L’Église d’Afrique mérite un meilleur traitement  [Par Jean-Claude Djéréké]

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Les cardinaux, autrefois appelés les « princes de l’Église », assistent le pape comme principaux conseillers et aides dans le gouvernement de l’Église (canon 230 du Code de droit canonique de 1983).
Bien que je m’en réjouisse, je n’insisterai pas sur le fait que François ait invité les nouveaux cardinaux à ne pas se comporter comme Jacques et Jean, les deux disciples dont le cœur s’était laissé éblouir par « l’attrait du prestige et la séduction du pouvoir ».
Je voudrais plutôt m’intéresser au narratif selon lequel le centre de gravité de l’Église a basculé vers le Sud. Les chiffres et la réalité (ce qui se passe sur le terrain) montrent effectivement que les baptêmes et les vocations sacerdotales et religieuses sont en recul en Europe pendant qu’ils connaissent une hausse en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Par exemple, en 2019, l’Afrique a enregistré 8, 3 millions de catholiques et l’Asie, 1, 3 million.
Malgré cette expansion du catholicisme au Sud, celui-ci continue d’être réduit à la portion congrue en termes de cardinaux. Nous donnerons ici deux exemples pour illustrer notre propos.
1) Sur les 21 cardinaux créés par le pape François à Rome, le 7 décembre 2024, il n’y en avait qu’un pour l’Afrique. Il s’agit d’Ignace Bessi Dogbo, le nouvel archevêque d’Abidjan. J’ai volontairement exclu l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vesco, parce que c’est un Lyonnais, donc un pur Français.
2) Si les chiffres que j’ai eu à consulter sont exacts, l’Europe compterait aujourd’hui 115 cardinaux (dont 55 électeurs) contre 29 en Afrique (dont 18 électeurs). La seule Italie aurait presque le même nombre d’électeurs (17) que tout le continent africain (18). Ce n’est pas juste.
Si l’Europe continue de se tailler la part du lion, à quoi cela sert-il de dire que le centre de gravité de l’Église s’est déplacé vers le Sud? Quand on regarde les nominations et promotions, ne peut-on pas penser que l’Église catholique continue d’être la « chose » de l’Europe comme la papauté fut la chasse gardée des Italiens pendant 4 siècles et demi? Où est la justice dans tout ça? L’Église d’Afrique n’est-elle pas victime d’une forme de discrimination?
Ces questions doivent être affrontées. Certains les accueilleront favorablement. D’autres, ceux qui ne voient pas plus loin que l’os que l’Occident leur a jeté, chercheront à justifier des pratiques qui disqualifient automatiquement le discours de l’Église sur « Nous sommes tous égaux devant Dieu » ou bien « Toute créature de Dieu mérite le respect et la considération ».
Les évêques catholiques d’Afrique, qui avaient eu le courage de s’opposer ouvertement à la bénédiction des couples homosexuels, oseront-ils dire à leurs collègues européens que rien ne justifie aujourd’hui leur hégémonie? 
L’Église ne peut pas se dire catholique et poser des actes peu catholiques, c’est-à-dire mépriser le Noir ou le regarder comme un sous-homme. Autrement dit, le racisme n’a pas sa place dans une Église dont le chef ou la tête, Jésus, est mort sur la croix pour tous. Il y a quelques années, le journaliste Serge Bilé avait tiré la sonnette d’alarme dans son essai « Et si Dieu n’aimait pas les Noirs? Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican » (Éditions Pascal Galode, 2009). Le journaliste franco-ivoirien faisait alors remarquer que le pape Pie XII avait exigé en janvier 1944 qu’aucun soldat noir, africain ou antillais ne soit déployé aux portes du Vatican au moment où les forces alliées s’apprêtaient à libérer Rome occupée par les Nazis, que Mgr Emery Kabongo, le secrétaire particulier de Jean-Paul II, fut sauvagement agressé par des inconnus à Castel Gandolfo en août 1988, que plusieurs prêtres africains travaillant ou de passage au Vatican y étaient discriminés, etc.
Le cardinal Fridolin Ambongo et ses pairs doivent monter au créneau pour dire au vicaire du Christ qu’une institution qui ruse avec ses propres principes est une institution indigne.
Jean-Claude Djéréké
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