Un attentat commis dans la station balnéaire Grand-Bassam, dimanche 13 mars, a fait seize morts civils et trois parmi les membres des forces de police ivoiriennes. Quatre des victimes sont de nationalité française, la station au bord de la mer étant prisée par des « expatriés » français et par des habitantEs de la métropole économique Abidjan qui est très proche.
Coopération militaire renforcée
Mardi 15 mars, deux ministres français, de l’Intérieur (Bernard Cazeneuve) et des Affaires étrangères (Jean-Marc Ayrault) se sont rendus sur place. Ils ne se sont guère attardés dans le pays, arrivant à Abidjan en fin de matinée et repartant de Grand-Bassam avant 18 heures, juste le temps de rencontrer le président Alassane Ouattara dans son palais, de s’adresser à la « communauté française » installée dans le pays, et de délivrer un message qui tient en trois mots : « Compassion, confiance et coopération »…
Concernant les officiels français, c’est surtout le volet de « coopération » qui a été mis en avant au retour des deux ministres : une coopération militaire renforcée – elle existe déjà avec la Côte d’Ivoire et plusieurs des pays voisins, au niveau des armées et des gouvernements –, qui devait d’abord prendre la forme de l’envoi d’un contingent du GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale). Selon une première annonce, ces éléments du corps d’élite de la gendarmerie française devaient être déployés à Ouagadougou, la capitale du pays voisin Burkina Faso. C’est à partir de là qu’ils devaient pouvoir intervenir directement sur des théâtres d’opération ou d’attentats, à l’échelle de la région qui englobe plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
Accident de communication…
Curieusement, au Burkina Faso, même les plus hautes autorités de l’État ne semblaient cependant pas en être informées. Ainsi le Monde du 17 mars cite une source au palais présidentiel burkinabé : « Nous ne sommes pas au courant, nous avons appris cela dans la presse »… Et le quotidien d’ajouter : « Même réaction du côté du ministère de l’Intérieur et de la gendarmerie » du Burkina Faso.
Dans la société civile locale, cette annonce – ou cet accident de communication – a renforcé les oppositions à la présence militaire française, opposition qui existe de longue date. Environ 200 militaires français sont présents en permanence au Burkina. Mais il aura fallu attendre la chute de l’ancien autocrate Blaise Compaoré (au pouvoir de 1987 à 2014, actuellement exilé en Côte d’Ivoire sous la protection d’Alassane Ouattara dont il avait aidé la prise de pouvoir) pour apprendre officiellement que le COS, le Commandement des opérations spéciales, y est présent.
Une troupe d’élite de l’armée française…
Jusqu’ici, c’est surtout le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) qui s’opposait à la présence de l’armée française dans la région. Aujourd’hui son opposition est visiblement partagée par d’autres forces de la société civile burkinabé. Même les autorités semblent réticentes. Du côté des officiels français, on a d’ailleurs relativisé l’annonce. Dorénavant, il n’est plus question que de l’envoi d’un ou deux représentants du GIGN au titre de « conseiller » ou formateur des forces armées locales.
Dénoncer la présence française
De son côté, le groupe djihadiste AQMI (Al-Qaïda au pays du Maghreb islamique ), qui a revendiqué l’attentat de Côte d’Ivoire, a prétendu avoir agi en riposte à l’opération française au Sahel. Autrement dit, aux activités de la troupe « Barkhane » forte de plus de 3 000 hommes et déployée entre autres au Tchad et au nord du Mali.
Cela ne fait pas des djihadistes d’AQMI des résistants et des libérateurs potentiels : leur projet de société, auquel la société du Nord-Mali fut soumise de force pendant plusieurs mois en 2012, est bel et bien ultraréactionnaire. Toujours est-il que leur combat et leur idéologie se nourrit de l’idée qu’ils seraient « ceux qui combattent les croisés et les nouveaux colonisateurs ». Toujours est-il, aussi, que les populations civiles (qui n’ont majoritairement aucune sympathie pour les djihadistes) ne sont guère rassurées par la perspective d’une augmentation de la présence militaire française. AQMI a annoncé qu’elle continuera à frapper « les croisés » mais aussi « tous les pays impliqués et qui participent à l’alliance avec la France »…
En dehors de la présence de troupes d’élite au Burkina Faso, la France est aussi militairement présente en Côte d’Ivoire. Environ 600 militaires sont aujourd’hui présents sur quatre bases, autour d’Abidjan. Dans les années 2000, l’armée française était à plusieurs reprises intervenue dans les conflits qui secouaient alors ce pays, première force économique de l’Afrique de l’Ouest. Elle avait tué plus de 60 manifestants ivoiriens à Abidjan en novembre 2004. Au moment du dénouement de la lutte de pouvoir entre l’ancien président, Laurent Gbagbo, et l’actuel, Alassane Ouattara, ce sont des troupes françaises qui ont capturé Gbagbo à l’intérieur de la résidence présidentielle le 11 avril 2011…
Sans rien justifier des actes ni de l’idéologie des djihadistes, notre tâche ici reste bien évidemment la dénonciation de cette présence impérialiste continue.
Bertold du Ryon
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