La grande nouvelle est tombée : Children of Africa fête ses 20 ans ! Pour commémorer cela, un 7ème Dîner de Gala coïncidera le vendredi 16 mars avec l’inauguration, le même jour, de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville, où pourront se faire soigner, à hauteur de 75% des lits disponibles, les enfants issus de familles aisées; les petits pauvres, boursiers de dame Ouattara et ses sponsors, ne devant se contenter de leur “quota” : les 25% restant, soit 30-31 lits sur 123 !
Thème du prochain gala de Children of africa. « L’Afrique féerique ». “Au cours de la soirée, les invités pourront apprécier la diversité, les richesses culturelles et artistiques, ainsi que la féerie du continent africain”, nous révèle Nadine Sangaré, directrice de la Fondation.
C’est qu’aujourd’hui, dans cette mythique Côte d’Ivoire dont l’horizon d’émergence recule avec la marche du temps, on a cessé de croire au Père Noël, pour croire… aux fées, bien sûr, ces bonnes fées qui, penchées sur votre berceau, vous dotent de mille et un cadeaux. Pour les enfants pauvres, mieux vaudrait pourtant faire appel à la fée Clochette, car si au Pays imaginaire (Neverland), les enfants perdus, terrifiés à la simple évocation du monstre Crochet et de son crocodile avaleur d’horloge, se blottissent autour de Peter Pan-Solution et Fanta Gbé-Wendy, et comptent sur le couple béni pour localiser et vaincre leur soi-disant ennemi, ils ne savent pas encore que dans l’histoire originelle, c’est l’éternel enfant Peter Pan qui optera pour la solution… de les tuer, plutôt que de les voir grandir… Je cite : “Dès qu’ils semblent avoir grandi, ce qui est contraire au règlement, Peter les supprime” et “Mourir sera une terriblement grande aventure!”
L’Afrique féérique permettra de parler de l’Afrique idéale, avec ses enfants malades courant à l’hôpital pour y être soignés et guéris, Dame Ouattara s’affairant à leur chevet, comme dans le livre d’Eric-Emmanuel Schmidt “Oscar et la Dame en rose”. Ah ce pays de Cocagne, où les enfants se gavent du chocolat que leurs parents produisent ! Une Côte d’Ivoire féérique offrant la scolarité gratuite et une éducation de choix à ses enfants, ne serait-ce qu’en raison du désintéressement de sa ministre de l’éducation nationale, qui, à l’entendre, n’a rien d’une “politicienne alimentaire”, contrairement à d’autres !
Vendredi, les bons amis de la Dame Blonde vont avoir la larme à l’œil pour tous les petits malades pauvres, dont le nombre, rappelons-le, ne pourra pas dépasser le quart de celui des malades admis. On ne parlera pas d’école buissonnière forcée pour frais de scolarité impayés, pour cause de père incarcéré au motif de non-complot contre le régime, pour cause de parents ayant perdu leur travail, ou de parents décédés faute n’avoir pu acheter les médicaments et recevoir les soins qui auraient pu les sauver. On ne parlera pas non plus de ces enfants qui ont perdu un frère ou une sœur de maladie, pour les mêmes raisons. Et surtout, pas un mot sur ces pratiques occultes à nouveau très en vogue où de nouvelles familles pleurent un enfant disparu, enlevé, dépecé par des lâches qui, soucieux de la sécurité leur propre famille, s’imaginent acheter richesse et pouvoir au prix de la mise à mort sacrificielle d’enfants innocents – ceux des autres, bien sûr, pas les vôtres, si précieux ! Et tout cela parce que le dieu Moloch de la vie et de l’agent facile le leur aurait ordonné ! Oui, des naïfs sans cervelle, sans émotions et sans âme tuent, saignent et démembrent, tandis que leurs commanditaires jouent aux occidentaux “civilisés”, vantant éloquemment à leurs hôtes étrangers de passage la carte postale rayonnante d’une Côte d’Ivoire de rêve, qui en 2020 sera devenue le phare et la locomotive incontestée de tout l’Ouest africain !
On croit rêver, ou plutôt cauchemarder dans cette Côte d’Ivoire qui invite le monde entier, la France en particulier, à honorer et célébrer l’œuvre d’une grande dame, authentique abbé Pierre en jupon de l’Afrique francophone ! Celle qui ne “sommeille ni ne dort” dans sa lutte infatigable contre les esclavagistes et exploiteurs d’enfants, contre les maladies infantiles, tout en interdisant pourtant aux ONG en charge d’enfants malades l’accès du 43ème Bima, où des médecins français se proposaient jusqu’à présent de les soigner : ils en sont maintenant empêchés, le monopole du bénévolat médical revenant aujourd’hui à la très sélective – et n’en doutons pas non moins lucrative – Fondation “Children of Africa”.
On sait bien, n’est-ce pas, que les enfants sont robustes, qu’ils ne meurent jamaiss faute de médicaments ou de soins : n’ont-ils pas réussi à vivre jusqu’à présent sans hôpital Mère-enfant ? Ils sont invincibles : il leur suffit de tourner les regards vers leur papa président pour être guéris ! Il leur suffit de le savoir, lui, entouré en permanence d’une équipe médicale prête à parer au plus petit bobo; il leur suffit, à ces enfants, de voir leur cher papa s’élancer, à la moindre menace, à bord de son grand oiseau blanc, toutes ailes déployées, dopé au nectar magique dit “kérozène”, jusqu’au blanc palais enchanté où le tout Paris des hommes de l’art réinfusera au glorieux pèlerin la force de tenir bien haut – le voyez-vous, petits enfants ? – le bâton de sa course autour du monde, en héraut de ce pays magique, où coulent le sang et les larmes des petits Ivoiriens du peuple.
Et s’il fallait nous pencher sur le sort des enfants qui ont accompagné leurs parents en exil, que faudrait-il écrire? Une initiative des exilés eux-mêmes a permis, grâce aux dons provenant de l’étranger, de doter les enfants d’une assurance maladie, couvrant au moins partiellement les frais de santé. Mais que l’on se rassure, la gente dame blonde d’Abidjan n’en est ni l’auteur ni le sponsor ! D’ailleurs qu’a-t-elle fait pour ces enfants-là ? Cartables scolaires, soutien en nourriture, vaccins, bibliobus ? Que nenni !
Alors Mesdames et Messieurs présents au Gala, ou qui vous délecterez d’impeccables reportages sur la “Féerie africaine” et le “Miracle” de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville – dans Paris-Match d’autres médias écrits ou télévisés, efforcez-vous de voir au delà du visible, ce dixième émergé d’une catastrophe engloutie, escamotée par des illusionnistes payés pour vous tromper. La côte d’Ivoire aimerait panser ses plaies, vivre libre, retrouver ses exilés, retrouver son président injustement emprisonné à la Haye, prisonnier dont la presse occidentale ne parle pas, car elle aurait à confesser la noirceur de l’Occident, son rôle de metteur en scène de cette farce où le “démocrate” Ouattara et son épouse, en histrions patentés, vous entraînent dans leur tourbillon d’images de synthèse, de fêtes, de réconciliation factice, de promesses non tenues. Tout est comédie, mais il leur faut votre soutien, votre humanité, votre compassion, vos mouchoirs, votre amitié, car il leur est vraiment trop dur de vivre perpétuellement immergés dans le mensonge, la dissimulation, la violence, les regrets; trop dur de voir s’amonceler les dégâts, chaque jour aggravés par la nullité de l’équipe qui les entoure.
“Pluie de milliards”, qu’y disait… De grains de poussière de fée, peut-être, le temps d’un soir d’ivresse où certains rêvent qu’ils volent, mais de pluie d’étoiles pour l’âme, et de milliards d’investissement pour la santé réelle du corps de tout un peuple, point. Car la magie – s’il en fut jamais trace – est depuis longtemps déjà retombée : seule demeure une troupe de mauvais comédiens attardés, obstinément sourds au verdict scellé dès les premières heures de leur pathétique et interminable spectacle – bientôt sept ans, déjà, un chiffre bien rond, comme la balle qui roule, roule, jusque dans le caniveau – : la Côte d’Ivoire vous vomit, vous êtes limogés ! Peter et Wendy, puissiez-vous maintenant partir pour de nouvelles aventures, derrière cet horizon que vous devez connaître par cœur à force de le fréquenter, là-bas, tout là-bas, là où “Mourir sera une terriblement grande aventure !”
Shlomit Abel, le 14 mars 2018
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