Communauté internationale et consorts, me direz-vous un jour de quel charme improbable, de quelle virginité soudaine, vous habillez Alassane Ouattara l’ancien Premier Ministre dont on peut dire, sans méchanceté aucune, qu’il incarne un passé bien peu démocratique dont furent d’ailleurs victimes des Ivoiriens coupables d’opposition, et son âme damnée le rebelle Guillaume Soro, improbable faiseur de rois, qui promet des châtiments à tire-larigot ! Me direz-vous un jour ce que vous récompensez en eux (pour Salomé, fille d’Hérodiade, ce furent ses talents de danseuse) pour leur offrir sur un plateau comme jadis celle de Jean-Baptiste, la tête de la Côte d’Ivoire qui ne vous appartient pas ! Quels intérêts – permettez-moi une naïveté passagère, ponctuelle – vous poussent à la diabolisation subite d’un homme, Laurent Gbagbo, qui fut le seul leader ivoirien à mener une opposition impossible mais pacifique à Félix Houphouët-Boigny, à accepter la prison et l’exil, à briguer la magistrature suprême, à la gagner en venant de l’opposition, sans jamais avoir compromis son combat par l’acceptation d’un maroquin corrupteur ; Qui peut dire avec Rabemananjara «mes doigts sont clairs comme le printemps, mon coeur est neuf comme une hostie».
Dans une chronique récente, j’interpellais les intellectuels africains, afin qu’ils prennent position, qu’ils embarquent dans ce train de la renaissance qui passe devant leur porte. Parodiant Aimé Césaire, je leur intimais de parler, afin d’attaquer à leurs bases, oppression et servitude pour rendre possible la fraternité. Quelques-uns l’avaient déjà fait.
D’autres m’ont écouté, notamment Calixthe Bayala, Olympe Bhêly-Quenum, Tierno Monenembo, Achille Mbembe, etc. Lequel a tissé le moindre laurier même en papier recyclé à la «communauté internationale» ? Lequel a salué Barack Obama ou encensé Nicolas Sarkozy ? Combien ont reconnu la légitimité de Ouattara ? Lequel n’a pas apporté son soutien explicite ou implicite à Laurent Gbagbo, les plus minimalistes demandant comme lui, que l’on respecte les textes d’un état souverain ; que l’on arrête les bruits de bottes et les rodomontades grotesques – incontournable pléonasme –, que cette affaire soit laissée à la discrétion des Ivoiriens ! Quel homme politique africain a envoyé le plus petit courriel de félicitation à Ouattara ? Qui pourrait comprendre que, au lendemain de la célébration du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, ce continent soit encore regardé avec les yeux du documentaire récemment diffusé par France télévision sur la Françafrique, documentaire inattendument prophétique, qui annonçait la victoire de Ouattara –, les explications alambiquées du réalisateur n’y pourront rien – alors qu’il avait été produit des mois avant les élections ivoiriennes ? Qui peut accepter qu’un certain Monsieur Choi se comporte encore comme un commandant de cercle ? Nos enfants ne nous mépriseraient-il pas, à juste titre, s’ils savaient que nous étions restés muets devant le spectacle grotesque d’une furtive proclamation de la victoire d’un candidat par les ambassadeurs étrangers dans son Quartier Général.
Gaston Kelman
Ecrivain