de la FIR ». Pourtant l’avocat général avait déclaré la veille que si la gendarmerie n’était pas intervenue et que c’était la FIR, c’est parce que les armes disponibles au domicile de Kpatcha étaient d’une telle puissance que la gendarmerie ne pouvait pas y faire face, il fallait une unité d’élite comme la FIR. Or, Titikpina déclarera avant Rock, que la gendarmerie avait été dépassée et c’est pourquoi la FIR a été envoyée en renfort. Ce qui avait fait dire à Me Zeus Ajavon que soit, c’est l’avocat général qui ment, soit c’est Titikpina.
A propos de la question de savoir, si le Col Rock pense que la mission de Kadanga était d’aller assassiner Kpatcha, l’ancien patron du RBRA raconte : « je n’ai pas assisté à la réunion du matin mais j’ai constaté des impacts de balles sur le matelas de mon frère Kpatcha dans sa chambre, et il y avait même des douilles.»
A la question de savoir comment il avait réussi à maîtriser la situation à son arrivée, Rock a répondu : « Comme Kadanga était très nerveux, il disait qu’il allait l’éduquer. Mais comment ? Il fallait qu’il soit en vie pour qu’il puisse l’éduquer, donc j’avais essayé de le calmer. J’ai appelé une première fois Kpatcha, il ne prenait pas et j’ai encore essayé, puis il a pris et m’a demandé si je voulais le livrer à Kadanga et je l’ai rassuré ».
A la question enfin : « Est-ce que vous avez eu l’impression que Kpatcha préparait réellement un coup d’Etat ? », voici la réponse du témoin : « Je ne connais pas une éventuelle intention de coup d’Etat à Kpatcha. Moi j’ai livré les informations que j’avais, à vous de voir s’il y a eu cette intention ». Le Colonel Rock Gnassingbé, à la demande du président Pétchélébia, prend congé de la salle d’audience visiblement à l’aise et à la satisfaction du public, contrairement aux autres qui n’ont pas du tout convaincu dans leurs réponses et qui s’étaient accrochés à de faux-fuyants.
Les témoignages du Général Atcha Titikpina et du Colonel Félix Kadanga
Intervention du juge Pétchélébia : Vous vous nommez Titikpina Atcha Mohamed, vous êtes âgé de 56 ans, vous êtes général des Forces armées togolaises (FAT), ancien ministre de la Sécurité et de la Protection civile demeurant au camp Gnassingbé Eyadema à Lomé. Vous avez été interrogé par le juge d’instruction dans la procédure. Vous avez fait des déclarations devant le juge et afin de vous poser des questions, nous allons vous lire les déclarations que vous avez faites.
Sur interrogation de recherche du juge d’instruction, vous avez répondu : « c’est depuis l’année 2007 que nous avons eu ces informations que nous avons recoupées et suivies. Ces informations faisaient état de la déstabilisation des institutions de la République. Ces informations seront confirmées en début d’année 2009 puis en avril de la même année par la fréquentation de certains officiers supérieurs et de M. Kpatcha Gnassingbé. C’est grâce à nos services de renseignement que nous avons eu ces informations ».
A une autre question du juge, vous avez répondu : «Nous les suivions depuis, nous savions qu’ils avaient prévu de déclencher leur opération dans la période où le chef de l’Etat allait effectuer un voyage officiel en Chine. Nous les avons interpellés dans la nuit du 12 avril 2009. A cette occasion, ils devraient organiser une mutinerie dans 7 unités des FAT pour réclamer la réhabilitation de Kpatcha Gnassingbé au poste de ministre de la Défense. Cette mutinerie devrait aboutir sur un coup d’Etat qui devrait renverser le chef de l’Etat. Nous ne pouvions pas laisser passer ces genres d’activités, c’est pour cela que nous avons procédé à l’interpellation des personnes impliquées dans ces préparatifs à leur domicile. C’est seul Kpatcha Gnassingbé qui a été appréhendé à l’ambassade des USA à Lomé.
Dans cette opération, nous avons récupéré beaucoup de matériels de guerre, des équipements de transmission militaire et civile, des véhicules, des tenues militaires et autres dont la liste est jointe au dossier. Nous avons enregistré au cours des opérations d’interpellation, suite aux échanges de coups de feu, deux morts dans les rangs de la garde rapprochée de M. Kpatcha Gnassingbé. Ces éléments tentaient de s’opposer à l’action de la Gendarmerie. Celle-ci a été obligée de faire recours aux forces de défense puisque les éléments de Kpatcha étaient suffisamment armés jusqu’à l’arme de calibre 12,7 mm. Cette arme a une puissance de feu supérieure aux armes en détention à la Gendarmerie ».
Voilà les déclarations que vous avez faites, nous vous avons donné lecture pour savoir si vous les confirmez.
Atcha Titikpina : Oui, je les confirme !
Le juge Pétchélébia : M. Titikpina, est-ce que vous êtes parent à la famille Gnassingbé?
Atcha Titikpina : M. le président, je ne suis parent ni allié à la famille Gnassingbé.
Pétchélébia : Est-ce que vous avez un parent ou allié parmi toutes les personnes poursuivies ?
Atcha Titikpina : M. le président, je n’ai pas de parent parmi les personnes poursuivies, mais j’ai des frères de village.
Le juge : Vous allez alors prêter serment de dire la vérité, rien que la vérité. Nous vous signalons cependant que le faux témoignage est puni par la loi. Vous levez la main droite et dites « je le jure ».
Atcha Titikpina : Je le jure !
Pétchélébia : Maintenant vous allez essayer de nous dire si vous reconnaissez vos déclarations que nous vous avons lues.
Atcha Titikpina : Je reconnais mes déclarations que vous venez de lire.
Le juge : La cour n’a aucune question à lui poser, (se tournant vers l’Avocat général Missité), est-ce que l’Avocat général a une question ?
L’Avocat général (s’adressant au Général Titikpina) : Mon Général, Kpatcha Gnassingbé dit qu’il organisait un coup d’Etat afin de récupérer la situation qu’allait créer un autre coup d’Etat. Mon Général, vous étiez à l’époque l’un des hommes les plus renseignés de ce pays. Est-ce que vous aviez connaissance d’un groupe parallèle au groupe de Kpatcha qui voulait également prendre le pouvoir par la force ?
Atcha Titikpina : M. Kpatcha Gnassingbé se croit le plus malin de ce monde. Il pense se servir de cette stratégie afin d’atteindre son objectif qui est celui d’opérer un coup d’Etat. Il a dans sa stratégie, utilisé des personnes à qui il faisait parvenir le même message. Je m’arrête là.
L’Avocat général : Vous avez dit que parmi tous ceux qui sont sur le banc des accusés, vous avez des frères de village dont le Cdt Atti. Quels conseils pouvez-vous donner au Cdt Atti quand il déclare que dans l’entourage du chef de l’Etat, on l’empêchait d’accéder au grade de lieutenant-colonel, qu’on l’a empêché d’assurer l’intérim du Colonel Yark quand ce dernier partait en formation, qu’on l’a également empêché d’aller en mission au Soudan et en Côte d’Ivoire ?
Atcha Titikpina : Permettez-moi de rendre grâce à Dieu qui me permet de me tenir debout devant vous afin de m’exprimer et me faire entendre.
Vous m’avez posé une question ; vous me demandez quels conseils je peux donner à mon frère Atti. Atti est dans cette situation tout simplement parce qu’il n’a pas voulu écouter mes conseils. On dit souvent que les conséquences corrigent mieux que les conseils.
Il y a un temps, Atti a tenu devant moi des propos qui ne me permettaient plus de lui donner des conseils. Tout le monde connaît qui est Boko. Il nous a quitté dans les conditions que tout le monde connaît ici alors qu’il était chargé d’organiser des élections en tant que ministre de l’Administration territoriale. Quelle ne fut ma surprise quand un jour dans son bureau (bureau d’Atti, ndlr), j’étais avec un groupe d’officiers et quand on échangeait, il me disait que Boko était son ami, qu’il demeurera toujours son ami. J’ai été vraiment bouleversé, bouleversé en ce sens que Boko a trahi la nation avant de s’en aller. S’il n’a pas trahi la nation, pourquoi au lieu de rester pour organiser les élections, il prenait la clé des champs à travers les ambassades ? Il devait rester !
Quand Atti a dit ça, je lui ai dit de ne plus répéter cela ailleurs et je me suis tu. Quelques jours après, c’est Atti qui a fait le tour du monde pour raconter ce que je lui ai dit. Un frère comme ça qu’est-ce qu’il faut faire avec lui, qu’est-ce qu’il faut lui dire alors même qu’il n’est pas connu du village (Tchamba)? Quand je devais aller au village, je lui demandais qu’il vienne avec moi au village, mais il n’aimait pas y aller. Jusqu’à présent, Atti n’a pas construit un seul poulailler au village (rire général du public). M. le président, je peux aller plus loin, mais je préfère m’arrêter là !
Pour répondre à la 2ème question qui est celle de son avancement, Atti sait qu’en ce moment j’étais ministre de la Sécurité et de la Protection civile, il sait comment les avancements se font. Au sein des Forces armées togolaises, il y a l’Etat-major général qui fait la promotion des officiers. En ce moment le ministre de la Défense était Kpatcha Gnassingbé. S’il n’était pas avancé, est-ce que cela m’est imputable ? C’est Kpatcha qui était le ministre de la Défense, c’est lui qui avançait les gens ! Je me rends compte que Kpatcha dans ses malheurs a essayé de le dresser contre moi ! Je m’arrête là.
Les avocats de la défense
Avocat : Général Titikpina, j’aimerais d’abord savoir si vous connaissez un certain Bawa, qui travaillait à l’ambassade des Etats-Unis du Togo ?
Atcha Titikpina : Je ne connais pas Bawa, je ne l’ai jamais vu ni entendu parler de lui.
Avocat : En expliquant ce qui s’est passé le 12 avril, vous avez dit un certain nombre de choses à savoir que vous aviez des renseignements qui faisaient état de ce que le député Kpatcha Gnassingbé préparait un coup d’Etat et que de ce fait; les opérations étaient prévues pour se dérouler le 12 avril, vous avez par conséquent décidé d’interpeller les auteurs. J’aimerais savoir comment vous avez décidé d’interpeller les auteurs du putsch et qui s’est chargé de les interpeller .
Atcha Titikpina : Merci M. le président, je tiens à rappeler ici que quand j’exerçais ma fonction de ministre de la Sécurité, j’ai eu à gérer la partie qui me concernait, les autres également ont géré leur partition en ce qui les concerne. Aujourd’hui je suis Chef d’Etat-major des forces armées togolaises. En vertu des pouvoirs de la défense de notre intégrité territoriale et des intérêts supérieurs de notre nation, il y a des choses que je ne saurai dire ici car cela rentre dans le cadre de la défense de notre intégrité territoriale, je vous remercie.
Avocat : M. le président, nous sommes devant votre auguste cour pour faire toute la lumière sur des événements qui se sont déroulés et qui ont abouti à mettre des personnes dans le box des accusés aujourd’hui. M. le président, aucune circonstance ne peut empêcher qu’on nous dise comment les choses se son passées pour que ces 32 personnes se retrouvent dans le box des accusés aujourd’hui.
Juge Pétchélébia : Si c’est de cela vous parlez, la cour avisera. C’est un témoin, il a fait des déclarations au dossier et il a encore fait des déclarations à la barre. Il dit qu’il est tenu par le secret de la défense, si la cour a des moyens qui lui permettent de trancher, elle avisera.
Avocat : Mais avant que la cour n’avise, nous sommes ici pour vous permettre d’avoir une vision exacte de ce qui s’est passé dans la nuit du 12 avril. C’est très important pour nous-mêmes et pour la République. Le Général était ministre de la Sécurité à l’époque des faits. Il s’agissait d’aller interpeller un député de la République qui était soupçonné en ce moment-là de vouloir monter un coup contre les institutions de la République. Il n’y a aucun secret puisque, dans la logique de notre présence ici, cette affaire a été éventée, si tant est-il qu’elle a existé. On doit nous dire qui a pris la décision, dans quelle réunion la décision a été prise et qui a été envoyé. Ce sont là des éléments normaux, on ne vous demande pas de révéler les secrets de la défense de notre pays ! Ce sont des éléments ordinaires. M. le président, nous sommes devant vous pour connaître d’un problème de coup d’Etat. Tous les gens qui sont passés devant vous, ont rejeté l’accusation, c’est la première fois que je vois cela au Togo. Il faut alors qu’on nous dise toute la vérité, c’est important pour la République. Il était ministre de la Sécurité, à moins qu’il ne soit pas associé à la décision et en ce moment-là, on prendra acte que le Général Titikpina, ministre de la Sécurité au moment des faits, n’a pas été associé à la grave décision qui a été prise d’aller interpeller le député Kpacha Gnassingbé.
M. le président, il n’est pas normal qu’on cache tout un pan de la vérité sur ce qui s’est passé au peuple togolais. Il a été dit que dans cette nuit des éléments de la Gendarmerie sont allés interpeller le député Kptacha et qu’ils ont subi des tirs nourris avec des armes supérieures. M. le président, qu’on nous dise ici, qui a donné l’ordre d’aller arrêter le député dans une question d’attentat.
Juge Pétchélébia : Je voudrais vous dire que le témoin a été entendu par le juge d’instruction qui recherchait la manifestation de la vérité. Nous avons les déclarations que le juge d’instruction a établies de ce témoin. Nous avons toutes ces déclarations. Le témoin a répondu à votre question en disant qu’il était lié par son secret professionnel. Nous vous avons dit que la cour avisera. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que signifie la cour avisera ?
Avocat : M. le président, avant que la cour n’en avise, il faut que la cour, le Ministère public, les avocats et le public soient édifiés, soient informés. La cour ne peut pas aviser ex-nihilo M. le président. Avec les déclarations du Général Titikpina, nous sommes comme si on tombait du ciel et on demande à la cour de décider ex-nihilo ? Non ! Nous avons entendu ici dans une déclaration que le Général Titikpina a dit qu’il n’y a que Kadanga qui peut échouer dans cette mission. Vous devez être édifiés, et les avocats, et la cour et le public et même les inculpés.
Atcha Titikpina : M. le président, pour sa compréhension, je veux lui dire ceci. Une affaire d’atteinte contre la sûreté de l’Etat n’est pas une mince affaire. On ne sait pas au départ, qui est qui, qui fait quoi et qui va faire quoi. C’est une affaire qu’on a suivie depuis 2007. Il est avocat, c’est son domaine que je respecte très bien, je suis militaire, un domaine que je connais aussi très bien. Quand il y a un problème d’atteinte contre la sûreté de l’Etat, les premiers éléments qu’il faut envoyer, ce sont les gendarmes pour aller interpeller. Et la Gendarmerie était chargée de jouer ce rôle. Si vous vous rappelez, dans mes premiers propos la Gendarmerie a été pour interpeller M. Kpatcha Gnassingbé quand elle s’est retrouvée face à elle, des militaires armés. Puisque la Gendarmerie était allée avec des armes légères et qu’au domicile de M. Kpatcha Gnassingbé il y avait des armes beaucoup plus puissantes que les armes de la Gendarmerie, alors dans ce cas, le commandement opérationnel a décidé d’envoyer une force supérieure à celle de la Gendarmerie. Je dis bien c’est mon domaine, l’avocat a le sien. Voilà ce que je peux dire M. le président !
Avocat : M. le président, je constate que les propos du Général Titikpina sont en contradiction flagrante avec les propos tenus par l’Avocat général au cours de ce procès. L’Avocat général a dit qu’ils savaient que le député Kpatcha avait des armes très puissantes à son domicile, c’est pour cela qu’on ne pouvait pas envoyer les gendarmes et qu’ils ont décidé d’envoyer ceux qui ont une puissance de feu supérieure à la puissante de feu du député Kpatcha. Si je mens, qu’il me démente.
C’est pour dire qu’au grand jamais, on n’a envoyé les gendarmes. Ce sont les éléments de la FIR qui ont été envoyés pour l’opération. C’est ce que l’Avocat général nous a déclaré dans cette salle. M. le président, il y a quelqu’un qui ment, ou c’est l’Avocat général ou c’est le Général Titikpina.
Un autre avocat de la défense : Je veux demander au Général, nous savons que la Gendarmerie est un corps bien organisé. Ce sont des gens qui travaillent assez bien. En général, pour interpeller un citoyen, on envoie une unité de gendarmes dirigée par quelqu’un. Alors, en supposant que cette unité ait été dépassée par la puissance de feu au domicile du député Kpatcha Gnassingbé, pourquoi on n’a pas envoyé l’Unité spéciale d’intervention de la Gendarmerie (Usig) ?
Atcha Titikpina : J’ai dit tout à l’heure que l’armée c’est mon domaine, c’est au commandement d’apprécier quel corps il faut envoyer pour faire face à quelle menace.
Avocat : Je veux que tout ça soit consigné. On ne nous dit pas quelle unité de la Gendarmerie a été envoyée. On ne nous dit pas si c’est l’unité spéciale d’intervention de la Gendarmerie. En supposant que les gendarmes ont essuyé des tirs, nous savons très bien que Lomé est repartie en zones de sécurité et la zone de Kégué ne relève pas du domaine d’intervention de la FIR. Nous savons que dans chaque camp, ou dans chaque régiment, il y a ce qu’on appelle des compagnies en disponibilité opérationnelle. Ce sont des hommes qui ont été bien formés et qui sont bien armés qui pourraient venir en appui aux gendarmes en difficulté au domicile du député. Nous avons le camp Général Eyadema, nous avons le camp qui est plus proche du lieu de l’intervention, le camp du RBRA. Pourquoi est-on allé jusqu’à la FIR pour chercher de l’appui alors qu’on sait que ce n’est pas la zone habituelle d’intervention de la FIR.
Atcha Titikpina : Je veux tout juste dire que nous savions ce qu’ils étaient en train de préparer et comme nous savions ce qu’ils étaient en train de préparer, nous avions pris les dispositions qui s’imposaient et dans ce cadre, c’est le commandement opérationnel qui décide de la conduite à tenir. Je tiens à dire que dans leur plan, ils voulaient profiter de la période où le Chef de l’Etat devait faire son voyage sur la Chine pour opérer et tant que tel, nous avions pris les dispositions qui s’imposaient. Je vous remercie.
L’Avocat : Donc si on comprend bien, le commandement opérationnel a estimé que compte tenu de la situation qui prévalait dans la nuit du 12 au 13 avril, qu’il fallait envoyer tout un régiment au domicile du député Kpatcha Gnassingbé commandé par le Lieutenant-colonel Félix Kadanga, tout un régiment pour aller interpeller un citoyen qui se préparait à faire un coup d’Etat, c’est bien cela ?
Atcha Titikpina : M. le président, je ne reviens plus sur la question, tout simplement parce que c’est la même question qui revient. Je vous remercie.
Autre avocat de la défense : S’il vous plait M. le président, il n’a pas répondu à la question.
Juge Pétchélébia : Il a répondu à la question, il a dit qu’il ne reviendra plus sur cette question.
Avocat : M. le président, j’ai dit que l’Avocat général a dit dans cette salle que c’est parce qu’il y avait une importante puissance de feu au domicile de Kpatcha Gnassingbé qu’ils ont décidé d’envoyer la force d’intervention rapide pour intervenir, qu’ils ne pouvaient pas envoyer des éléments ordinaires. Or, le Général nous dit aujourd’hui qu’ils ont envoyé la Gendarmerie qui a essuyé des tirs et c’est devant la puissance de feu des éléments de la Gendarmerie qu’ils ont décidé d’envoyer la FIR. C’est pourquoi je dis, M. le président, que ou c’est le Général qui ment, ou c’est l’Avocat général qui ment. Quelqu’un ment devant cette cour M. le président sous serment.
Pétchélébia : Si quelqu’un ment ici, nous trouverons celui qui ment. Ne vous en faites donc pas.
Autre avocat : M. le président, contrairement à l’Avocat général qui explique que c’est la FIR qui est allée directement au domicile du député Kpatcha du fait de la puissance des armes qui étaient à son domicile, le Général Titikpina vient tout juste de dire que c’est la Gendarmerie qui s’est rendue premièrement sur les lieux. Je voudrais tout juste savoir si le Général Titikpina peut nous dire celui qui commandait l’unité de Gendarmerie qui s’est rendue sur les lieux.
Atcha Titikpina : Merci M. le président! Encore une fois je dis que je suis actuellement Chef d’Etat-major des Forces armées togolaises et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés pour garantir l’unité territoriale et les intérêts de la nation togolaise, quand on a affaire à une question d’atteinte à la sûreté de l’Etat, le commandement prend ses responsabilités et agit comme il se doit. J’ai dit que c’est la Gendarmerie qui a agi ! Point !!! (il a refusé de donner le nom de celui qui a dirigé l’unité de la Gendarmerie, ndlr).
Avocat : M. le président, je voudrais dire que lorsqu’on ne répond pas à une question, c’est aussi une réponse. J’ai une autre question, est-ce que le Général Titikpina sait qu’à l’ANR on torture ?
Atcha Titikpina : Je le remercie pour sa question. Nous sommes dans un pays de droit et tous les pays sur cette terre disposent de services spécialisés dans des domaines spécifiques. Les grands pays que nous connaissons comme les petits pays, disposent de leurs services spécialisés. Je suis heureux de constater que ceux qui ont été détenus à l’ANR, certains on pu déclarer, ce que des médias ont publié, des radios en parlent, qu’ils étaient bien traités à l’ANR. En tout cas c’est ce que j’ai cru entendre par l’entremise des radios. Je suis alors étonné qu’on me parle de torture en ce sens que quand on vient interpeler quelqu’un qui ne veut pas se soumettre à cette interpellation, vous êtes obligé d’utiliser tous vos moyens physiques pour obliger cette personne à se soumettre à la loi ! Vous le voyez partout sur cette terre. Je n’appelle pas cela de la torture. M. le président, aucun d’entre eux n’a perdu la vie à l’ANR. Je m’arrête là.
Avocat : M. le président, est-ce que vous permettez que j’appelle à la barre, le Capitaine Dontema et le Commandant Gnassingbé ?
Juge Pétchélébia : Ce n’est pas nécessaire (cri de désapprobation du public). Vous savez, avant que le Général n’arrive, la manière dont ces détenus étaient agités, on ne peut pas les faire venir à la barre comme ça. Ils étaient trop agités, ce n’est pas normal.
Avocat : M. le président, je fais cette demande pour la manifestation de la vérité. Je voudrais apporter ma contribution pour la manifestation de la vérité. M. Titikpina dit qu’il a écouté sur les médias un certain nombre de choses, que certains détenus ont déclaré qu’ils ont bien été traités à l’ANR. Je voudrais tout simplement qu’il écoute certains détenus qui n’ont pas été bien traités. (Refus du président Pétchélébia d’accéder à cette demande de l’avocat).
Avocat : M. le président, j’aimerais savoir si le Général Titikpina s’est rendu au domicile du député Kpatcha au lendemain de la fusillade.
Atcha Titikpina : Pour quoi faire ?
Avocat : Si je lui pose cette question, c’est que le Général Titikpina a déclaré à cette barre, qu’il y a eu des échanges de tirs au domicile du député, et moi en tant qu’avocat, je me suis rendu au domicile du député Kpatcha mais je n’ai rien vu de tel. Quand on parle d’échange de tirs, c’est qu’il y a d’un côté des personnes, et de l’autre côté d’autres personnes et sur les murs, vous verrez d’un côté des impacts de balles et de l’autre côté également, vous verrez des impacts de balles. Je me suis promené sur les lieux, je n’ai vu aucun impact.
Pétchélébia : Je crois qu’il a déjà répondu à cette question, on passe à une autre question.
Avocat : J’aimerais savoir si le Général Titikpina confirme le fait que dans un processus de promotion au grade, c’est le chef de corps qui propose les personnes et qu’après, ces propositions sont transmises au Chef d’Etat-major.
Atcha Titikpina : M. le président, ce que l’avocat doit savoir, c’est que l’avancement au niveau des Forces armées togolaises est au choix, point.
Avocat : M. le président j’ai quelques questions au Général. Dans sa déclaration, il est écrit qu’ils ont eu des informations faisant état de ce qu’il devait y avoir une mutinerie au sein de certaines unités de l’armée et cette mutinerie devait déboucher sur un coup d’Etat que préparait le député Kpatcha. J’aimerais savoir dans quelles unités devaient avoir lieu ces mutineries ?
Atcha Titikpina : M. le président, encore une fois, je me dois de rappeler à cet avocat que je suis encore le Chef d’Etat-major des Forces armées togolaises. Je vous remercie.
Avocat : M. le président, je crois que vous êtes satisfait de sa réponse, j’ai quand même d’autres questions. J’aimerais savoir quelles sont ses relations avec le Cdt Atti, ses rapports avec M. Boko et les événements que préparait le député Kpatcha Gnassingbé car nous savons tous que le Cdt Atti a déclaré dans cette salle qu’il estime que ce sont ses accointances avec François Boko qui expliquent sa présence au banc des accusés.
Atcha Titikpina : M. le président je crois que l’Avocat général m’avait posé une telle question ici et j’ai expliqué. Un petit frère qui ne veut pas écouter et qui refuse de ne pas aller au village, qu’est-ce que moi je peux faire ? M. le président, je ne sais pas si j’ai encore besoin de le dire que j’avais tout fait pour qu’Atti parle au moins ma langue Tchamba !
Avocat : M. le président, je veux savoir si le Général a interrogé certains ou les 32 personnes ici présentes dans le box des accusés ? A-t-il interrogé certains des accusés ou tous les accusés quand ils étaient encore à l’ANR ?
Atcha Titikpina : M. le président, je voudrais lui dire que dans les affaires de coup d’Etat, quand vous avez une zone d’ombre, vous le chef, vous êtes obligé de descendre dans l’arène pour chercher des explications. C’est ainsi qu’effectivement, je m’étais rendu à l’ANR pour avoir certaines informations que je voulais de M. Kpatcha Gnassingbé. J’ai demandé qu’on le fasse venir. Ils me l’ont fait venir menotté. Quand on me l’a fait venir menotté, j’ai demandé à celui qui me l’a amené de lui enlever les menottes, histoire de le mettre en confiance. J’avais demandé à l’élément de nous laisser seuls parce que j’avais besoin d’en savoir davantage. Et quand l’élément est sorti, M. Kpatcha s’est jeté à mes pieds, il m’a attrapé le pied et il me demandait pardon. Il me disait de tout faire pour intercéder auprès de son frère et lui demander pardon. J’ai été étonné que celui qui a passé tout son temps à monter des histoires contre ma personne, me dise d’aller intercéder en sa faveur auprès de son frère, qu’il voudrait que cette affaire se règle dans le cadre familial. J’ai répondu à M. Kpacha Gnassingbé qu’il était déjà trop tard. Le reste, ça fait partie de ce que j’ai déclaré, je vous remercie.
Avocat : M. le Général, vous avez eu à interroger, comme vous venez de le dire, le député Kpatcha Gnassingbé. Il nous a dit ici à la barre que lors de cet interrogatoire, vous lui avez dit ce qui suit : « Je n’attends que l’ordre de votre frère pour vous abattre ». Qu’est-ce que vous avez à y répondre ?
Atcha Titikpina : M. le président, je suis étonné de cette question. Le président Faure Gnassingbé, je peux dire que c’est un chef d’Etat qui est pour le respect des droits de l’Homme, le respect de la dignité des personnes et qui œuvre pour la protection de la vie humaine. Il ne peut pas me donner un ordre de ce genre. Je ne pense pas cela du chef de l’Etat qui est un grand croyant.
Je tiens à dire ici que Kpatcha Gnassingbé a monté des gens contre ma personne. Il a monté une mutinerie et il se préparait à commettre un coup d’Etat. Il disait partout que c’était moi qui voulais le malheur de leur famille. M. le président, quel intérêt aurai-je à vouloir le malheur de la famille Gnassingbé ? Voilà ici encore un montage et les mensonges de Kpatcha Gnassingbé. Je crois que ça fait partie de sa stratégie. Je crois que si nous sommes ici, c’est que tout le monde a envie de savoir ce que Kpatcha Gnassingbé préparait contre son frère ! Je vous remercie.
Avocat : Nous avons été informés que le Général Titikpina a amené des gens de Tchamba pour être torturés à l’ANR. Quelle est sa réponse ? Est-ce qu’il confirme ou infirme ? Je tiens à ce qu’il se prononce parce qu’à cette barre les gens ont dit qu’il y avait des cas de torture à l’ANR. Des gens l’ont déclaré, les gens se sont déshabillés pour vous montrer les séquelles.
Atcha Titikpina : M. le président, je ne reviens plus sur des questions liées à l’ANR, je vous remercie.
Avocat : M. le président, il a été déclaré dans cette salle qu’il a interrogé plusieurs personnes avec des menottes. Est-ce qu’il n’a pas demandé au cours de ces séances, qu’on serre les menottes de certains des détenus ? Mais lui, il déclare qu’au contraire, il a demandé qu’on enlève les menottes aux détenus. M. le président, il y a quelqu’un qui ment dans cette affaire. M. le président, c’est pour cela que je soutiens que ceux qui ont déclaré le contraire, viennent à la barre ici pour qu’on puisse faire une confrontation. (Refus de Pétchélébia).
Avocat : M. le président, le Général a déclaré qu’il savait depuis longtemps que le député Kpatcha Gnassingbé préparait un coup d’Etat. M. le président, j’aimerais savoir depuis quand il avait cette information.
Atcha Titikpina : M. le président, j’ai déjà dit cela, c’est depuis 2007. Je ne vais plus revenir là-dessus.
Avocat : Mais vous dites que c’est depuis 2007 que vous étiez au courant, qu’avez-vous fait en tant que chef d’Etat-major et pourquoi c’est seulement en 2009, le 12 avril 2009 que vous avez cru devoir l’arrêter ?
Atcha Titikpina : M. le président, un coup d’Etat ne se juge pas en un jour. C’est un processus et quand on est dans ce processus il y a le temps de l’action. Il appartient au commandement de décider du moment qu’il faut arrêter le coup.
Avocat : M. le Chef d’Etat-major des Forces armées, pouvez-vous nous dire parmi les officiers inculpés dans cette affaire, ceux qui étaient des chefs de corps ? Combien sont-ils à être chefs de corps à l’époque ?
Atcha Titikpina : Je ne sais pas, pourquoi vous me posez cette question ?
Avocat : M. le président, il est le Chef d’Etat-major et avec toutes les difficultés qu’a le ministère public pour établir la matérialité des faits, il doit être en mesure de nous informer. En tant que militaire d’expérience et expert en matière militaire, c’est lui qui devrait nous fournir tous les ingrédients de ce coup d’Etat.
M. le président, nous voulions suggérer que le Général réponde à nos questions. Il doit répondre à nos questions parce qu’il est témoin. Il doit même être confronté aux accusés présents dans la salle.
Pétchélébia : Vous avez fini ?
Avocat : Non, je n’ai pas encore fini.
Pétchélébia : M. Tititkpina allez vous asseoir. Faites venir M. Kadanga.
Avocat : Mais, je n’ai pas encore fini !
Pétchélébia : M. Titikpina allez vous asseoir. (Réaction de réprobation des avocats de la défense tous débout).
Arrivée à la barre du colonel Félix Kadanga
Juge : Vous vous nommez Kadanga Abalo, vous êtes âgé de 48 ans, vous êtes militaires, Colonel des FAT demeurant à Agoè Assiyéyé. Est-ce que vous avez des liens avec la famille Gnassingbé ? Est-ce que vous êtes des alliés ou avez des liens tout à fait directs avec la famille ?
Kadanga : On est allié.
Le juge : Est-ce que vous avez des liens avec les autres inculpés qui sont dans le box ?
Kadanga : Non !
Le juge : Puisque vous avez des liens avec la famille Gnassingbé, nous sommes obligés de ne pas vous demander de prêter serment.
Le juge : Vous avez été écouté par le juge d’instruction à titre de témoin. Vous avez répondu aux questions suivantes du juge. Il a dit : « Que savez-vous des faits reprochés à Kpatcha Gnassingbé et autres ? ». Vous avez répondu : « Depuis 2007, il y a les rumeurs persistantes que Kpatcha Gnassingbé voulait renverser son frère, le président de la République Faure à travers un coup d’Etat. Des journaux de la place ont fait cas de cela ».
A la question : « Au cours de leur audition, les inculpés Kpatcha Gnassingbé, Towbéli Kouma et le témoin Rock Balakiyem Gnassingbé vous ont présenté comme étant l’officier qui a dirigé les opérations de casse du domicile du député Kpatcha Gnassingbé dans la nuit du 12 au 13 avril 2009. Est-ce vrai ? »
Vous avez répondu : « Oui c’est vrai, c’est justement pour cela qu’il n’y a pas eu de bavure lors de l’opération ».
La question suivante : « Qu’est-ce qui a justifié votre intervention et votre présence cette nuit-là du 12 avril 2009 au domicile du député ? »
Vous avez répondu : « Nous avons reçu cette nuit-là la mission d’appuyer des gendarmes qui étaient en difficulté cette nuit-là au domicile du député Kpatcha. Vu que cette mission était très délicate, je devais moi-même diriger les opérations ».
« De qui avez-vous reçu cette mission ? ». Vous avez répondu : « J’ai reçu cette mission de ma hiérarchie. Il y a eu deux morts et trois blessés ».
Le juge : Vous confirmez ces déclarations que vous avez faites au juge d’instruction ?
Kadanga : Je confirme M. le président.
Avocat général : Mon Colonel, vous avez déclaré tout à l’heure lors de la vérification d’identité que vous êtes allié à la famille Gnassingbé. Je crois que vous avez épousé la sœur de Kpatcha Gnassingbé. Kpatcha a déclaré dans cette salle que votre intervention chez lui était une tentative d’assassinat. Est-ce que vous allez assassiner votre beau-frère ?
Kadanga : C’est une question qui ne se pose pas. Pourquoi vais-je assassiner mon beau-frère ? Et si je voulais l’assassiner comme il le dit, qui m’a empêché de faire ? Qu’il vienne me dire celui qui m’a empêché de l’assassiner ?
Cette nuit-là, nous sommes allés avec les gendarmes pour l’interpeller. Alors qu’on était arrivés, ils ont éteint les lumières et ils ont ouvert le feu. Pendant ce temps, son frère, le Colonel Rock a envoyé un soldat pour nous demander de ne pas tuer Kpatcha. Je lui ai dit d’aller dire au Colonel que nous n’étions pas là pour le tuer. J’ai demandé que lui-même vienne pour voir ce qui se passait. Ce qui fut fait. Quand il est arrivé, je lui ai dit de faire sortir son frère pour qu’on le conduise chez lui et le lendemain, les gendarmes viendront le récupérer. Ce jour-là, Rock est venu en tenue de sport et en sandalette. C’est pour dire à ceux qui disent que Rock était venu pour nous chasser qu’ils se trompent. Il était venu pour voir ce qui se passait et il a vu. Quand il était arrivé, je lui avais demandé d’aller chercher son frère pour qu’ils viennent ensemble. Kpatcha est sorti quand il a vu Rock et le Colonel m’a demandé de rentrer dans la maison.
Quand il m’a vu, il m’a appelé : « Félix ». Je lui ai dit que c’était la dernière fois qu’il m’appelait Félix. « Est-ce que tu crois que c’est par les armes que tu vas prendre le pouvoir ? », je lui ai demandé avant de lui dire d’aller s’habiller, il était sorti dans une tenue que je ne veux pas décrire ici. Il est alors allé s’habiller et je l’ai conduit avec son frère Rock, au régiment RBRA.
Intervention des avocats de la partie civile
Avocat : M. le président, je voudrai vous prier qu’il soit respectueusement demandé au témoin si Rock, le frère de Kpatcha Gnassingbé, était arrivé sur les lieux armé ?
Kadanga : Je le répète, Rock est venu en tenue de sport et en sandalette.
Intervention des avocats de la défense
Avocat : Mon Colonel, avez-vous dit que vous avez été appelé pour prêter main-forte à une équipe de gendarmerie qui était en difficulté au domicile du député Kpatcha Gnassingbé. Lorsque vous étiez arrivés sur les lieux, vous avez essuyé des tirs. L’équipe de gendarmerie n’était-elle pas encore entrée en action ?
Kadanga : Les gendarmes ont essuyé des tirs, nous sommes arrivés pour prendre le combat en compte. C’est ce que j’ai dit.
Avocat : M. le président, je souhaiterais savoir si le Colonel Kadanga reconnaît dans la nuit où il y a eu l’attaque avoir emporté des biens suivant au domicile du député Kpatcha Gnassingbé en présence du député, 68 kilos d’or, 375 mille euros, 200 mille dollars, 192 millions de francs CFA et 4 pierres de diamants. C’est Kpatcha Gnassingbé qui affirme que le Colonel a emporté tous ses biens. Qu’est-ce qu’il en dit ?
Kadanga : M. le président, je veux qu’il reprenne sa question. Il a dit en présence du député Kpatcha ?
Avocat : M. le président, le député Kpatcha a dit qu’il a vu le Colonel Kadanga emporter ses biens. Le député Kpatcha est dans la salle, si vous voulez des clarifications, vous pouvez les lui demander directement.
Kadanga : M. le président, Kpatcha est un gros menteur. Je suis reparti la même nuit avec le député Kpatcha et Rock. On est parti ensemble. Quand il dit que j’ai emporté ses biens, qu’il vienne le dire lui-même !
Pétchélébia : M. Kpatcha, venez à la barre.
Kpatcha : Je confirme ce que j’ai dit. Ils sont entrés dans ma chambre et ils ont tiré des rafales. Les photos sont là pour le prouver. C’est avec ces hommes qu’ils ont emporté mes biens. Je confirme qu’ils ont pris mes biens.
Kadanga : M. le président, Kpatcha est un gros menteur ! M. Kpatcha se défend pour s’en sortir, mais il ne s’en sortira pas.
Note du Lynx: Le Commandant Kadanga serait-il dans les secrets du verdict que prononcera le juge Abalo Péchélibia ? Quand on connaît les prouesses de ce homme de loi dans l’art de tordre le cou au droit, on peut aisément dire: Oui le duo Titikpina et Kadanga savent ce que dira Péchélibia à la fin du procès. Il n’y a pas de doute là dessus. Autant, l’exécutif navigue dans la corruption, autant le judiciaire ne fait pas mieux !
Article du Confrère Liberté. Résumé Lynx.info