A un an des échéances électorales de 2015, le régime en place est passé à une phase supérieure dans sa volonté de demeurer au pouvoir encore cinq années et, peut-être même plus. Pour ce faire, il ne lésine sur aucun moyen pour médiatiser à souhait le retour de quelques exilés ou la libération provisoire des prisonniers politiques, vantant au passage les « prouesses » et les « gloires »imméritées de son mentor: « le président de la République, Alassane Ouattara, foncièrement attaché aux valeurs de paix, du respect de la vie humaine, ne ménage aucun effort dans son combat pour ramener la paix , la cohésion sociale et stabilité en Côte d’Ivoire (…)la Côte d’Ivoire a retrouvé un vrai chef soucieux de l’avenir de son pays qui ne peut se construire que dans la paix et le rassemblement des toutes ses filles et fils (…) La Côte d’Ivoire de la paix, de l’unité nationale totalement orientée vers le développement et la prospérité guidée par l’ancien directeur général adjoint du FMI, a repris sa marche. Laissant derrière elle la violence, de la haine et la guerre ».
Vous croyez rêver ? Et bien non. Il s’agit bel et bien ici, du même Alassane Ouattara, l’homme qui « frappe les régimes moribonds », et les fait « tomber comme des fruits mûrs » ou, qui excelle à rendre « rend le pays ingouvernable » ; celui qui prit le dangereux raccourci ethnique et religieux : « C’est parce que je suis musulman et du nord », lorsque sommé par la justice ivoirienne de justifier ses origines ; Alassane Ouattara, le père-fondateur de la « république des Dozos » et du « rattrapage ethnique » ; celui enfin, dont le secrétaire général de parti a dit : « tous ceux qui s’opposent à lui vont au cimetière ». Oui, c’est bien de lui qu’il s’agit : Alassane Ouattara.
Au-delà des propos dithyrambiques amplifiés par les flagorneurs de la république ouattarienne, l’homme n’a en réalité, jamais abandonné son projet de faire payer tous ceux (Laurent Gbagbo en tête) qui se sont mis ou qui se mettront en travers de son chemin, dans son ambition effrénée d’accéder et de se maintenir au pouvoir. Car on ne construit pas une vraie nation, c’est-à-dire une nation moderne avec des citoyens expropriés de leurs biens par une milice de Dozos, avec des prisons encore bourrées de personnes torturées qui n’ont – en fait – rien y à faire. On ne fonde pas une nation avec des chefs de guerre qui font la pluie et le beau temps en instaurant une insécurité ambiante, le tout sur fond d’impunité et de corruption généralisées. Un véritable chef d’Etat ne peut tolérer ces choses. A moins qu’elles ne fassent partie d’un plan volontairement et savamment orchestré pour empêcher toute contestation et le maintenir au pouvoir. Telle est la réalité en Côte d’Ivoire. Tel est l’objectif réel d’Alassane Ouattara et de son camp. Le reste n’est que pure distraction.
Lorsque les gens du peuple constatent que leurs bourreaux d’hier, ces tortionnaires qui ont mis la mère patrie à feu et à sang pour se hisser au pouvoir, se mettent subitement à camper un rôle qui n’a jamais été le leur, et que ces derniers adoptent un langage qu’ils n’ont jamais tenu auparavant, les gens du peuples ne peuvent que redoubler de vigilance et, encore mieux, refuser de se laisser entrainer dans, ce qui s’avère être en effet, une aventure sans lendemain.
Le régime en place dit appeler au retour des exilés. Il initie même des rencontres avec l’opposition, notamment le FPI, le tout, dit-il, au nom de la décrispation et de la réconciliation. Mais pouvait-il en être autrement, à quelques mois du crucial scrutin de 2015 ?
Ce que Alassane Ouattara et son camp ont fini par comprendre, avec le temps, bien au-delà des actions des résistants ivoiriens et africains et des diverses pressions diplomatiques, c’est que sans le FPI, sans une opposition significative, ils ne sont rien du tout. Au sortir de ces élections de 2015 – si bien entendu, elles ont lieu – ils n’auront – en fait – ni légitimité, ni crédibilité. Déjà RFI (radio France Internationale), tire la sonnette d’alarme. Dans un papier titré: «Côte d’Ivoire : près de 1300 militaires de retour d’exil », on peut lire : « Il parait difficile de rendre crédible un scrutin en l’absence d’une opposition ». Mais ce que la radio française ne veut pas dire, c’est que cette opposition, n’est ni plus, ni moins le FPI, le parti de Laurent Gbagbo. Du coup et dans le même veine, RFI se demande aussi : « le FPI, pourra-t-il faire le deuil de son fondateur Laurent Gbagbo, emprisonné à La Haye ? ».
Pour ceux qui n’auraient pas compris le sens de cette question, la voilà ainsi reformulée : quelle FPI au scrutin de 2015 sans son principal « impulseur » Laurent Gbagbo ?
Ce serait en tout cas, un FPI considérablement diminué, fragilisé et vidé de ce qui faisait sa substance, dénué de sa véritable force de frappe et ayant perdu son repère.
C’est pour avoir très tôt compris cela qu’Alassane Ouattara et son ami Nicolas Sarkozy, alors président de la France, se sont empressés de déporter Laurent Gbagbo à la CPI aussitôt après l’avoir kidnappé. Et, c’est toujours dans cette même optique qu’aujourd’hui, le régime en place coure ça et là pour pousser le FPI aux élections, tout en sachant bien que des questions de fond restent en suspens.
Pousser le FPI à « abandonner » Laurent Gbagbo, pousser les ivoiriens, les gens du peuple à « ignorer » Laurent Gbagbo, c’est les amener à abdiquer, à abandonner l’inspirateur, le symbole de la lutte donc, la lutte elle-même. C’est renoncer à la résistance contre les forces occultes en quête de matières premières minières, minéralières et énergétiques, et qui, pour ce faire, ne reculent devant rien pour assujettir l’Afrique et les africains. Et cela, les gens du peuple, par leur clairvoyance, l’ont déjà compris. C’est pourquoi, ils resteront toujours debout.
Marc Micaèl
Chroniqueur politique
marcmicael@yahoo.fr