Selon le fameux Chris Yapi, qui critique tous les acteurs politiques ivoiriens sauf un, Hamed Bakayoko a débarqué à Paris le 18 février 2021 parce qu’il aurait été victime d’un poison israélien qui laisserait peu de chances aux personnes à qui il est administré. Cette affaire, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, soulève au moins trois questions. Premièrement : Comment un régime peut-il constamment se vanter d’avoir fait mieux que tous ses prédécesseurs en matière de construction d’infrastructures et évacuer en France les personnes qui travaillent pour lui quand celles-ci sont malades ? De deux choses, l’une : ou bien on nous a menti en déclarant que Dramane Ouattara a réalisé plus de choses que Bédié, Gueï et Gbagbo réunis, ou bien le régime Ouattara a construit des hôpitaux de pacotille dans lesquels lui-même n’a aucune confiance. Deuxièmement, n’est-il pas à la fois indigne et honteux que nos chefs d’État, ministres et députés prennent la direction de l’Hexagone pour leurs soins, 60 ans après que Charles de Gaulle nous eut octroyé un semblant d’indépendance ? Ignorent-ils que les hommes politiques français ne se rendent pas en Allemagne, en Italie, au Canada ou aux États-Unis quand ils ont des ennuis de santé ? Troisième et dernière question : N’est-il pas indécent de se soigner avec l’argent du contribuable francais à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine après avoir fait venir Coco Emilia alias Biscuit de Mer du Cameroun en Côte d’Ivoire à bord d’un jet privé et après lui avoir donné 60 000 euros (environ 40 millions de F. CFA) ? Espérons que toutes ces nègreries, qui font de nous la risée du monde entier, finiront un jour. En attendant, chacun de nous peut se souvenir que Laurent Gbagbo avait prophétisé il y a quelques années en ces termes : “Vous me combattez pour quelqu’un que vous ne connaissez pas véritablement. Vous allez me regretter un jour. Vous êtes sur le mauvais chemin. Les plus chanceux d’entre vous seront jetés en prison et les plus malchanceux seront tués ou en exil.”
Le Temps est-il en train de donner raison à l’ancien président dont nul ne contestera le fait qu’il sema le bien mais ne récolta que le mal, la trahison et la méchanceté ? Certains de ceux qui voulaient devenir vite riches et puissants dans notre pays et qui, pour cela, ne se gênèrent point pour travailler avec un régime responsable de nombreux crimes contre l’humanité, où sont-ils aujourd’hui ? Et qui peut jurer que d’autres ne subiront pas le même sort ?
Comme je n’ai pas envie d’être hypocrite, je ne prierai pas pour la guérison d’un individu qui a choisi d’accompagner un imposteur qui, en plus d’avoir fait trop de mal à la Côte d’Ivoire avec le soutien de la classe politique française, aurait pour objectif à long terme d’exproprier les Ivoiriens et de les remplacer par des gens venus d’ailleurs. Mon seul souhait est que Bakayoko, présenté en juin 2020 par le site canadien ‘Vice Media’ comme un “gros trafiquant de cocaïne”, prenne conscience, avant de quitter ce monde, que les honneurs, titres et richesses sont éphémères et que le mal fait à l’innocent ne reste jamais impuni.
Qu’est-ce qu’être hypocrite ? D’après le dictionnaire ‘Larousse’, c’est “dissimuler ses intentions véritables, affecter des sentiments, des opinions, des vertus qu’on n’a pas, pour se présenter sous un jour favorable et inspirer confiance”. Pharisaïsme, duplicité, fourberie sont quelques synonymes du mot “hypocrisie”. Un bon hypocrite excelle dans l’art de tromper comme Tartuffe dans la comédie de Molière. Un auteur anonyme ajoute que les hypocrites sont “les plus dangereux de tous les méchants parce qu’ils ont l’air bon et que l’on ne se méfie pas d’eux”. Ils sont dangereux parce qu’ils sont capables en même temps de manger avec le loup et de pleurer avec le berger dont l’une des brebis a été tuée par le loup.
Je trouve certains Ivoiriens hypocrites. J’ai même l’impression que l’hypocrisie est leur marque de fabrique. Pourquoi ? Parce que j’ai du mal à comprendre qu’après avoir été bouleversés par la mort dans des conditions troubles de Désiré Tagro, Bohoun Bouabré, Diagou Gomont, Mahan Gahé, Abouo Ndori, Marcel Gossio, Ben Soumahoro, Séri Bailly et autres, ils nous demandent aujourd’hui de prier pour Bakayoko, membre actif d’un régime qui sème la mort et la désolation dans notre pays depuis septembre 2002, sous prétexte que ce dernier serait un fils de la Côte d’Ivoire et sous prétexte que l’amour des ennemis serait une vertu chrétienne. À ces hypocrites opportunistes, je voudrais juste poser quelques questions : Peut-on demander aux descendants des victimes de la Shoah de prier pour Heinrich Himmler, l’un des plus hauts dignitaires du Troisième Reich et le maître absolu de la SS ? Le Christ recommande-t-il d’affamer, de tuer, d’empoisonner, d’exiler ou d’emprisonner celui avec qui on n’est pas d’accord ? Lui-même n’avait-il pas violemment attaqué les hypocrites de son temps ? Les pasteurs, prêtres, évêques et papes censés parler au nom de ce Christ ont-ils protesté une fois contre les responsables des morts atroces et prématurées que notre pays a enregistrées entre 2002 et 2021 ? Les hypocrites ne peuvent-ils pas prier tout seuls ? Peut-on avoir de la compassion et pour la victime et pour le bourreau ? Le Christ, qui jamais ne fit l’éloge de l’hypocrisie, serait d’accord avec cette phrase de Romaric Sadibeu : “Il vaut mieux accepter la sincérité du piment que l’hypocrisie du sucre.”
J’ai toujours pensé et je voudrais répéter ici que, si les Ivoiriens doivent se réconcilier, cela ne pourra se faire ni dans le faux ni dans le mensonge mais dans la vérité et la justice.
Jean-Claude DJEREKE