Comment peut-on reconnaitre à la Turquie le droit de protéger sa souveraineté et refuser le même droit à la Syrie ?
Lorsque mardi 24 novembre 2015, la Turquie décide d’abattre un avion bombardier russe dans le ciel de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, sous prétexte qu’il a violé pour 17 secondes son espace aérien, on a la certitude que Barack Obama peut être qualifié comme le plus médiocre des présidents qui ait occupé la Maison Blanche. C’est ce qui m’est passé par la tête en l’écoutant à la conférence de presse qu’il donne en recevant le président français.
La Turquie vient d’abattre un avion russe, en espérant compter sur l’application de l’article 5 de l’OTAN dont elle est membre, qui stipule l’automaticité de l’intervention militaire de tous les pays de l’Otan, au cas où un pays membre est attaqué. Il va faire tout son discours sans à aucun moment prononcer la moindre phrase sur la grave crise militaire qu’Ankara vient d’ouvrir. Il faut attendre les questions des journalistes pour l’interpeller là-dessus. Et surprise : il déclare qu’Ankara a le droit de défendre son territoire. Je savais déjà qu’il ne comprenait pas grand-chose à la politique internationale, mais là, c’était la pire réponse qu’il pouvait donner. Donc, n’importe quel petit pays baltique peut désormais abattre un avion russe sous n’importe quel prétexte farfelu, et Obama sera prêt à entrer en guerre contre la Russie pour le défendre ? On croit rêver.
Hier 24 Novembre 2015, en abattant un bombardier russe SU24, Erdogan a offert au président Poutine, un cadeau de noël avant l’heure. Si, jusqu’à maintenant, la Russie maintient une présence timide en Méditerranée pour ne pas froisser les pays membres de l’OTAN, la Turquie vient de lui donner le feu vert pour militariser à outrance la Syrie, c’est-à-dire d’avoir une présence stratégique inespérée en Méditerranée. La phrase malheureuse de Obama selon laquelle la Turquie a le droit de défendre sa souveraineté a été le vrai joker que Obama a offert à Poutine dans le jeu de cartes que chacun d’eux pousse depuis le début de la crise syrienne en 2010.
Comment peut-on reconnaitre à la Turquie le droit de protéger sa souveraineté et refuser le même droit à la Syrie ?
On peut parier que Poutine va désormais utiliser cette déclaration de Obama, pour à moyen terme, aussitôt finie la militarisation de la Syrie, interdire tout survol du territoire Syrien. On comprend dès lors, l’inutilité de balai diplomatique de François Hollande pour former une hypothétique coalition. Hollande n’a pas compris que ce sont les forts qui peuvent avoir l’initiative de former des coalitions et dans ce cas, les deux plus forts sont déjà là et ont déjà chacun sa propre coalition. Pour la Turquie, elle vient la de commettre la pire erreur stratégique depuis le début de la crise syrienne. En 2014, 4,7 millions de russes ont visité la Turquie. La Russie vient d’enlever la Turquie du programme des voyagistes russes. Mais le pire n’est pas là. La Turquie dépend pour son gaz de près de 60% du gaz russe. Si la Russie lui ferme le robinet en plein hiver, c’est la catastrophe. Il restera alors à la Turquie 3 possibilités comme alternative au gaz russe : l’Algérie, l’Iran, le Qatar.
L’Algérie a un pacte de fer avec la Russie et Gazprom. L’Iran vient de signer un même contrat d’une valeur de 5 milliards de dollars. Et de toutes les façons ne livrera jamais son gaz à la Turquie pour contrer la Russie. Il reste le Qatar, mais pour livrer son gaz à la Turquie, il faut faire passer le gazoduc par la Syrie. Selon vous, Assad acceptera cette solution ?
COMMENT AVEC LA CHUTE DE MORSI L’OCCIDENT A PERDU L’EGYPTE COMME PARTENAIRE ?
Depuis 5 ans, la Turquie a élaboré des stratégies pour devenir une puissance régionale. Mais elle n’arrive pas à être autre chose que le bras armé de Washington. Et ce titre a tellement de concurrent dans la région, à commencer par Israël. L’aventure de la Turquie en Egypte s’est soldée par un fiasco retentissant. Officiellement, on sait que le peuple est descendu dans la rue pour faire partir le président Morsi des Frères Musulmans, de création américaine à travers la Turquie. Mais ce qu’on ne sait pas c’est que Morsi a perdu le pouvoir le jour où il a demandé à l’armée égyptienne de soutenir les terroristes islamistes en Syrie et de renverser Assad.
Nous sommes Samedi le 16 juin 2013. Incité et encouragé par Erdogan et Obama, le président égyptien, islamiste Mohamed Morsi annonce au monde, la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie de Bachar el-Assad et exige le départ des combattants du Hezbollah de Syrie. Le même jour, Morsi demande à la communauté internationale d’instaurer une zone d’exclusion aérienne au dessus de la Syrie, pour permettre, selon lui, aux rebelles de prendre le dessus sur les forces armées gouvernementales de Assad, qui contrôlent le ciel syrien. L’armée égyptienne est contre. Le 3 juillet 2013, Morsi sera démis de ses fonctions et arrêté, mettant fin au rêve de Erdogan d’élargissement de son influence régionale vers un pays aussi grand en population comme l’Egypte.
Ce jour-là, deux déclarations sont à retenir pour la postérité : Lorsque l’armée donne l’ultimatum à Morsi de démissionner avant 16 :30 du mercredi 3 juillet 2013, les occidentaux entrent en jeu pour soutenir leur poulain Morsi. Comme en Cote-d’Ivoire et en Libye, ce sont les ONG prétendument des droits de l’homme qui entrent en jeu pour dénigrer une des parties. Ainsi, une heure avant la fin de l’ultimatum, une dépêche tombe. Elle de Human Rights Watch qui accusent les manifestants anti-Morsi d’être responsable d’une centaine de viols de femmes sur la grande place Tahir. De jour ou de nuit, où sont les vidéos ? Peu importe. Il faut tout tenter pour sauver le soldat Morsi. Mais rien n’y fait. Il sera démis et 300 mandats d’arrêts lancés contre les membres de son mouvement, les Frères Musulmans. Il est 22h20’ l’autre déclaration importante de ce jour est une interview que le président Syrien Assad donne au journal officiel As-Saoura auquel il déclare : “Ce qui se passe en Egypte est la chute de ce que l’on connaît comme étant l’islam politique”. Avec un clin d’œil à peine voilé à Erdogan qui veut sa tête.
Plus de 2 ans sont passés. le nouveau président égyptien Al-Sissi est solidement ancrée dans le partenariat militaire avec Moscou. Et même les tentatives de Hollande de l’en éloigner en lui offrant des avions Rafales et le bateau Mistral, mais payés par l’Arabie Saoudite, n’y changera rien. La question est de savoir comment Paris peut vouloir combattre ceux qui ont mis les bombes à Paris et qui comme Morsi étaient contre Assad et copiner avec ceux qui soutiennent ces terroristes ?
QUELLE EST LA VRAI SITUATION SUR LE TERRAIN EN SYRIE ?
Aujourd’hui en Syrie, il y a 2 coalitions qui s’opposent et s’affrontent. Vous commettez une erreur stratégique grave si vous croyez que la première est conduite par les américains. Mais non. Malgré toute sa puissance, la médiocrité de son président Obama a fait que les USA sont aujourd’hui traînés dans la boue par ses alliés, qui règlent chacun des comptes non confessés en comptant bien évidemment sur Barack. La première coalition est guidée par la Turquie qui veut reconstituer l’ancien empire Ottoman. Le président turc et son premier ministre ne le cachent pas, ils le déclarent officiellement à qui veut les entendre. Ils veulent faire de la Turquie un pays à gouvernementSunnite confessionnel, qui deviendrait la prolongation territoriale de la Turquie. Voilà pourquoi, lorsqu’on parle de rebelles syriens, il n’y a aucune personnalité forte qu’on a fait émerger, pour éviter qu’elle ne devienne trop forte, et qu’elle empêche, après le départ de Bachar el-Assad, la réalisation d’un tel projet.
Assad appartient à la minorité Shiite et est même un laïc, un évolutionniste. Ce qui ne plaît pas à Washington, car celui qui ne met pas Dieu devant toutes ses phrases sera difficilement manipulable. Cette coalition voulue et contrôlée par Erdogan soutient donc sans aucune exception tous les groupes terroristes en Syrie, qui permettraient de faire partir Assad. Et dans ces groupes fait partie l’Etat Islamique qu’on fait semblant de bombarder depuis un an et qui prospère de jour en jour. Mais au fond, on le soutient, on l’arme, on le protège. Pour preuve, durant la guerre du Kosovo, les Américains et leurs alliés faisaient 300 bombardements par jour sur les troupes du président serbe Milosevic. Dans la pseudo-guerre contre l’ISIS, les Américains affirment mener 15 bombardements par jour. Il a fallu l’arrivée des Russes pour qu’on voit les images de colonnes de camions citernes transportant du pétrole vers la Turquie. Pendant un an de bombardements de l’OTAN contre l’ISIS, ils n’ont jamais vu ces colonnes ?
LE PRÉCÉDENT MENSONGE IRAKIEN
Il y a un détail qui échappe à ces 40 pays qui financent le terrorisme en Syrie et dont a parlé Poutine lors du dernier sommet G20 en Turquie, et c’est sorti il y a 10 ans de la bouche de l’ancien Secrétaire d’Etat américain Colin Powell. Ce dernier, pour justifier la guerre en Irak, le 5 février 2003, avait montré aux Nations-Unies un flacon censé contenir la preuve que Saddam Hussein avait les armes de destruction massive. Quelques années après, il regrettera son geste en affirmant : « Ne faites jamais confiance à ces gens-là ». Monsieur Obama qui se fait tirer par le nez par Erdogan, n’a certainement pas écouté Colin Powell. Mais pourquoi dit-il de ne pas faire confiance aux arabes ?
Voici ce qu’il avait déclaré au monde ce fameux 5 février 2003 : « Il ne peut faire aucun doute que Saddam Hussein a des armes biologiques et qu’il a la capacité d’en produire rapidement d’autres en nombre suffisant pour tuer des centaines de milliers de personnes. Comment ? Grâce à des “laboratoires mobiles” clandestins qui fabriquent des agents atroces tels la “peste, la gangrène gazeuse, le bacille du charbon ou le virus de la variole. Nous avons une description de première main de ces installations de la mort. »
Sauf que, comme en Syrie où on accuse Assad d’avoir gazé son peuple (et on découvrira par la suite que ce sont les rebelles qui l’avaient fait, pour prouver que la fameuse ligne rouge était franchie et donc qu’Obama devait intervenir militairement), dans le cas de l’Irak, on découvrira que le mensonge et les contre-vérités sont un véritable sport de ce coté-là. Colin Powell passera dans l’histoire pour le menteur. Alors qu’il se justifiera qu’il l’avait pourtant fait en toute bonne foi, sur la base des informations jugées fiables venant d’un transfuge de Saddam. Exactement comme les informations fiables qu’Erdogan fournit à l’Otan, et Obama et Hollande n’ont pas l’intelligence de demander à Moscou sa part de vérité avant de déclarer qu’Ankara a le droit de se défendre. Et donc, qu’ils sont prêts à la guerre contre la Russie pour soutenir la Turquie. Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui, faisons un saut en arrière vers ce mensonge dont parle avec tant d’amertume et de regret, l’ancien secrétaire d’État américain.
L’histoire commence en 1999. Un certain Rafid al-Janabi débarque à l’aéroport de Munich en Allemagne, muni d’au faux passeport marocain. Lors d’un banal contrôle de police dans la ville de Nuremberg, il est sans papier et se déclare immédiatement réfugié. Il est alors conduit et enfermé dans un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile à Zirndorf, non loin de Nuremberg. Comme le veut la formule, tous ceux qui se déclarent réfugiés pour bénéficier de ce statut, doivent fournir toutes les informations utiles qui dénigrent leurs pays d’origine et donc, qui peuvent être exploitées par l’Occident, en cas de besoin. C’est pour cela qu’il y a quelques temps, un policier italien me disait qu’il parait que mon pays, le Cameroun, est le pays avec le plus grand nombre d’homosexuels en Afrique. Cette information m’intrigue.
Je cherche à en savoir plus. Il avait tout simplement lu la fiche des demandeurs camerounais d’asile en Italie, où la quasi-totalité déclare qu’ils sont persécutés au Cameroun parce qu’ils sont homosexuels. Et pour avoir le cœur net, ils sont pris en charge par les associations des homosexuels qui doivent vérifier la véracité des propos. Les demandeurs d’asile pour être le plus convaincants possible, participent à toutes les cérémonies d’homosexuels italiens, jusqu’à aller au lit. Le lendemain, ils ont les papiers, puisqu’on a la preuve qu’ils n’ont pas menti. C’est ce qui va se passer avec notre ami Rafid. Il déclare à la police allemande qu’il travaillait dans une usine de semences en Irak. Ce qui est vrai. Mais, il n’y a rien d’extraordinaire pour qu’il mérite les papiers allemands. Il a une idée géniale qui sera payante immédiatement. Il demande à parler avec des supérieurs, parce qu’il a des déclarations fracassantes à faire contre Saddam Hussein. Aussitôt demandé, aussitôt obtenu. Il déclare : « Au fait, l’usine de production de semences n’est qu’une couverture. Ce que nous produisions étaient des armes de destruction massive ».
Là, le morceau est trop gros à avaler pour les allemands tous seuls. Ils vont immédiatement informer le grand frère américain qui va tout naturellement s’installer à table pour écouter et enregistrer les trésors d’informations que l’ami de l’Occident a à leur révéler. Je sais que vous croyez que je suis en train de délirer et je vous comprends. Mais croyez-moi sur parole. Je suis très sérieux. Moi-même j’ai mis du temps à digérer ces affirmations. Ces gens qui nous ont colonisé en Afrique et je me demande très souvent comment ils ont fait pour y parvenir, tellement ils sont souvent d’une naïveté légendaire, vont croire à tout ce que Rafid va leur raconter. Et du jour au lendemain, ils sortent notre ami irakien de sa minuscule cellule, pour l’installer dans une très confortable maison de luxe avec 5 officiers allemands à sa disposition afin qu’il ne manque de rien.
On lui offre même sa voiture de rêve : une Mercedes avec un chauffeur sans oublier, bien sûr, le garde du corps. Vous rappelez-vous de l’affaire des avions renifleurs avec Valery Giscard D’Estaing en France ? C’est la même patate. Durant la guerre froide, tous les informateurs que les américains avaient infiltrés dans les services secrets soviétiques portaient des noms de code qui se terminaient tous par Ball. A Rafid, on va lui attribuer un nom de code : Curveball. Ironie du sort, comme l’affirme Vincent Jauvert (dont nous allons parler encore plus loin sur la Libye) dans un article dans l’hebdomadaire français « le Nouvel Observateur » du 10 mars 2013 intitulé : “L’incroyable histoire du mensonge qui a permis la guerre en Irak”, les américains qui ont donné ce nom de code ne savent pas que dans l’argot anglais il signifie : « destiné à tromper ». Curveball va trainer tout ce beau monde en bateau.
En 2002, les premières failles commencent dans les mensonges de Curveball. Même Tyler Drumheller, le chef de la Division Europe de la CIA ne peut pas le rencontrer pour le ré-interroger, puisqu’il est avéré qu’il mentait. (Nous reviendrons sur Tyler Drumheller plus loin sur la Libye). Cela n’empêchera pas qu’un rapport au Congrès, en octobre 2002, affirme qu’on a les preuves que Saddam fabrique les armes de destruction massive. Devant une commission du parlement américain, le directeur de la CIA George Tenet va affirmer que l’information provient d’un “transfuge crédible”. Lorsque Colin Powell fait sa déclaration aux Nations Unies, il n’a même pasl’identité de ce “transfuge crédible”. Il est si précieux que la CIA veut le protéger même d’un membre influent du gouvernement américain. Ce qui lui fera dire avec tellement de regret : “Je pensais qu’évidemment la CIA l’avait interrogé et avait vérifié toutes ses allégations.” Le mal était fait. Saddam n’avait rien fabriqué.
La guerre à l’Irak, pour arrêter un dictateur fou aura coûté plus de 300 000 morts côté Irakiens et 6 000 marines américains tombés sur le champs de bataille d’une guerre inutile, que leurs politiciens naïfs et incompétents avaient créée sur la base d’informations erronées, d’informations fausses. Ce qui ne les empêchera pas d’aller faire une autre guerre en Libye, toujours basée sur de fausses informations soigneusement entretenues pour tromper sa propre opinion publique. Le temps passe, la démocratie occidentale nous offre un spectacle où les hommes se succèdent au pouvoir, sans que rien ne change sur le fond. Bush parti, Obama arrive. Tony Blair parti, Cameron arrive, Sarkozy parti, Hollande arrive, sans que rien ne change dans l’incroyable comportement des gens qui vont en guerre avec une légèreté légendaire. Ils insistent sur Assad, alors qu’ils savent pertinemment que ce dernier n’a rien à voir avec les attentats de Paris. De même que Bush avait insisté sur le départ de Saddam Hussein après le 11 septembre, alors qu’il n’avait lui non plus rien à voir avec les attentats. Ils se comportent comme si le sort tragique de toute la population libyenne prise en otage aujourd’hui par des terroristes qu’ils ont formés et armés ne les regarde nullement. Et pourtant.
LES ALLÉGATIONS DES VA-T-EN GUERRE SUR LA LIBYE
L’histoire officielle de la guerre en Libye nous informe que Paris a décidé de solliciter le mandat des Nations Unies (obtenu le 17 mars 2011) pour intervenir en Libye, en répondant au SOS des opposants libyens qui risquaient d’être massacrés par un dictateur qui n’hésitait pas à tirer sur son peuple : Kadhafi au début de l’année 2011.
Selon cette même version officielle, le philosophe français Bernard-Henri Levy, aurait rencontré le chef du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdel Jalil, pour la première fois, en date du 4 mars 2011. Lorsqu’il comprend la gravité de la situation, il appelle aussitôt son ami Nicolas Sarkozy. Et ce dernier, très soucieux du triste sort qui attend ces malchanceux de la part de leur dictateur, va donc inviter cet opposant, pour un face à face à l’Elysée, à l’issue duquel le 10 mars 2011, il va reconnaître le CNT. Et si la vérité était un peu plus nuancée ?
Grâce à la très sérieuse enquête de notre journaliste Vincent Jauvert publiée dans l’hebdomadaire français « le Nouvel Observateur » du 11 juillet 2011 avec le titre : “LIBYE. Les ratés d’une guerre française”, nous découvrons que le président français Nicola Sarkozy voulait rouler les Américains, car la guerre en Libye était sa guerre, son magot qu’il ne voulait pas partager avec trop de monde. C’est donc ainsi que derrière le dos d’Obama, il va proposer et conclure un pacte secret avec le Premier Ministre Britannique Cameron, pour aller seuls eux deux en Libye faire la guerre contre Kadhafi. Il est très confiant et convaincu que les troupes de Kadhafi ne peuvent pas tenir plus de 3 jours. Il est trompé dans son analyse par les informations erronées que lui fournissent les services de renseignements français.
Ces derniers tenaient l’information d’un rapport que le haut commandement militaire algérien avait établi pour le président Bouteflika présentant l’armée libyenne comme inefficace, avec des engins rouillés datant de l’ère soviétique. Ce que les espions français ne savaient pas, c’est que les espions algériens, soupçonnant des taupes françaises dans leurs services, avaient pris l’habitude de faire deux rapports, un faux à tenir aux archives officielleset l’autre vrai conservé dans des archives secrètes à la présidence de la république. C’est donc le faux rapport qui est tombé entre les mains des espions français. Voici ce que déclare Jauvert : « Cela devait durer quelques jours, quelques semaines tout au plus. “Sûrement pas des mois”, disait Alain Juppé. Les services de renseignements français assuraient que, dès les premières frappes, des milliers de soldats de Kadhafi feraient défection. Ils prédisaient aussi que les rebelles avanceraient rapidement jusqu’à Syrte, la ville natale du Guide, et que tout cela contraindrait Kadhafi à partir très vite. Mais rien ne s’est passé comme prévu. ‘…) Quatre mois et des milliers de frappes plus tard, Kadhafi est toujours là. La guerre voulue par Nicolas Sarkozy s’enlise. Malgré ses Rafales, malgré l’OTAN dont elle a réintégré le commandement en fanfare, la France apparaît impuissante face au dictateur d’un pays mal armé et dix fois moins peuplé. Cette guerre devait être un passeport pour la gloire. On se contenterait aujourd’hui d’un sauf-conduit pour en sortir.»
Toute cette déconvenue a commencé le jour où les anglais ont humilié la France. Sarkozy n’avait pas compris qu’il existait un pacte de fer entre les 4 pays Anglo-saxons qui sont le Royaume Uni, le Canada, les États Unis d’Amérique, la Nouvelle Zélande et l’Australie. Il n’avait pas non plus compris qu’il fallait être le dernier des idiots pour tenter de les monter les uns contre les autres.
Voici ce qu’a écrit Jauvert dans son analyse : « La veille des premières frappes, l’Elysée croit encore que la guerre en Libye sera conduite par Paris et Londres, et non par l’Otan. Sarkozy et Cameron ont évoqué plusieurs fois ce commandement conjoint, conçu comme un prolongement naturel de l’accord militaire franco-britannique signé en novembre. En secret, les chefs se sont mis d’accord sur la répartition des tâches : la guerre sera gérée de Montverdun, près de Lyon, où la France dispose d’un QG d’opérations aériennes flambant neuf ; et de Northwood, dans la banlieue de Londres, siège d’un QG stratégique performant. Tout est donc en place pour une grande première militaire européenne c’est du moins ce que l’on croit à Paris… Vendredi 18 mars, au lendemain du vote de la résolution autorisant les frappes, c’est la douche froide. Le patron des forces aériennes françaises, le général Hendel, se rend à Northwood pour prendre le commandement en second de l’opération qui doit commencer le lendemain. Il s’attend à être accueilli en grande pompe. Mais, humiliation, on le fait attendre plusieurs heures avant de lui dire la vérité : les officiers britanniques qu’il devait commander sont partis la veille. Où ?
A Ramstein en Allemagne, QG des forces américaines en Europe. Et le général anglais qui devait s’installer à Montverdun ne viendra pas. Bref, Londres a renoncé à son duo avec Paris et se tourne vers l’Otan. Perfide Albion… » Et c’est la dernière partie de l’enquête de Jauvert qui nous ramène aux attentats de vendredi dernier à Paris, sur la livraison des armes françaises à des gens qu’elle ne connaît pas en Libye. Voici ce qu’il écrit ce 11 juillet 2011, avant le vote au parlement français demandant à proroger la mission de bombardement en Libye : « L’Élysée a décidé d’interpréter à sa façon les résolutions de l’ONU sur la Libye. Certaines capitales, dont Londres, estiment qu’elles interdisent de fournir des armes aux rebelles. Cela ne concerne pas Paris. « Le Figaro » vient de révéler que, début juin, la France a parachuté 40 tonnes de matériel militaire aux forces rebelles. Selon d’autres sources, elle enverrait également des armes par voie terrestre via des pays frontaliers (en provenance du Tchad, Niger et Tunisie). L’Élysée pense qu’une progression des rebelles jusqu’à quelques kilomètres de Tripoli devrait susciter une révolte à l’intérieur de la capitale libyenne, et Kadhafi serait contraint de partir. Si, seulement, pourune fois, tout se passait comme prévu… »
LES MENSONGES DE SARKOZY MIS À NU PAR LA BOITE EMAILS DE HILLARY CLINTON
Sous l’obligation d’une ordonnance judiciaire, le Département d’État américain (Ministère des affaires étrangères) a rendu public des milliers de courriers électroniques envoyés ou reçus par Hillary Clinton, lorsqu’elle était à la tête de la diplomatie américaine, dans le cadre de l’enquête sur l’attaque du consulat américain de Benghazi en 2012 conclue par la mort de l’ambassadeur. Et les surprises sont de taille.
On peut ainsi découvrir que bien longtemps avant cette résolution de l’ONU, Hillary Clinton échange des courriers avec des espions américains, parallèles à la CIA, en poste en Libye. Deux personnages nous intéressent : un certain Tyler Drumheller, présenté comme ancien membre de la CIA. Et un certain Sidney Blumenthal, qui travaille sous couverture comme homme d’affaires. Mais qui en réalité est l’informateur direct qui transmet les informations de Tyler à la secrétaire d’Etat Hilary Clinton.
Selon un mail envoyé à Hillary Clinton le 22 mars 2011, Sidney Blumenthal transmet l’information de l’espion Tyler Drum¬heller dans laquelle il l’informe que la DGSE, les services secrets français ont réussi à faire démissionner le général Abdelfattah Younès du gouvernement libyen et ont organisé une rencontre secrète à Benghazi à la fin du mois de février 2011, durant laquelle la France va les informer que Paris leur enverrait des experts militaires et civils, pour créer et diriger une organisation d’opposition à Kadhafi qui prendra le nom de CNT. Lorsque ces 2 libyens demandent aux espions français ce qu’ils veulent en retour, ils leur répondent qu’une fois Kadhafi renversé, il faudra que les entreprises françaises récupèrent des italiens (ENI) le secteur pétrolier libyen. Ils acceptent. Et comme prévu, la France sera le premier pays à reconnaître le CNT libyen.
La stupidité des dirigeants italiens les amènera à l’aveuglement de l’enfumage français de la fameuse notion de « solidarité européenne ». Ce qui poussera les italiens à soutenir les français, en offrant même les bases militaires pour des actions aériennes contre la Libye, dans une action belliqueuse qui visait avant tout, à les dépouiller.
Le 22 mai 2011, alors que les bombardements sur Tripoli ont déjà commencé, Sidney Blumenthal envoie un autre mail des notes de Tyler Drumheller, à Hillary Clinton, dans lequel il informe la secrétaire d’État des vols labellisés “humanitaires” en provenance de Paris, pour officiellement aider les populations démunies de Benghazi, mais qui en réalité transportaient des cadres des sociétés françaises: Total, Vinci et EADS. Nous sommes en septembre 2011, Kadhafi n’est pas prenable, mais ce n’est pas grave, puisque le parlement français vient de voter la prolongation des bombardements français sur la Libye. Et c’est l’occasion pour notre ami Sidney Blumenthal d’envoyer un autre mail à la secrétaire d’État, l’informant que maintenant, la France exige que 35% des contrats d’exploitation de tout le pétrole libyen soient attribués aux entreprises françaises. En 2012, Kadhafi vient de mourir. Sidney Blumenthal envoie un autre mail à Hillary Clinton l’informant qu’il y a un plan secret entre la DGSE (services secrets français) et le SIS (les services secrets britanniques), pour diviser la Libye en plusieurs États.
POURQUOI JE METS TOUTE LA CLASSE POLITIQUE FRANÇAISE DANS LE MÊME SAC DE INCOMPÉTENCE ET L’IGNORANCE ?
Le 12 Juillet 2011, il y a un important vote au parlement français. Le président Nicolas Sarkozy, qui n’a pas réussi à assassiner le guide libyen Muammar Kadhafi après 3 mois de bombardements de tous ses lieux de cachette, demande au parlement français de lui donner plus de temps, pour remplir sa mission : Tuer le Guide libyen.
A la fin du vote, 482 députés votent pour autoriser Sarkozy à continuer à bombarder la Libye. Ils ne sont que 27 députés à voter contre et à dénoncer le crime d’État ainsi que la déstabilisation d’un pays africain. Les 482 sont bien entendu des députés UMP du président Sarkozy, ceux du parti socialiste (PS), dont un certain François Hollande était pendant 10 ans le premier secrétaire. Mais aussi des membres du Mouvement Démocratique (Modem) François Bayrou, des membres du parti écologiste comme Noel Mamère, tous ont voté OUI. Au sénat, ce sont 311 sénateurs qui vont voter pour assassiner Kadhafi et seulement 24 vont voter contre.
L’histoire retiendra que les courageux qui ont voté contre cette vague déferlante des va-t-en-guerre appartenaient à toutes les sensibilités politiques : du seul député qui va voter contre, à l’UMP Jean Bardet (Président du Groupe parlementaire d’Etude France-Palestine), au socialiste Henri Emmanuelli (ancien président de l’Assemblée nationale), en passant par Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout la République). Ce dernier, pour protester contre l’impossibilité de s’exprimer se présente bâillonné par une écharpe tricolore pendant l’intervention du Premier ministre, François Fillon. Et plus précisément, voici ce qu’il déclare dans son discours au parlement : « La Libye ne doit pas être l’hiver du printemps arabe. Cette cause est juste et c’est pourquoi le gouvernement et le Parlement ne tremblent pas devant leurs responsabilités. Je me tourne vers la majorité et l’opposition avec la certitude qu’il existe sur tous les bancs la même volonté de faire plier le régime libyen ».
Avant le vote, pour convaincre les députés et les sénateurs, voici ce que déclare le même jour, le ministre français des affaires étrangères, Alain Juppé : « Non seulement il n’y a pas d’enlisement en Libye, mais il y a du progrès ». Le premier ministre François Fillon en avait ajouté une couche en déclarant : « Partout les Libyens libres gagnent du terrain. Certes, le point de rupture n’a pas encore été atteint. Mais c’est maintenant qu’il faut être plus ferme, que Paris a déployé 4 400 soldats engagés, 40 avions de combat, 8 navires et 18 hélicoptères d’attaque qui font qu’une solution politique commence à prendre forme. (…) Depuis mars, contre les forces du colonel Kadhafi, la France est le premier pays contributeur de l’opération, aux côtés de la Grande-Bretagne ». La résolution de l’ONU n’était-elle pas censée assurer une simple opération de contrôle du respect par la Libye de la No Fly Zone pour empêcher aux avions militaires libyens de voler au dessus de son territoire ?
Un député socialiste, s’était même plaint que le gouvernement de François Fillon avait été trop lent à soutenir les mouvements de contestations en Afrique. Il s’agit d’un certain Bernard Caseneuve (ça ne vous dit rien ce nom ?). Le ministre français de la défense, Gérard Longuet, avait déjà décidé comment serait organisé le pouvoir en Libye. Avec la fourberie qui est propre des méchants, voici ce qu’il déclare avant le vote sur la télévision d’information en continue, BFM-TV : « Je ne considère plus l’exil du dirigeant libyen comme un préalable à la fin de l’intervention militaire en cours : Nous ne demandons plus à Kadhafi de quitter le pays. Il doit accepter qu’il sera dans une autre pièce de son palais avec un autre titre ». Et le ministre des affaires étrangères de renchérir ences termes : « toute solution politique en Libye passe par le retrait de Kadhafi du pouvoir, et par son renoncement à tout rôle politique ».
Le député socialiste Julien Dray qui avait refusé de prendre part au vote comme 41 autres députés, aécrit ceci sur son blog : « Avec l’actuelle et ambiguë forme de soutien à la rébellion, nous nous installons dans un no man’s land militaire et politique qui peut durer des mois, voire des années, et qui ne fera que générer un peu plus de chaos dans la région. (…) Plutôt que de suivre Sarkozy et la droite sur ces questions – même avec des réserves – nous ferions mieux d’avoir l’audace d’une politique diplomatique, ambitieuse et indépendante ».
Le plus étonnant des soutiens à Sarkozy pour assassiner Kadhafi, viendra de l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, qui au nom du président de son nouveau parti politique « République Solidaire », oublie toute la guerre qui l’oppose à Sarkozy et donne son soutien dès les premières bombes de Paris sur Tripoli en mars 2011. L’homme qui en 2003, avait fait vibrer le monde entier d’amour pour la France avec son discours aux Nations Unies disant NON de la part de la France, à l’aventure ruineuse de Georges Bush en Irak, va oublier le symbole d’estime et d’espoir qu’il représentait pour une partie du monde avec un communiqué de soutien à Nicolas Sarkozy pour tuer le colonel Kadhafi, qui commence et se termine ainsi : « Je salue l’engagement de la communauté internationale à travers la résolution 1973. (…) Je préconise une détermination sans faille pour obtenir le retrait du colonel Kadhafi et des siens ».
Mais encore plus surprenant a été dès le début du mois de mars 2011, le soutient de Jean-Luc Mélenchon, co-président du Front de Gauche à Nicolas Sarkozy pour aller assassiner le guide libyen. Lorsque le 19 mars 2011, dans le quotidien français Libération, on lui pose la question :
« Pourquoi soutenez-vous les frappes aériennes en Libye ? »
Voici ce qu’il répond au journaliste Lilian Alemagna : « La première question à se poser est la suivante : y a-t-il un processus révolutionnaire au Maghreb et au Moyen-Orient ? Oui. Qui fait la révolution ? Le peuple. Il est donc décisif que la vague révolutionnaire ne soit pas brisée en Libye. Il suffirait que Kadhafi l’emporte pour que le message soit : «Celui qui tire le plus longtemps et le plus durement sur son peuple pendant une révolution a gagné.»
Ce serait alors le signal désastreux d’une victoire de la contre-révolution ! (…) J’approuve l’idée qu’on brise le tyran pour l’empêcher de briser la révolution.».
CONCLUSION PARTIELLE
Presque 5 ans sont passés, avec la Syrie, aucun de ces refrains avec Assad ne vous revient en tête ? Mais allons plus loin. Retournons en 2002. Aucune de ces phrases ne vous rappelle le refrain de Georges Bush sur le président Saddam Hussein ? La roue tourne, le temps passe, et ils répètent les mêmes mots, créent les mêmes guerres qui occasionnent les mêmes désastres. Ils sont les seuls à ne démontrer la toute minime capacité en tirer le moindre enseignement des conséquences de leur incompétence.
Jean-Paul Pougala
Genève, le 25 Novembre 2015
Source: pougala.org
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