Des dizaines de milliers ils étaient à descendre les vendredis, depuis bientôt trois mois, Place de l’Indépendance, pour demander le départ de Ibrahim Boubakar Keita, des dizaines de milliers ils étaient encore ce vendredi 21 aout 2020, à descendre, Place de l’Indépendance toujours, pour célébrer la chute de Ibrahim Boubakar Keita contre qui leurs ressentiments étaient montés de plusieurs crans depuis les dernières élections législatives des 29 mars et 19 avril derniers.
Trois jours après la « démission » dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 août du président Ibrahim Boubakar Keita, les milliers de Maliens qui appelaient cet événement de tous leurs vœux ont répondu cet après-midi à l’appel de l’opposition en investissant de nouveau le centre ville de Bamako, non pour protester –une fois n’est pas coutume- mais pour manifester leur satisfaction, non pas pour dénoncer un massacre en affrontant les forces de défense et de sécurité, mais pour exprimer –au son des vuvuzelas leur satisfecit à l’armée et communier avec celle-ci.
La CEDEAO vomie
C’était également l’occasion de conspuer l’organisation sous-régionale, la CEDEAO dont des inscriptions sur les pancartes brandies par les manifestants disaient pis que pendre. « CEDEAO, syndicat de chefs d’Etat aux services d’intérêts personnels », pouvait-on lire par exemple sur l’une.
En effet, quoique la CEDEAO ait été avisé depuis des raisons du soulèvement ayant débouché mardi sur l’arrestation de Ibrahim Boubakar Keita, de son Premier ministre et de quelques-uns de ses ministres, l’organisation a persisté à croire et à vouloir imposer aux Maliens que leur salut ne pouvait se trouver que dans un dialogue avec le président élu en 2018, dont le mandat courait encore. Comme si les Maliens devaient rendre des comptes à Monsieur Keita s’ils décidaient de le congédier
Après une tentative de médiation qui s’est révélée infructueuse entre Boubakar Keïta et la coalition du M5-RFP (opposition et société civile soutenus par le chef religieux Mahmoud Dicko), la CEDEAO avait clairement fait savoir qu’une démission forcée du locataire du palais de Koulouba était une “ligne rouge” à ne pas franchir.
Jonathan Goodluck attendu samedi à Bamako
Après l’arrestation de IBK, et même après que celui-ci a annoncé sa “démission”, les chefs d’Etats de la CEDEAO ont condamné le coup d’Etat, réclamé le “rétablissement d’Ibrahim Boubacar Keïta en tant que président de la République” et pris des sanctions sévères dont celle visant à isoler le Mali. De quoi révolter les maliens qui voient désormais en l’organisation l’ami de leur ennemi, donc forcément leur ennemi.
Reste que ce ressentiment pourrait être apaisé, puisqu’une délégation de la CEDEAO conduite par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, sera accueillie samedi à Bamako, par la junte qui a affirmé vendredi éprouver du plaisir à la recevoir.
L’Hexagone dans la ligne de mire des Maliens, la Russie célébrée
Une nouvelle mission de la CEDEAO, conduite par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan Ebele, est attendue samedi à Bamako. La junte a affirmé vendredi qu’elle la recevra “avec plaisir”.
La France non plus n’était manifestement épargnée tant il est vrai qu’au Mali, quand on met en exergue pour la vanter la nouvelle donne relationnelle qu’est la coopération entre le Mali et la Russie, c’est pour signifier à la France et à tout ce qui s’y assimile, à l’instar de la force Barkhane, voire la mission Onusienne MINUSMA, qu’on leur préfère leur rival russe. Qui le rend si bien au peuple du Mali, puisque c’est la Russie qui, en compagnie de la Chine, a empêché le Conseil de sécurité de l’Onu de prendre des sanctions contre la junte du Colonel Assim Goita.
Mais quoique les Maliens étaient heureux de célébrer leur « victoire » sur l’ancien président, certains veulent tout de même que l’armée qui leur a donné un coup de main sur ce coup, ne se fasse pas l’illusion qu’il leur sera signé un chèque en blanc :