Préfet Dadja Manganawè en blanc
Débarqué à Kouka à la suite de la tentative d’assassinat du juge Toké pour insuffisance de soumission, crime commandité par le commandant Dadja Manganawè préfet de Dankpen, notre éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé comme dirait le chanteur Tikenjah Fakoli.
Il faut préciser que l’événement avait privé la population de Dankpen d’un magistrat, la livrant ainsi pendant près d’un an, au terrible préfet adepte du cumul de fonctions et de l’usage disproportionné de la force. Dans cette situation, l’annonce de l’arrivée d’un magistrat ne pouvait être que source de joie. Une joie de courte durée : en effet le juge Troitre aussitôt arrivé a choisi son camp en s’associant au commandant préfet avec qui il vit une vraie lune de miel tant et si bien qu’il ne dira jamais le droit, ennemi de toute dictature et leadership obscurantistes et attardés. La population sans défense fut vite replongée dans la peur et la souffrance face à ce couple de loups ! Pour comprendre les exploits de notre juge, revenons sur des faits dont nous le tenons pour responsable.
Première affaire : Dankpen et son univers impitoyable !
En 2009 un jeune lycéen du nom de Barawo fut arrêté et torturé dans les locaux de la gendarmerie nationale dans des conditions inhumaines.
Orphelin de père, notre jeune lycéen vit des travaux champêtres et de la vente des bêtes les jours de marché de Kouka. Ainsi, un samedi soir, veille du marché, il a fait ses achats comme d’habitude dans des villages et prend la direction de Kouka où il compte les revendre le lendemain. Sur sa route il rencontre Michel, président de la délégation spéciale de la préfecture qui l’embarque dans sa voiture et l’envoie directement à la gendarmerie. Pour lui, le jeune lycéen n’est rien d’autre qu’un voleur du simple fait qu’il convoie une bête à la tombée de la nuit. Le pauvre jeune homme sera torturé toute la nuit pour avouer un vol qu’il n’a pas commis et malgré toutes les explications qu’il tente de donner. La maréchaussée refuse catégoriquement d’aller faire les vérifier ses dires au village où il a acheté les bêtes. Il est purement et simplement mis en détention pendant quatre jours sous l’œil bienveillant de notre magistrat qui refuse de faire diligence malgré les demandes répétées des parents et des témoins.
Pourtant personne n’a fait une déclaration de perte ni de témoignage corroborant à leur thèse. Mais avec le juge Troitre, c’est l’inversion de la charge de la preuve : selon lui, ce n’est plus à l’accusation d’apporter les preuves de l’accusation, mais à l’accusé de démontrer son innocence. Ce qui est attentatoire aux droits de l’homme.
Il a fallu l’intervention du professeur et opposant Targone, en poste à Lomé pour que le juge daigne accepter d’écouter le prévenu. Après une confrontation animée, notre juge finit par admettre que la détention du jeune était illégale et ordonne par téléphone sa libération, juste à temps avant son transfert à la prison civile de Bassar.
Le jeune homme révèle alors que les gendarmes lui ont volé les 33500F qu’il avait dans sa poche. Accusation d’abord catégoriquement rejetée par le Commandant de Brigade Balouki qui finit par avouer et rendre 32000F à Targone, ajoutant pour se justifier que ses gendarmes ont dépensé le reste à boire de la bière !
Tout cela parait bien normal pour notre juge qui ne voit en rien une violation des droits de l’accusé et l’extorsion de ses biens par des agents publics en service. Plus grave encore, dans ce qu’il considère comme une plaisanterie mais qui en réalité mérite révocation, le juge estime que la bête en question devrait être mangée plutôt que d’être rendue à son propriétaire. Mais qui peut révoquer un fonctionnaire en poste à Dankpen, territoire conquis par le commandant Dadja ? C’est ainsi que le juge Troitre peut poursuivre sa balade sans aucun souci et dans l’irresponsabilité la plus totale.
Deuxième affaire : le bouvier corrompu et l’ignare nuisible
Le juge Troite en cravate rouge (photo)
Trois jeunes gens de la préfecture, Messieurs Monkpébor Koudjam de Sursaut Togo, N’grou Nantian du PDP et Kiting Ouadja responsable de la société civile sans étiquette politique, sont accusés de fomenter un complot dans le but de déstabiliser la préfecture.
Pour donner corps à cette grave accusation, il est monté artificiellement un document relatant la tenue de réunions organisées par les personnes citées dans les villages de Nabouré, Kidjaboune, Katchamba et Nandouta… réputés acquis à l’opposition. Viennent s’ajouter à ses quatre prétendus déstabilisateurs deux jeunes chômeurs, Ntékouni Nagbidja et Monkpébor Gnadjibal. Selon le document, le préfet serait qualifié de bouvier, criminel et corrompu. Michel, le président de la délégation spéciale serait présenté comme analphabète, à peine titulaire d’un CEPD, incompétent et nuisible à la préfecture… Même si les descriptions ainsi inventées reflètent objectivement la réalité, il reste à savoir qui est le véritable auteur de ce document dont personne d’entre nous n’a jamais vu le contenu. En tout état de cause, ce serait grâce à un tel document que les auteurs présumés se proposent de mener une opération de déstabilisation de la préfecture !
Le document est alors présenté à la gendarmerie non pas pour enquête mais pour purement et simplement ces diables d’opposants qui traquent le RPT chaque jour que Dieu fait. C’est là que le préfet a dû regretter le départ du CB Balouki. En tous cas, le remplaçant de ce dernier, le CB Ouro refuse de se plier aux injonctions du préfet et de Michel pour plusieurs raisons :
1. Le document n’est pas signé alors qu’il se présente sous forme d’un rapport d’activités adressé à leurs supérieurs.
2. Le document n’est pas non plus un tract anonyme puisque les noms des auteurs présumés sont mentionnés
3. L’empressement avec lequel le préfet et ses acolytes ont voulu que le dossier soit traité a soulevé des doutes chez le CB.
Les ultimes pressions du zélé « piètre-militaire-petit-préfet », aidé en cela par le lieutenant du sous groupement de la gendarmerie de Bassar, ne dissuaderont pas notre honnête sous-officier. Il identifie les vrais auteurs du document ; rend compte au juge et met aux arrêts les auteurs, complices du préfet lui-même. Le juge est visiblement surpris et embarrassé par la tournure des événements…mais il est bien obligé d’instruire le dossier. Sentence : les auteurs sont jugés, condamnés à 3 mois d’emprisonnement dont 2 avec sursis assorti d’une amande de 100 000F CFA et déférés à la prison civile de Bassar.
Pourtant ils se sont battus au cours de l’audience, donnant clairement les noms du préfet et de Michel comme étant les vrais auteurs auxquels ils se sont contentés de prêter leurs noms contre la promesse d’impunité… Le juge leur répondra que « quand on est idiot, on ne se mêle pas de politique » et refusera catégoriquement cependant de faire comparaître le préfet et son ami Michel.
Mais l’affaire ne s’arrêtera pas là, car le préfet en courroux contre le CB fraîchement arrivé, demandera et obtiendra la tête de celui-ci : mutation d’office du CB et de tous les agents en poste à la brigade. C’est ce qu’il en coûte, même à un CB, de s’opposer à Sa Majesté Dadja Manganawè, « petit préfet » de Dankpen.
Troisième affaire : un flagrant déni de justice
Le dernier des faits que je souhaite relater concerne des militants de l’opposition arrêtés par le préfet à coup de trompettes et tambours pour une affaire de gardiennage du matériel de l’antenne de la société MOOV dans le canton de Kidjaboune.
Kofi et Timolbi ont été arrêtés de façon brutale et sans motif. C’est du fond de leurs cellules qu’ils apprendront qu’ils sont arrêtés pour « menace à l’encontre de leur chef de canton », connu pour sa brutalité insensée sur ses administrés. Cela lui a d’ailleurs valu par le passé deux mandats d’arrêt bloqués par le puissant préfet, petit fonctionnaire sur zélé dans sa manière de servir Faure Gnassingbé et son régime despotique, prédateur et assassin. Mais il est lui-même en territoire conquis et rien ne l’arrête dans sa logique de minable revanchard et de tortionnaire.
Toujours est-il que nos deux vaillants et dignes fils du pays sont arrêtés, déférés et jugés sans témoins, condamnés… à 1 an et 6 mois d’emprisonnement assorti de 250 000 f CFA d’amande chacun.
Tout ceci s’est fait dans le plus grand déni de justice, voulu par notre « petit juge », protégé de notre « petit préfet ». Jugez-en plutôt :
1. La décision des condamnés de faire appel, comme le leur permet la loi, a été purement et simplement refusé par le « petit juge ».
2. L’article 50-b sur lequel le « petit juge » s’est appuyé ne prévoit que l’une des peines citées, c’est-à-dire soit la peine d’emprisonnement ou l’amande.
3. La décision de justice leur a appliqué une peine avec sursis, mais le « petit juge » continue de les maintenir en prison malgré les demandes répétées pour leur mise en liberté.
Mais grâce à l’intervention décisive d’un certain nombre d’organisations des Droits de l’Homme notamment le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et le corps judiciaire qui a bien voulu faire diligence, nos amis ont été finalement libérés. Mais c’est la peur au ventre qu’ils vivent, car à Kouka, le couple Troitre-Manganawè ne baissera jamais les bras tant que Dieu prêtera vie à Faure d’être au pouvoir. C’est leur seule façon de lui témoigner leur reconnaissance de les avoir placés si haut…car ils ne méritent pas ces places et ils sont les premiers à le savoir !
Wake up, Togolese people!
Derrick Tamandja Lynxionaute