Si les choses sont avérées, nous sommes heureux de l’ultime
reconnaissance internationale d’un des éminents intellectuels de la Côte
d’Ivoire, en l’occurrence Ahoua Don Mello.
Mon grand frère qui était de sa génération et qui le connaissait bien, n’arrêtait pas de faire ses éloges relativement à ses capacités intellectuelles. Du collège à l’université, il était la lumière de sa classe. La lutte politique fut
l’occasion pour moi de découvrir cet homme à l’écriture et au verbe hauts. Avec mon frère, j’étais à ses côtés pendant le congrès de 1995.
Au Parc des sports où tout se déroulait, nous avons discrètement
fait campagne auprès des délégations pour qu’il continue son œuvre au
Comité de contrôle. L’ambiance était bonne et nous étions certains que
notre camarade l’emporterait sans difficulté majeure puisqu’à nos yeux,
il était l’homme de la situation.
Mon frère passait de militant en militant pour que tout soit conforme à ses attentes. A quelques heures de
cette élection, une information circulait qui nous déstabilisa fondamentalement. Après de nombreux recoupements, elle fut confirmée : Don
Mello devait croiser le fer avec le Pr Memel Foté. Ce fut une terrible nouvelle. Mon frère dépité, continua à mobiliser pour ne rien regretter.
Dans la salle, j’étais à côté d’une autre légende du parti dont j’avais fait la connaissance à Paris alors que je m’occupais du parti
dans la région Champagne Ardenne. Il s’agissait du Pr Ouaraga Obou. Un rang devant nous, se tenaient d’autres dignitaires du parti, au rang
desquels figurait en toute majesté le camarade Laurent Gbagbo.
J’étais impressionné, c’était le premier congrès auquel j’assistais ;
j’étais spécialement venu de France pour le vivre et rendre compte.
Après les intermèdes musicaux et autres introductions, vint le temps de
présentation des candidats. La rumeur qui circulait devint subitement
réalité : le Pr Memel Foté était candidat.
A cette annonce officielle, il y eut de vives acclamations qui nous agaçaient silencieusement. Un agacement
nourri des effets à court et moyen terme de cet affrontement que nous appréhendions. Cet acte pouvait abriter un désaccord de fond a priori peu
perceptible par les militants ordinaires. Le Pr Memel Foté se présenta, confirmant sans voile sa candidature. Quelques minutes plus tard, ce fut le
tour de Don Mello. La salle était tout autant surchauffée. Voilà en substance ce qu’il affirma : Un jour, le camarade Gbagbo est venu me voir
pour que je chemine avec lui, je le suivis. Un autre jour, il me demanda…je le suivis. Et une fois, il me demanda de l’accompagner quelque part, je le suivis.
A notre arrivée à cet endroit, il me présenta un homme : Memel Foté. Quelle ne fut ma surprise. Devant moi se dressait un des monuments de
la Côte d’Ivoire que je croyais décédé ou mis en exil par Houphouët.
C’est cet homme qu’on me demande d’affronter. On n’affronte pas un
monument, je n’affronterai pas ce monument…
Après ces paroles fortes et émouvantes, Don Mello eut droit pendant de longues minutes à un standing
ovation. C’était un grand moment de l’histoire du parti. Tout le monde était heureux que Don Mello baisse pavillon face au grand homme. Tous
étaient unanimes pour dire qu’après Gbagbo, Don Mello jouerait un rôle
substantiel.
Nous continuons à croire à cette matinale et populaire intuition, ou à tout le moins espérer qu’elle ne soit pas trop loin de la
réalité à venir, car en l’absence de Gbagbo, cet homme a les atouts requis pour ultérieurement combler certaines de nos espérances. Aussi, que
son passage en Russie fortifie ses assises pour une meilleure orientation de son destin local. Pour tout ceci, disons au Don : Chapeau Mello
Dr Oyissé, Suisse