Il paraît que tout va bien en Côte d’Ivoire : l’embargo partiel sur les armes vient d’être levé, et les diamants -les authentiques et ceux de contrebande-, peuvent retrouver le chemin de la sortie, s’exporter comme si de rien n’était : les fameux diamants du sang ? Simples rumeurs, infâmes calomnies : Dame Ouattara n’a bien évidemment jamais trempé dans cette sordide histoire, pas plus que dans l’organisation du travail forcé pour des centaines de milliers d’enfants, dont un sur mille, sous la bannière immaculée de Children of Africa, bénéficie bienheureusement des affectueuses attentions de la bonne Mère humanitaire… Certaines informations -bien sûr non officielles-, avaient présenté Ouattara essayant, lors de son séjour en Israël, d’échanger des diamants contre des armes, armes contre l’acquisition desquelles s’était alors vigoureusement élevé un ancien ambassadeur d’Israël en Côte d’Ivoire… Personne ne dit si les gendarmes vont trouver une arme pour eux dans ces lots de joujoux et friandises pétaradantes et explosives. Manuel Valls avait apporté il y a quelques mois quelques 500 pistolets qui ont réjoui Hamback et les siens, mais les gendarmes n’en n’ont jamais bénéficié.
Alors, tout va pour le mieux dans cette Côte d’ivoire à feu et à sang il y a encore quelques mois. Les investisseurs vont pendre d’assaut le prochain Airbus A380 affrété par Dominique Ouattara pour envahir, tels des touristes japonais assoiffés de nouveautés et de dépaysement, cette Côte d’Ivoire de rêve. Les chantiers sortent de terre comme les champignons, mais les gros attendus s’arrêtent au stade de la moisissure. Les déguerpissements ont repris, cette fois pour faire place à un nouveau projet immobilier cher au cœur du bon roi Mohammed, vassal zélé de l’empire françafricain, autant certainement qu’à celui de dame Dominique la Constantinoise. Le jeune Joël Tiémoko, coupable du seul crime de n’avoir pas pu s’acquitter de la « redevance toilette », y a laissé la vie, et son assassin FRCI n’a semble-t-il toujours pas été inquiété. Tout le ban et l’arrière-ban de la jet-set politique outarandienne avait fini par s’émouvoir, dans un bel élan de solidarité calculée, de la mort dans des conditions ignobles de la jeune mannequin Awa Fadigua; mais l’infortuné adolescent Joël, rattrapé de naissance par son père seulement, n’intéresse pas le gouvernement, pas plus qu’une justice aux ordres qui, c’était pourtant promis, juré, craché, serait désormais la même pour tout le monde.
Bakayoko, seul maître à bord, -Soro est bien silencieux en ce moment- nous explique que la composition de la nouvelle CETPI -Commission Électorale Toujours Plus Indépendante- a été bien étudiée, et que le texte de loi sanctionnant son entrée en fonction sera voté sans sourciller -ah, que c’est beau, la démocratie prédictive !- par la voix de son maître, je veux dire le parlement : sur les 13 membres de ladite commission, 10 auront la carte du parti des vainqueurs. C’est normal : quand on est un vainqueur sorti des urnes de la Communauté internationale, on a tous les droits…
Quant au recensement, il avance à l’allure du train du progrès et de la réconciliation : il y a trois jours nous en étions déjà à 67% de recensés. Les statistiques des non recensés frisant les 10% seulement. C’est un succès… Pourtant, à en croire les agents recenseurs eux-mêmes et les Ivoiriens, tout ceci n’est que mensonge et poudre aux yeux. D’ailleurs, si ce recensement se déroule si bien, pourquoi à Korhogo par exemple, fief des électeurs de Ouattara, le préfet doit-il menacer ses concitoyens de la prison pour les dissuader de s’y dérober? Pourquoi Joël N’guessan menace-t-il d’empêcher les non recensés de s’inscrire aux concours de l’état ? Curieuse manière de prôner la république, quand un recensement devient non seulement obligatoire, mais couplé à de sévères sanctions ? La presse bleue avait été sanctionnée pour avoir traité Ouattara de dictateur. Sous les pressions et surtout devant le ridicule de la situation – « nous sommes en république, mais tout est interdit »-, Raphaël Lapké a fait marche arrière. D’où sortent ces 67% ? Certainement pas de statistiques valables : ne connaissant pas le nombre des Ivoiriens et des étrangers à qui la nationalité ivoirienne est offerte sur simple déclaration, comment a-t-on pu déduire ce pourcentage d’un total présumé inconnu de tous, y compris du pouvoir en place ? Sauf à comprendre que le gouvernement et ses parrains étrangers travaillent sur la base de chiffres truqués, avec des résultats garantis, puisque définis à l’avance ? Même Soir Info dans sa livraison du week-end nous parle d’une localité de 10 000 âmes dans le Sandwi où 2 personnes seulement ont été recensées ! Bien loin des 67%, nous en sommes à … 0,02% ! Mabri Toakeuse, le statisticien de service, ne s’est trompé dans ses chiffres que de 3.350 % ! Excusez du peu…
Et pendant ce temps, l’Économiste phare, le lampion de la Côte d’Ivoire en marche, est reparti vers l’Hexagone vendredi saint. Mais le week-end de Pâque a passé, les congés aussi : il aurait logiquement dû réapparaître pour le conseil des ministres fixé au 26. Une fois de plus, sœur Anne n’a rien vu venir, ou plutôt si : Henri Konan Bédié, seul présent à la cérémonie de canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II. Même Dominique s’est abstenue d’accompagner l’insubmersible rafiot pour ce très chrétien dernier hommage, se privant par là même de saluer sa Sainteté François 1er, pourtant censé venir inaugurer bientôt l’hôpital Saint Joseph Moscatti, construit sur le site de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro. Avec sa connaissance hors pair des dossiers hôpitaux « mère- enfant », Dominique aurait certainement aimé parler avec le pape et convenir d’une date; imaginons la divine coïncidence : le pape et son Mossi Ouattara, débarquant ensemble le même jour à Abidjan ! Cela valait la peine de croire à la guérison du chef, pour en arriver à presque croire à son imminente béatification : Ado le candidat, bardé du miracle économique ivoirien, posant aux côtés du représentant de la foi universelle, dite catholique !
La presse officielle nous assure que Ouattara va bien, il a même joué au foot avec ses petits enfants… lesquels ? Les siens, qui ne mettent jamais les pieds en Côte d’Ivoire ? Ceux qui vivent bien grassement en Suisse, parce que la fille de Ouattara et son époux perçoivent une commission de 15% sur le prix des médicaments qui seront facturés aux ivoiriens ?
Ceux de Dominique ? Loïc, peut-être toujours sans travail après la parenthèse cacao chez Antony Ward, logeant avec femme et enfants chez maman et beau papa. Dans ces milieux-là, ont sait faire des économies : tout est facturé sur le compte du trésor ivoirien, même les actions charitables de la première dame, sa générosité en direction des populations privilégiées n’étant qu’une petite partie émergée de l’iceberg abyssal des dettes contractées sur le dos des ivoiriens, leurs enfants et petits-enfants…
L’embargo peut être levé. Le pays fonctionne en mode pilotage automatique : le chef est absent, sa femme également, probablement pour affaires, Soro est invisible, les Com’zones se barricadent, et Bakayoko joue les indéboulonnables. Les hôpitaux sont dans un état pitoyable, les services ferment, l’appareillage défectueux n’est pas remplacé et certaines machines sont carrément reprises par leurs investisseurs, le remboursement des traites ne suivant plus…
Bref, dans quelques jours, quelques semaines, comme dans la chanson « ouattra s’en va en France mironton mironton mirontaine Ouattra s’en va t-en France, ne sait qu’en reviendra, ne sait quand reviendra…
Il reviendra z’à Pâques ou à la Trinité…». Pour information, la Trinité sera fêtée cette année le 15 juin prochain, deux jours après la réouverture du procès du Président Laurent Gbagbo… Coïncidence ? Dans la chanson, « la Trinité se passe… » Combien de temps les Ivoiriens accepteront-ils encore de se laisser mener en bateau quand le soi-disant capitaine est à quai… à quelques milliers de kilomètres du port d’attache ?
De plus en plus d’informations font état de ces capitaines qui quittent précipitamment leur navire avant tout le monde, plutôt que de veiller à ce que femmes et enfants soient sains et saufs avant de penser à sauver leur peau. Signe des temps ? La Côte d’Ivoire, elle, est cette arche de néant très spéciale, voguant sans capitaine, sans gouvernail, sans provisions, sans feuille de route, sans destination. Tout est dans la Com, mais cette dernière vit ses derniers instants : les moutons eux-mêmes -à quelques galeux près-, ouvrent les yeux, bien déterminés à ne plus se repaître de promesses aussi vides que mensongères.
Abel Shlomit, 27avril 2014