Faure : Il dit vouloir nettoyer les écuries d’Augias

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Le procès opposant l’Etat togolais à l’ancien Premier ministre Eugène Koffi Adoboli et coaccusés a connu son épilogue hier au Palais de Justice de Lomé, en l’absence des accusés. Malgré cette absence notée des principaux mis en cause, le dossier a été débattu au fond et des condamnations prononcées contre ces ex-membres du gouvernement togolais en délicatesse avec la justice. 5 ans de réclusion ont été retenus contre l’ancien Premier ministre Eugène Koffi Adoboli et 8 ans contre chacun de ses deux coaccusés. Ces personnes devront en outre verser à l’Etat togolais la somme de 1 milliard 300 millions en guise de dommages et intérêts.

Du 10 au 12 juillet 2000, le Togo avait abrité le 36ème sommet de l’OUA. Pour cette occasion, l’Etat avait lancé un projet dénommé « Cité OUA 2000 » consistant en la construction de dizaines de villas modernes avec implication d’opérateurs économiques privés. Le gouvernement avait chargé conjointement le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, dirigé à l’époque par Agboli Hope et le Secrétariat auprès du Premier ministre chargé du secteur privé, dirigé par Saibou Issa Samarou, de l’exécution des travaux. Une commission publique composée de techniciens du ministère de l’Habitat et des Travaux publics avait été créée pour assurer le contrôle technique des travaux.

Mais très vite, les exécutants sont soupçonnés de détourner les fonds à leur profit. Selon l’avocat de la partie civile, ces deux personnalités d’Etat, plutôt que de conduire en « bon père de famille » le projet, ont plutôt jugé que c’était l’occasion pour eux de se sucrer sur le dos de l’Etat. Sur 254 lots de terrain mis à leur disposition, fait remarquer Me Waka Tchalim du Cabinet Tchalim Tchitchao, l’actuel ministre de la Justice, les lots mis à leur disposition ont rapporté plus de 1 milliard 270 millions F Cfa. Mais Agboli Hope et Saibou Issa Samarou ne vont déclarer au trésor public que 845 millions F Cfa, soit un manquant de 425 millions F Cfa. Autre accusation portée contre ces deux hommes, l’attribution à eux-mêmes de parcelles dans la zone du projet et le détournement de matériaux destinés au projet. Plus grave encore, la plupart des fournisseurs n’auraient pas été réglés et c’est l’Etat togolais qui se charge aujourd’hui de le faire.

S’agissant d’Adoboli Koffi, Premier ministre à l’occasion des faits, il lui est reproché d’avoir fait preuve de complaisance dans le décaissement des fonds mis à la disposition du comité de pilotage du projet.

En effet, dans le cadre du projet « Cité OUA 2000 », il a été créé un compte auquel seule la signature du Premier ministre donnait accès. Tout décaissement devait être fait sur la seule signature d’Eugène Koffi Adoboli et sans chéquier, a mentionné la Cour d’assises. Mais après le sommet, le Comité de contrôle de l’exécution des travaux constate qu’une somme de 100 millions F Cfa manquait au compte. Les enquêtes vont conduire jusqu’à Eugène Adoboli, révèle le Parquet qui retient contre ces trois anciennes personnalités, le crime de détournement de deniers aux préjudices de l’Etat togolais. « Les accusés ont profité des hautes fonctions qu’ils occupaient pour se livrer à une véritable prévarication des deniers de l’Etat. Cette situation pose le problème du sens du patriotisme et de l’ambition des cadres de la République pour leur pays. Notre passivité devant cet acte criminel sera de nature à encourager l’impunité chez les cadres véreux qui prennent trop souvent, les caisses de l’Etat comme un trésor de famille », a plaidé le substitut du procureur de la République qui a requis contre les trois accusés, une peine de 10 ans d’emprisonnement chacun.

Les renseignements recueillis sur la personnalité d’Eugène Adoboli, tempère la Cour, révèlent qu’il a une bonne moralité, une bonne conduite et une bonne réputation, ce qui lui a d’ailleurs valu une décoration de l’ordre du Mono.

Retenons que lors de ce procès, l’ex-Premier ministre Eugène Koffi Adoboli et ses coaccusés ont brillé par leur absence. Celui-ci aurait confié à certains de ses proches, qu’il n’aurait jamais été informé de la tenue d’un procès contre lui à Lomé et n’aurait appris l’information que par voie de presse. « Le dossier se résume à des renseignements et au rapport du comité chargé d’auditer les dépenses effectuées dans le cadre du projet Cité OUA », a expliqué Me Waka Tchalim qui précise qu’il est reproché aux deux compagnons d’Eugène Adoboli, « d’avoir courant année 2000, en entente et de concert avec le nommé Samarou Saibou, étant ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, soustrait frauduleusement des deniers publics d’un montant de 700 millions de F Cfa qui étaient entre leurs mains à l’occasion de l’exercice de leur fonction ».

A cet effet, un rapport du comité chargé d’auditer les dépenses effectuées dans le cadre du projet Cité OUA a été lu au jury. Ce comité affirme dans son rapport, avoir noté qu’après l’exécution des constructions, des villas appartenant à l’Etat togolais avaient été octroyées à des personnes privées sans l’avis des autorités togolaises. Il donne le cas d’une dame à laquelle on aurait octroyé une villa à titre privé, immeuble qu’elle a transformé en complexe scolaire. D’autres villas qui ont été construites sur le site de la cité OUA, note le rapport, avec des matériaux appartenant à l’Etat, sont déclarées comme des propriétés privées. Exemple de la somptueuse villa N°10 qui porte le nom du ministre Saibou Issa Samarou.

L’audition des fournisseurs des matériaux a permis au comité d’apprendre que ce sont des contrats gré à gré qui ont été conclus avec les exécutants. Un entrepreneur a raconté qu’il aurait directement traité avec les sieurs Samarou Issa Saibou et Agboli Hope. L’entrepreneur rapporte qu’une partie des matériaux aurait servi à la construction d’autres villas dans la ville de Lomé et dans le nord du pays sur des chantiers appartenant respectivement à Hope Agboli et Samarou Saibou.
Ce dernier, fait remarquer le substitut du procureur, a au départ de l’affaire semblé vouloir coopérer avec la justice en promettant de dire toute la vérité. Mais quelques jours plus tard, il se rétracte et contacte le juge pour lui faire savoir qu’il ne pouvait plus tenir sa promesse parce qu’il se sent menacé de mort. « Il n’a aucun égard pour les hommes qui incarnent cette justice. Voici un monsieur qui est en conflit avec la loi et qui a été mis en liberté provisoire. Mais au lieu de se soumettre aux injonctions du juge d’instruction en charge du dossier, il se comporte comme bon lui semble », s’emporte Me Waka Tchalim avant de poursuivre : « Ce matin, il nous a fait dire, je cite : je suis sur le territoire, renvoyez le dossier à l’audience de la session prochaine et je viendrai vous dire ce que j’ai à vous dire ».

A la fin des débats, le jury a reconnu les accusés coupables des faits qui leur sont reprochés. Adoboli Koffi, né en 1934 dans la préfecture de Kpélé Akata, marié et père de trois enfants, en fuite et recherché selon le mandat d’arrêt N° 08 /2009 du 19 janvier 2009, est condamné par défaut à une peine de 5 ans d’emprisonnement et son mandat d’arrêt confirmé par l’Etat togolais, a prononcé le juge présidant l’audience. Celui-ci doit en outre verser au trésor public, la somme de 100 millions de F Cfa représentant le montant par lui détourné.

Saibou Issa Samarou et Hope Agboli, eux sont condamnés chacun à purger des peines de 8 ans de détention et à verser à l’Etat togolais la somme de 700 millions F Cfa représentant la somme qu’on leur reproche d’avoir subtilisée des caisses de l’Etat.

Il leur est demandé des dommages et intérêts évalués à 500 millions F Cfa. En somme Eugène Koffi Adoboli, Saibou Issa Samarou et Hope Agboli devront et à verser à l’Etat la bagatelle de 1 milliard 300 millions F Cfa.

« J’aurais souhaité quand même être autorisé à présenter des moyens de défense sur la forme au moins. Je n’ai jamais rencontré mon client, c’est la Cour qui nous a commis d’office et nous a demandé de venir représenter les accusés.

Un avocat n’est jamais satisfait lorsque son client est condamné. J’espère qu’un jour ils viendront remettre en cause la décision pour nous permettre d’exercer pleinement notre fonction. La loi ne permet pas à l’avocat, lorsque son client fait défaut, d’assurer sa défense. C’est pour cela que je dis que j’aurai aimé être autorisé à présenter la défense sur la forme au moins », regrette Me Agbanzo Kodjo Messan, l’avocat commis d’office pour représenter les accusés. « Le procès d’aujourd’hui a péché par l’absence d’un débat contradictoire et équilibré. C’est regrettable »¸déplore un curieux.

Titraille : Lynx.info

Olivier A.

 

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