Jean-Paul Pougala : l’Afrique et les dérives des sectes créationnistes

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Et le pari est réussi, c’est-à-dire celui d’une Afrique qui va se concentrer sur les futilités qu’on a sagement mis sur son chemin pour faire diversion et l’empêcher de débattre et affronter ses vrais problèmes avec les solutions qu’elle a elle-même construites.

En 1972, le penseur allemand Anders Günther (1902-1992) écrit un ouvrage qui va bouleverser la pensée philosophique du XXème siècle au sujet des trois religions dites « déistes » et des sectes qui les accompagnent. Le titre est L’obsolescence du « sens ».

Dans le chapitre intitulé : « Les deux Sources de l’Absurdité », il conteste les affirmations de Karl Marx selon qui « la religion est l’opium du peuple ». Pour Günther, c’est plutôt « l’opium qui est la religion du peuple ». Il compare les croyants de l’Islam, du judaïsme et du christianisme aux toxicomanes, qui, après avoir pris leur drogue se portent littéralement dans un paradis imaginaire qui n’existe que dans leur tête et qui les rend artificiellement heureux, peu importe si sur le plan réel, ce bonheur n’est au fond qu’un pur mensonge, un mensonge qu’ils se racontent à eux-mêmes.

Les créationnistes ne sont pas à plaindre parce qu’ils ont une opinion différente de la raison, mais parce qu’ils croient en la croyance. Cela peut sembler un pléonasme, une faute de vocabulaire, eh bien non. Au fond, ils ne croient pas en dieu en tant que divinité suprême, mais ils croient au bon sens, à ce qui à leur yeux peut avoir un sens, peut importe si c’est vrai ou faux. A ce titre, ils s’accrochent à une question qui trouve la réponse en un sens : Qui a créé tout ça ? Qui a créé le monde ? Qui t’a créé, toi ? Ils sont des « êtres à sens orienté », parce qu’ils posent une dont l’évidence de la réponse est telle que cela témoigne de leur faiblesse. Il y a une autre question qu’ils ne vont jamais se poser ou vous poser, alors qu’elle aurait été de loin plus pertinente : Supposons que Dieu existe et qu’il a vraiment crée la terre en 6 jours, pour se reposer le septième : quelle intention avait-il lorsqu’il a créé le monde ? Si vous plantez du manioc dans votre plantation, nous pouvons bien constater au bout de quelques mois que cette plantation a donné des tubercules de manioc. Si vous avez des enfants qui passent leur temps à crier haut et fort que vous êtes capables de créer du manioc, c’est qu’ils se refusent de donner un sens à leur raisonnement, de donner un sens à votre travail. Pour avoir un sens, il faut bien qu’avant de prendre la décision de cultiver du manioc, vous ayez eu l’intention de le faire, que vous ayez comparé le manioc au macabo ou à la pomme de terre, et qu’il y ait un motif raisonnable d’avoir porté son choix sur le manioc et non sur la pomme de terre. Et si vos enfants sont dotés de la faculté d’intelligence, ce qui doit les intéresser n’est pas que vous ayez produit du manioc, mais pourquoi l’avoir fait. Pour quoi en faire ? Et surtout, pourquoi le manioc et non la pomme de terre ? Au lieu de cela, les croyants sont dans leur nuage de drogue où ce qui compte c’est l’extase de l’opium. C’est ce qui fait dire à Günther que l’opium est la religion du peuple. Et ceux qui ont utilisé leur cerveau pour analyser la question religieuse et sont capables de prendre une certaine distance doivent avoir le courage de se questionner comme le fait Günther : « Oui, notre vie est effectivement absurde […] À quelle fin le monde en sa totalité existe-il ? À quelle fin la vie ou tel ou tel peuple existent-t-ils ? Et les chênes, les moustiques, les fourmis, les serpents, les microbes ou les méduses ? » Et les virus du sida, d’Ebola, pourquoi existent-ils ? Pour atteindre quel but ?

Günther nous invite à ne pas tomber dans le piège que nous tendent les trois religions créationnistes de nous faire croire qu’elles sont les unes contre les autres. Il dit que ce n’est que de l’enfumage. Parce qu’en réalité, elles s’accordent sur l’essentiel, sur le crédo principal : le monothéisme. Elles sont unies pour nous faire croire que Dieu existe et ceci ne doit pas nous induire en erreur de prendre partie dans leurs disputes, car ce n’est que du détail pour nous embrouiller.

Günther nous donne pour cela deux exemples : En Grande-Bretagne, au XIXe siècle, les juifs admis pour entrer dans le pays devaient se déclarer en tant que juifs orthodoxes, c’est à dire des religieux pratiquants. Et dans les années 30 aux Etats-Unis, pour enseigner dans une université américaine, il fallait absolument se déclarer religieux pratiquant, peu importe dans laquelle des 3 religions. Il va insister sur ce thème en disant : « ce n’est pas une croyance déterminée qu’on exigeait des hommes, mais qu’ils fassent preuve de la détermination avec laquelle on croit. »

Voici ce qu’il écrit au chapitre V :

« Chaque jour, le nombre de sectes augment, parce que la prolifération de sous-groupes religieux (issue de l’histoire du protestantisme) semble avoir atteint aujourd’hui son sommet. Mais la multiplicité ment. Je suis persuadé que les centaines de milliers d’hommes qui croient avoir besoin d’une croyance déterminée, d’un « anneau authentique » comme véhicule pour se transporter dans l’état ardemment désiré du Nirvana, et que seul leur anneau « fera l’affaire », font semblant de croire. Car les dogmes sont devenus échangeables. C’est un pur hasard si Monsieur Smith a été contaminé par le dogme de la secte A et Madame Miller, par celui de la secte B, tout comme c’est un hasard si Monsieur Smith prend du Paracétamol et ne jure que par lui et Madame Miller du sel de réhydratation contre la diarrhée et ne jure que par lui. Un dogme agit aussi bien qu’un autre, 99% d’entre eux ne sont que des « placebos » – une affirmation que Smith et Miller, même s’ils se détestent cordialement, rejetteraient bien sûr avec la même ardeur et avec une indignation qui les rendrait identiques. Peu importe, les contenus des croyances se sont dégradés au point de n’être plus que des moyens pour atteindre l’ivresse et le nirvana qui, sont des êtres qui n’ont pas droit à la parole, et s’inscrivent dans la même série de moyens que les aliments et les somnifères. (…) Les fondateurs de sectes sont tous des gens très peu cultivés, la mystique est tombée bien bas et n’est plus qu’un phénomène pour classe moyenne : les membres de sectes sont des analphabètes, non pas bien qu’ils lisent les feuilles publiées par les sectes mais, au contraire parce qu’ils les lisent. »

 

Il y a 42 ans que Günther a écrit ces mots et en regardant la prolifération des mêmes sectes aujourd’hui en 2014 en Afrique, c’est comme s’ils les avait écrits aujourd’hui. Günther écrivait pour mettre en garde la société européenne contre cette invasion de la pensée créationniste qui, tel un serpent à travers la fente de la porte laissée par erreur entrouverte, s’infiltrait dans la société européenne profitant du grand mouvement libertaire des années « 68 ». Günther a-t-il été écouté ? Ses mises en garde étaient-elles fondées ? Que s’est-il passé en 42 ans d’infiltration de la société européenne par les sectes créationnistes ?

Dans les lignes qui suivent, nous allons analyser certains faits liés aux sectes créationnistes et surtout, examiner ce que chaque pays européen a décidé de faire pour contrer le phénomène sur le plan juridique. Comme d’habitude, nous en tirerons les leçons pour l’Afrique, avant de conclure ; non sans avoir dit comment ces sectes font pour piéger les Africains de la diaspora.

Mais avant tout, quel est l’intérêt sociologique de parler des Africains de la diaspora dans cet épineux problème des dérives sectaires ?

Pour répondre à cette question, nous allons nous servir des travaux d’un penseur sénégalais, Abdoulaye Gueye dans son livre intitulé : De la religion chez les intellectuels africains en France avec pour sous-titre L’odyssée d’un référent identitaire.

Gueye, a mené une étude sur 30 ans, de 1950 à 1980 sur le rapport à la religion des intellectuels africains de France et a complété son analyse avec une comparaison avec le Sénégal. Et le constat est édifiant : Les Africains de France croient en Dieu, 10 fois plus que ceux qui résident en Afrique.

Pour arriver à une telle conclusion, Gueye va s’appuyer sur les recherches menées par un autre sénégalais, un certain J.-P. Ndiaye, qui rend publique en 1962 ses recherches menées depuis 1950 sur les intellectuels africains de France où ils ne sont que 0,9% à ne pas croire en Dieu. Il confronte ces chiffres avec ceux publiés un an plus tard, en 1963, au Sénégal par un certain P. Fougeyrollas, qui avait mené une enquête auprès des étudiants de la cité universitaire de Dakar en interrogeant 156 étudiants, parmi lesquels 12 déclaraient ne pas croire en Dieu. C’est-à-dire, presque 8%, contre 0,9% des étudiants africains en France, soit 10 fois plus. Il en conclut que les Africains de France sont 10 fois plus nombreux à croire en Dieu que ceux du continent africain. Mais comment en est-on arrivé là ?

L’auteur nous ramène à l’administration coloniale qui voulait forger une conscience africaine typiquement créationniste. Ceci afin de tenir toujours et plus facilement sous contrôle une conscience africaine plafonnée par la peur religieuse, comme c’était le cas en France durant les 1000 ans du Moyen-âge créationniste lorsque tout le monde devait être obligatoirement chrétien. Pour y parvenir, Abdoulaye Gueye nous explique que l’administration coloniale n’était pas passée par quatre chemins. Elle s’était tout simplement limitée à financer les écoles missionnaires (parce qu’en mission « civilisatrice ») dans les colonies africaines et s’arranger à ce qu’elles soient les seules écoles disponibles partout sur le territoire. Mais l’arme la plus fatale entre les mains de l’administration coloniale ne se situe pas là. Mais elle est ailleurs, même si pas très loin. Et c’est toujours notre penseur sénégalais qui nous la dévoile. En effet, cette arme consiste à fabriquer les futurs philosophes africains uniquement à travers les séminaires, c’est-à-dire les écoles où l’on forme les prêtres catholiques. Gueye cite pour preuve Jean-Marc Éla et Eboussi Boulaga. Ce sont des prêtres catholiques africains issus de ces fameux séminaires que le système va ériger au rang de penseurs, d’opinionistes pour orienter la conscience de tout le peuple et comme ce sont des créationnistes, il n’y a aucun risque qu’ils vont tenter une quelconque révolution pour enlever les chaines invisibles de l’esclavage qu’on fera porter au peuple après l’octroi de la pseudo-indépendance. Et ça marche. Puisque contrairement aux autres peuples du monde où ce sont les analphabètes qui sont les plus fervents croyants en Dieu, en Afrique, ce sont ceux qui ont fréquenté qui vont ramener Dieu à la maison, auprès de leur famille. Etre chrétien c’est être un peu plus civilisé que les autres. On confirme par là même la soit disant « Mission Civilisatrice » qui a officiellement motivé la colonisation des Africains prétendument sauvages et incultes, par les maîtres autoproclamés « civilisés » de l’Europe. C’est bien pour cela que les prêtres, les sœurs catholiques et tous les religieux qui seront déchainés sur l’Afrique vont porter un drôle de nom : « missionnaires », puisqu’ils sont bien en mission civilisatrice des barbares africains. C’est naturellement ensuite que les plus civilisés vont poursuivre leurs études en France, un peu le paradis des Africains. Et en reconnaissance au maître, l’esclave va se morfondre et s’identifier complètement dans la religion du maître. C’est ce qui va expliquer qu’en France, les étudiants africains se déclarent 10 fois plus croyants que ceux restés en Afrique. Et c’est ici que l’esclave va exceller dans la mise en scène et même dépasser le maître dans la célébration des rituels à peine appris : un baptême, une première communion ou un mariage à l’église va mobiliser des foules au-delà des frontières de la France, sans oublier bien entendu qu’il s’agit d’une classe sociale très basse, vivant le plus souvent des minimas sociaux. Il s’agit au fond d’un stage, d’un exercice grandeur nature avant que ces « missionnaires » d’un genre nouveau, puissent aller à leur tour en mission sur leurs propres terres en Afrique à la conquête de leurs familles, de leur Etat, à travers des comportements typiques des « civilisés » : des gerbes de fleurs vont quitter Paris pour des enterrements en Afrique, geste complètement ridicule pour une population africaine qui n’attribue pas les mêmes significations symboliques aux fleurs que les Européens, surtout devant le drame de la mort.

Ces enterrements vont eux aussi prendre un air tragi-comique avec souvent des cercueils qui doivent effectuer des voyages intercontinentaux et surtout, partir de Paris, accompagnés du marbre qui va transformer les villages africains en des cimetières à ciel ouvert où les maisons sont toutes pauvres et croulantes à côté de somptueuses tombes en marbre, construites là comme une insulte jetée à la figure de la misère généralisée de tout un village. Et pour couronner ce festival de la bêtise humaine, il y a un dernier venu qui a fait son entrée au palmarès de l’idiotie des « civilisés » africains et porte le nom tout aussi malsain qu’insensé de : « programme des obsèques ». c’est la formalisation même de la mise en scène de la mort tel que l’esclave imagine qu’elle soit pratiquée et interprétée aussi par son maître. Et puisque pour le maître il est écrit dans la Bible que le Noir est un maudit, la couleur noire est directement associée à la tristesse, au deuil et c’est donc naturellement que même l’uniforme de l’enterrement est un costume noir et une robe noire. Qu’importe, l’esclave africain ne peut rater ce rendez-vous, et lui aussi doit porter du noir comme signe du deuil. Sans oublier le dernier accessoire du « civilisé » africain : les lunettes noires, bien entendu.

Et le pari est réussi, c’est-à-dire celui d’une Afrique qui va se concentrer sur les futilités qu’on a sagement mis sur son chemin pour faire diversion et l’empêcher de débattre et affronter ses vrais problèmes avec les solutions qu’elle a elle-même construites. C’est ce qui va expliquer qu’un étudiant africain dans la rue de Paris, Berlin ou Londres sera la cible première des activistes du prosélytisme de certains créationnistes comme les témoins de Jehova ou les mormons plutôt que les indigènes qui eux ne participent à aucun grand dessin stratégique de soumission. On comprend dès lors comment les familles africaines de la diaspora sont deux fois plus victimes des dérives sectaires que les indigènes européens.

Mais à ce festival de la honte en terre africaine, il y a des intellectuels qui ont dit non, passant aux yeux de leurs proches pour des extra-terrestres.

Nous sommes le 9 août 2014 dans le village de Endama dans le département de la Lekié dans le sud du Cameroun. On enterre l’homme considéré par tous comme étant le plus grand penseur camerounais de tous les temps, le professeur Marcien Towa (1931-2014). Mais quelque chose va se passer d’inattendu. Marcien Towa ne voulait pas de cérémonie créationniste à ses obsèques. Et ses enfants vont respecter les vœux de leur père en procédant aux funérailles dans le strict respect de la spiritualité africaine, sans prêtre, sans pasteur ni croix. C’est la stupéfaction générale. Des obsèques d’une si haute personnalité au Cameroun sans prêtre ou pasteur encore moins d’imam, cela ne s’est jamais vu de ce coté-ci. Le penseur a préféré des obsèques dans la stricte tradition africaine et non arabe ou européenne. Il faut préciser que ce geste en apparence insignifiant est plein de valeur et nous donne la preuve que même lorsque tous les intellectuels africains ont été abrutis dans le créationnisme colonial, il y en a qui ont continué à résister à cette forme néfaste du nettoyage mental de la personnalité et du marquage identitaire des africains. Rien n’explique pourquoi dans un pays laïque, comme le Cameroun, les obsèques officiels doivent passer par une église ou une mosquée.

En effet, malgré les vœux du penseur camerounais mort le 2 juillet 2014 à cause d’un cancer à 83 ans, une messe sera bien au programme des obsèques et sera dite le 7 août 2014, contre la volonté du défunt à la cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Alors que tous ses proches sont formels, à commencer par son ancien élève, devenu son ami et collègue, le professeur Hubert Mono Ndjana qui affirme aux médias camerounais durant cette controverse :

« Marcien Towa, l’ancien séminariste, était athée jusqu’à sa mort. Ses dernières volontés de ce fait, étaient qu’il n’y ait pas de prêtre ni de prière à ses obsèques ».

Comme Mère Thérèse qui baptisait les pauvres Indiens sur leur lit de mort et clamait haut et fort que tous les Indiens étaient en train de se convertir au christianisme, pour justifier l’entorse à la volonté du défunt Towa, on a insinué que deux de ses sœurs ont prié avec lui avant qu’il ne s’éteigne et cela serait la preuve que le professeur Marcien Towa se serait converti au christianisme sur son lit de mort. Les réligieux qui justifient cette entorse aux dernières volontés du professeur soutiennent mordicus ceci : « c’est après avoir accepté de prier avec deux de ses sœurs que Marcien Towa s’est finalement éteint ». Comme quoi avant de s’éteindre, le professeur avait besoin à ses côtés, non pas ses enfants qu’il a lui-même formatés à une certaine idée de l’intelligence, mais plutôt de ses deux sœurs abruties par une religion dans laquelle on l’a préparé pour devenir prêtre et dont il a su et pu s’en libérer. Ils n’ont plus honte de mentir même au grand jour.

Est-ce que Günther n’avait pas raison lorsqu’il affirmait que les créationnistes sont des gens qui sont sous l’effet de la drogue ? Comment peut-on imputer à un mourant un choix si lourd de conséquence ? S’il est mourant c’est bien la preuve qu’il ne peut plus faire fonctionner ses sens, son cerveau, son cœur etc. Avec un tel comportement propre aux sectes, y a-t-il une vraie différence entre les sectes et les religions dites classiques ? Ou sont-elles toutes égales comme le dit Anders Günther ?

LES SECTES

Selon le dictionnaire en ligne Larousse.fr, une secte est un : « groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes ».

Voici ce qu’en dit la loi française :
« Il s’agit d’un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société ».
Pour distinguer les créationnistes entre sectaires et non, devons-nous nous limiter au respect ou non d’une telle loi ? Et les institutions européennes ne sont-elles pas déjà sous l’emprise des sectes créationnistes ?

Voici ce qu’écrit l’hebdomadaire français « Le Nouvel Observateur » du 20 octobre 2011 :

« Slovaquie, Tchéquie, Hongrie, Autriche et surtout l’Allemagne sont des cultures très marquées par le phénomène sectaire, particulièrement dans les régions protestantes où l’éclatement des doctrines favorise l’émergence de groupements spirituels pratiquant la séquestration mentale. Les pratiques largement illégales qui infiltrent nombre d’institutions publiques, de tribunaux, des députés et jusqu’à des ministres fédéraux, finissent pas constituer à l’échelle d’un pays un phénomène culturel d’ampleur. L’exemple de l’Allemagne est caractéristique. L’habitude farouche des hautes autorités politiques de refuser toute intervention de l’Etat en raison des excès du passé, la subsidiarité poussée à l’extrême et s’apparentant de fait à la caution de pratiques administratives déviantes par l’Etat, la non-séparation des Églises et de l’État, et la volonté de protéger les croyances même lorsque leurs dérives idéologiques les rendent dangereuses, s’apparente pleinement à un encouragement aux pratiques criminelles de masse sur les enfants […] Cette protection farouche de comportements sectaires constitue une pratique d’État-voyou. Depuis des décennies que ces phénomènes existent, les gouvernements des autres grandes puissances économiques dans le monde tolèrent et protègent pour des raisons politiques ces pratiques, qu’elles qualifient de « différences culturelles ». Cette habitude s’est à ce point répandue que les milieux dirigeants et diplomatiques ont complètement perdu de vue le caractère illégal et criminel de la légalisation à grande échelle des enlèvements d’enfants et des violences psychologiques graves qui en résultent, pour l’enfant comme pour les familles violées ».

QUELLES SONT LES REACTIONS DE DIFFÉRENTS PAYS FACE AU DANGER DES SECTES ? L’EXEMPLE DE LA FRANCE

Après les drames de l’Ordre du Temple Solaire en 1994, 1995 et 1997, La France s’est dotée dès 1998 d’un instrument de contrôle et de répression contre les sectes. C’est la Mission Interministérielle de lutte contre les sectes (Mils) et qui depuis 2002, s’appelle Miviludes : Mission Interministérielle de Vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
Sur le site du Premier Ministère, son rôle est ainsi défini : contrôler les groupes qui se donnent aux excès suivants :

la déstabilisation mentale,
le caractère exorbitant des exigences financières,
la rupture avec l’environnement d’origine,
l’existence d’atteintes à l’intégrité physique,
l’embrigadement des enfants, le discours antisocial, les troubles à l’ordre public,
l’importance des démêlés judiciaires,
l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels,
les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.
la menace d’atteinte à l’ordre public,
des conditions de vie déstabilisantes,
les atteintes à des personnes en état de faiblesse et d’ignorance,
la sujétion mentale conduisant à des actes ou à des abstentions préjudiciables,
le refus des autres et l’isolement dans un groupe,
la violation des principes fondateurs de la République.

Dans le rapport 2011-2012 de 194 pages au Premier ministre français de cette Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), à la page 10, il y a les mots très crus de la Présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi ), Mme Catherine Picard, qui est à l’origine de la loi française n° 2001-504 du 12 juin 2001, pour « renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ». C’est dans cette loi qu’on affronte pour la première fois la lutte contre l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse à des personnes « en état de sujétion psychologique ou physique ». En d’autres termes, lorsqu’un prêtre dit que Dieu existe alors qu’il sait pertinemment que c’est faux et utilise ce fond de commerce pour tromper les personnes sans culture, on parle de l’abus de l’état d’ignorance. 

 

Voici ce que Catherine Picard va déclarer dans ce rapport :

« Par le biais de démarchages à domicile, de propositions de discussions, d’aide à rompre la solitude, de distribution ou de vente de documents pseudo religieux, des mouvements religieux, notamment les Témoins de Jéhovah, font un “ forcing” pour pénétrer chez les personnes, s’insinuer dans leur intimité et, à terme, se substituer à la famille qui devient encombrante et se voit rejetée. […] Certaines vont même jusqu’à éplucher les pages de la rubrique nécrologie pour repérer les personnes en deuil d’un proche et s’insinuer dans leur vie quotidienne : “Nous venons d’apprendre le décès de votre mari, devant les difficultés que vous pouvez rencontrer, nous venons vous apporter de l’aide ainsi que le réconfort de la Bible.” […] D’autres mouvements se cachent derrière des pratiques de voyance, de guérisseurs pour proposer leurs services. Les pratiques ayant recours à l’irrationnel sont très appropriées à la mise en place d’une emprise sur les personnes vulnérables. Elles sont aussi très rentables. Cela peut passer par exemple, par voie téléphonique, par du soutien, du “coaching”, des conseils de soins. […] Le cas le plus courant relevé par la Miviludes est celui des auxiliaires bénévoles qui viennent visiter les personnes, et qui peuvent profiter de l’absence de vigilance ou de la carence de la famille pour instaurer une relation de confiance, voire affective, avec la personne et lui soutirer des dons, legs, remises en nature, avantages financiers, etc., pour leur propre compte ou pour celui du mouvement auquel ils appartiennent. »

QUELLES LECONS POUR L’AFRIQUE ?

Le 16 août 2014, à la une du journal en ligne congolais (RDC) Afrique Quotidien, on pouvait lire cette information reprise de la Radio Okapi :

« RDC: six personnes accusées de sorcellerie brûlées vives »

L’histoire se déroule dans la province d’Équateur (dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo), plus précisément à Businga, à 140 km de Gbadolite, dans le district du Nord-Ubangi. Plusieurs pasteurs pentecôtistes dans leurs prêches du dimanche ciblent les personnes les plus riches du coin qui apparemment refusent de croire en Jésus et donc de venir verser les dimes dans ces églises. Ne pas croire en Dieu et donc, ne pas être sous la domination des pasteurs, c’est la preuve qu’on est sorcier. Et au premier cas d’épilepsie dans le village, la victime était bien trouvée. Non seulement on brûle vifs ces 6 personnes : 2 hommes et 4 femmes, mais aussi tous leurs biens, même immobiliers. Voici ce qu’écrit Radio Okapi :

« Les justiciers ont aussi incendié les 4 et 5 août 48 habitations appartenant à ces prétendus sorciers ou à leurs proches, privant près de 300 personnes de toit, a précisé Radio Okapi. Des croyances véhiculées par des pasteurs des églises chrétiennes. […] Les accusations de sorcellerie sont encore fréquentes dans certaines parties de la RDC où des milliers d’enfants handicapés ou malades, et qualifiés à ce titre « d’enfants-sorciers » par des pasteurs d’Églises pentecôtistes, sont ainsi jetés à la rue, voire assassinés ».

En Afrique il y a une bombe à retardement qui couve tous les jours sous les yeux de tout le monde, mais personne semble s’en rendre compte et c’est la bombe des sectes créationnistes. Ces églises qu’on laisse pousser aussi facilement dans tous les quartiers sont autant de centres de crimes qui seront tôt ou tard incontrôlables. Ces télévisions à la gloire de la vierge Marie ou à la gloire de ces prophètes d’un genre nouveau qui guérissent mêmes les maladies qui ne sont pas encore apparues et qu’on laisse émettre librement dans les populations sont un danger que tôt ou tard sera difficile à gérer.

Il est donc urgent de tous les fermer. Ou alors, utiliser la méthode australienne, c’est de les mettre au pas fiscal et de toutes les taxer. C’est grâce à ce stratagème que le gouvernement australien est venu à bout des petits bandits qui s’étaient reconvertis au business facile de Dieu et de Jésus.
Aujourd’hui on se plaint de la secte islamiste Boko Haram et de bien d’autres sectes créationnistes, mais on oublie très vite que ce sont les politiciens qui les ont tolérées au début en les laissant libre de prospérer. Dans l’espoir de soutirer un gain électoral le moment venu. Mais avec des gens qui vendent le mensonge du créationnisme, cela ne peut que finir très mal tôt ou tard. L’Afrique n’est qu’au début de l’invasion des sectes créationnistes car les sectes comme les scientologues n’ont pas encore mis cap sur le continent. Mais dès que le revenu des populations va augmenter et qu’ils arriveront en grande masse, les institutions seront-elles prêtes à leur résister ?

Par erreur des jeunes adolescents africains sont séparés de leurs familles dès l’âge de 16-17 ans pour aller étudier en Europe. A leur arrivée, pour les accueillir, il y a surtout des mouvements sectaires qui ont développé toute une panoplie de filets pour ramasser ces victimes d’un genre nouveau qui vivement un profond dépaysement dans une solitude criante à la quelle elles n’étaient pas habituées en Afrique avant leur voyage. On se retrouve ainsi avec des enfants toujours nombreux qui en Afrique n’avaient jamais mis pied dans une église, mais se retrouvent en Europe dans les groupes de prières, des mouvements sectaires où les viols sont une normalité. Petit à petit, ces enfants vont quitter le chemin de l’école pour se dédier à temps plain à l’activité d’esclavage de travailler gratuitement pour la secte à recruter de nouvelles victimes encore plus jeunes et toujours en provenance de l’Afrique. C’est comme cela que les dérives sectaires s’exportent désormais des quartiers pauvres de Bruxelles, Paris, Londres, Berlin, Washington, New-York etc. vers l’Afrique. La solution, c’est de faire voyager les enfants africains pour aller poursuivre les études en Europe au moins au niveau de la License ou du Bachelor. Mais aussi et surtout, que les états africains se dotent d’un dispositif pour protéger les familles africaines des influences sectaires venant de ceux qui de la diaspora, profitant de l’envoie de quelques miettes par transfert d’argent, en profitent pour convertir tout le monde dans leurs sectes d’appartenance en Occident.

CONCLUSION

Il me plait de conclure avec cette pensée du professeur Marcien Towa dans Zeen, la Revue du Club de Philosophie Kwame Nrumah, n°1 de janvier 1989 :

«Dans un monde où s’affrontent des forces gigantesques lui imprimant un mouvement accéléré, heurté, et dangereux, quels seront notre place et notre rôle ? Dans un tel monde, les peuples inconscients et insouciants, ceux qui se laissent aveuglément porter par le mouvement, sont voués à être désarticulés ou broyés pour servir d’instruments ou de matériaux aux desseins des autres. On ne peut éviter un tel destin qu’en se fixant un objectif global et en adoptant ou en dégageant une voie pour y parvenir […] L’Afrique doit adopter la techno-science et se défaire complètement de ses mentalités magico-religieuses ».

L’Afrique est attendue au rendez des civilisations de cette techno-science dont parle Towa et tous les mouvements sectaires créationnistes sont là pour la distraire et lui faire croire que dieu est plus important et qu’il vaut mieux s’attacher à l’irrationnel que la science. Mais, notre avenir est dans la science ou alors on n’aura pas d’avenir.

Jean-Paul Pougala 

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