Le coq, le bouc, le cheval et le boeuf refusèrent de s’impliquer dans une bagarre qui opposait le lézard et la souris. « Cela ne me concerne pas !’’, disait chacun d’eux. Dans leur lutte, les deux protagonistes décrochèrent une cruche qui assomma un vieillard endormi dans sa case. Le coq, le boeuf, le bouc et le cheval payèrent chacun de leur vie quand vinrent les funérailles du vieillard.
Morale de l’histoire : « Celui qui n’est pas prêt à dénoncer et à combattre l’injustice et la méchanceté dont est victime autrui ne sera jamais capable de se battre s’il venait à être victime des mêmes maux ». Pire, « …on finit toujours par souffrir du malheur des autres », comme disait le philosophe, historien et fabuliste Larle Naba Abga.
On me dira que cela n’est qu’une théorie moraliste et n’a rien à voir avec la situation cruelle que nos populations vivant à l’intérieur du pays. Mais en réalité, c’est comme cela que le débat politique au Togo a été orienté. On a toujours pensé que c’est le « sudiste » qui ne veut pas du régime Eyadema, parce que c’est l’homme « d’Ablodé » et qu’il mérite d’être réprimé, chassé et exterminé si possible. Cela par ignorance des uns et par désir de monopole du pouvoir des autres.
Mais aujourd’hui et au nord du Togo, c’est nous les réprimés, les plus que réprimés.
Nandouta est un canton de la préfecture de Dankpen au nord du Togo. Depuis les législatives de 2007, le commandant Dadja Manganawe et Ibrahima Mémounatou ont redoublé de zèle pour contenir l’éveil de conscience de ses populations. Le pire arriva après les présidentielles de 2010. D’ abord c’était l’école primaire publique de Kloukpon, un village dudit canton, qui a été fermée par le préfet Manganawe. Explication donnée aux villageois venus s’en plaindre : « allez donc voir Kofi Yamgnane et Targone Wakin », du nom de ce professeur de lycée, candidat d’opposition aux législatives de 2007. Sous la pression médiatique et des dénonciations menées par Kofi Yamgnane, l’école sera ré ouverte un mois plus tard.
Mais Madame la Ministre et M. le Préfet ne s’en tiendront pas là. Ils décident également d’arrêter un chantier de construction du CEG de Nandouta dont la construction avait été leur promesse électorale pour séduire les électeurs. Estimant que le contrat n’avait pas été respecté par les populations, il fallait les punir. Le raisonnement est simple : le RPT ne peut construire des écoles pour les opposants ! Toutes les démarches des parentes d’élèves auprès du puissant préfet et de la servile ministre n’ont abouti à rien. Les 50 tables bancs destinées à la dite école, retenus à la préfecture, ont pourri sur place, abandonnés au soleil et à la pluie. Voilà le décor! Le commandant Manganawe est habitué à montrer ses muscles en exhibant en toutes circonstances l’arsenal militaire payé avec l’argent du contribuable togolais pour mater celui-ci. Stupéfaites, les populations se demandent aujourd’hui si toutes les écoles sont fermées partout où il y a opposition…
Madame la ministre, est-ce en privant d’école leurs enfants que vous remerciez les populations qui vous ont accueillie, intégrée chez elles et acceptée comme leur propre fille ?
Comme disait un journaliste français devant la dépouille mortelle du président Tito : « Tito est aujourd’hui allongé, mais toujours non aligné ».
Les populations de Nandouta n’ont pas de CEG. La répression sous toutes ces formes s’abat sur elles. Mais leurs convictions et leur engagement politique s’approfondissent, car ce n’est pas la médiocrité caractérisée du RPT et de ses affidés qui les fera changer. Elles ne changeront pas! Comme Tito, elles ne s’aligneront jamais !
Derrick Tamandja