Le confrère burkinabé « Le Pays » accuse Ouattara d’avoir «établi aux bords de la lagune Ebrié une dictature silencieuse.

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Ce tableau noir vient jeter le doute sur les vertus démocratiques d’ADO

« Le pouvoir ne change pas l’homme mais il le révèle». Voilà bien une maxime qui s’applique à la lettre au président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara. Selon l’ONG de défense des droits de l’Homme, en effet, une soixantaine de personnes dont plusieurs cadres de l’opposition, ont été arrêtées depuis la mi-septembre, suite à la publication par le Conseil constitutionnel, de la liste des candidats à l’élection présidentielle du 25 octobre prochain.

Au moins trente sont toujours en détention. La plupart sont accusées d’atteinte à l’ordre public, après avoir participé à des rassemblements pacifiques non-autorisés. Certains ont subi de mauvais traitements lors de leur arrestation et étaient détenus au secret pendant plusieurs semaines, sans avoir accès à un avocat ou à des soins médicaux.

Ce tableau noir vient jeter le doute sur les vertus démocratiques d’ADO.

Qu’est-ce qui, en effet, pousse l’homme à user d’une telle violence pour répondre aux revendications de son opposition sur l’équilibre de la représentativité au sein de la Commission électorale, surtout que tout l’annonce vainqueur aux prochaines élections? Instrumentalisant à souhait les institutions nationales, notamment la RTI, au profit du culte de sa propre personnalité et de ses ambitions politiques et usant d’une justice sélective, il a établi aux bords de la lagune Ebrié une dictature silencieuse. En échouant sur le chantier où il était le plus attendu, celui de la réconciliation des cœurs, en cinq ans, l’homme aura réussi le pari de faire l’unanimité contre lui en Côte d’Ivoire.

Il sape ainsi la relative embellie économique dont il peut se vanter, car à quoi serviraient les efforts de construction s’ils sont voués à la destruction dans de nouvelles guerres entre populations qui refusent le vivre-ensemble ? Exportant son impopularité sur la scène sous-régionale en usant des mêmes méthodes d’instrumentalisation au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), notamment sur la Transition et la question du putsch au Burkina, il a déçu tous les démocrates du continent. Il confirme ainsi son appartenance à la lignée des faux démocrates du continent. Mais pouvait-il en être autrement ?

Les ingrédients sont réunis pour des crises pré et postélectorales

Les Ivoiriens ont leur part de responsabilité dans cette théogonie. Car ils ont sublimé à l’infini l’homme à travers des slogans du genre « ADO, la solution à tout », à tel point qu’il a fini par croire qu’il est un demi-dieu. Alliant despotisme éclairé et absolutisme royal, il s’est éloigné peu à peu des aspirations de son peuple à la liberté, qui l’ont porté au pouvoir. C’est une loi : le monstre finit par dévorer son géniteur. En tout cas, ces arrestations arbitraires d’opposants confirment la montée en puissance de la prédation des libertés démocratiques en Côte d’Ivoire. L’homme, faut-il aussi le rappeler, a pris le pouvoir à l’issue d’une guerre et de ce fait, se comporte comme un général victorieux.

Les élections ont servi à la légitimation d’une victoire militaire. Son mode de gouvernance n’est qu’une stratégie de pacification militaire, usant d’une justice au service des vainqueurs. Lui-même le confirme : « J’entends ici et là des bêtises de justice des vainqueurs, est-ce qu’on a besoin d’une justice des vaincus? Si c’était les autres, ils nous auraient tués tous».

Faisant l’économie du ménage dans son propre camp, il s’acharne contre ses adversaires politiques qui, pour lui, ont le statut d’ennemis de guerre. On comprend d’ailleurs pourquoi les poursuites judiciaires ne concernent que les crimes de la crise post- électorale. En libéral bon teint, l’homme met en œuvre les méthodes capitalistes de gestion du pouvoir, actionnant à dessein les manettes de l’affairisme pour créer une nouvelle classe régnante, celle des Seigneurs de guerre convertie aux affaires, au détriment du peuple muselé et « bâillonné ». Quel legs laissera-t-il à la postérité au finish en vendangeant ainsi tous ses acquis ? Maintenant que le vrai visage de l’homme est découvert, il devrait avoir la décence de mettre fin à ses leçons de morale politique à l’endroit du Burkina Faso.

Dans la même dynamique, la Guinée voisine use de la violence comme mode d’expression politique. En effet, vendredi et samedi, des heurts ont éclaté entre partisans du président Alpha Condé, candidat en campagne et sympathisants de candidats de l’opposition, dont son principal adversaire, Cellou Dalein Diallo. Le dernier bilan officiel fait état d’un mort et 29 blessés. Des sources humanitaires parlent de près de 80 blessés. Dans les deux pays, les ingrédients sont réunis pour des crises pré et postélectorales, ouvrant une saison d’incertitudes.

SAHO
Le Pays

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