Envoi des cargaisons d’armes aux « rebelles » syriens par la CIA

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Le New York Times a indiqué jeudi que des agents de la CIA ont été déployés en Turquie pour organiser l’armement des prétendus rebelles syriens qui cherchent à faire tomber le gouvernement de Bashar el-Assad.

Ce reportage, qui citait des informations données par des responsables américains de haut rang ainsi que par des officiers du renseignement de pays arabes, affirme que les agents de la CIA organisent une opération de contrebande massive par laquelle « des armes automatiques, des roquettes, des munitions et certaines armes anti-chars sont expédiées principalement en passant par la frontière turque grâce à un réseau d’intermédiaires aux contours assez flous, mais comprenant les Frères musulmans syriens, et financé par le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie. »

La veille de la publication de l’article du Times, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Victoria Nuland, avait réaffirmé la ligne officielle du gouvernement d’Obama : « Nous avons dit à plusieurs reprises que nous ne sommes pas impliqués dans l’armement en Syrie. » Puis elle a dit que l’ambassadeur syrien aux Nations unies, Bashar al-Jaafari, « était dans l’erreur » lorsqu’il a accusé les grandes puissances étrangères de soutenir « des groupes terroristes armés » dans son pays et d’essayer de faire dégénérer la crise syrienne jusqu’à « l’explosion » pour réaliser un « changement de régime. »

L’article du Times ne fait que confirmer de précédents articles de presse et apporte des détails supplémentaires qui contribuent à révéler au grand jour cette opération, à peine cachée, visant à fomenter et armer une guerre civile sectaire en Syrie.

Le mois dernier, le Washington Post faisait savoir que les prétendus rebelles avaient « commencé à recevoir bien plus d’armes, et de meilleure qualité, ces dernières semaines, un effort financé par les nations du golfe Persique et coordonné par les États-Unis. » Le Post, dans son article du 16 mai, déclarait également que des agents américains avaient « développé les contacts avec les forces de l’opposition pour fournir aux pays du Golfe une évaluation de la crédibilité des rebelles et de leurs infrastructures de commandement. »

Et la semaine dernière, le Wall Street Journal indiquait que « l’Agence de renseignements centraux [CIA] et le ministère des Affaires étrangères – en collaboration avec l’Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar et d’autres alliés – aident l’Armée syrienne libre d’opposition à développer des voies logistiques pour faire entrer du ravitaillement en Syrie et lui donner une formation aux moyens de communication. »

Le résultat de cette opération a été une intensification très nette de la violence armée en Syrie, avec un pic du nombre de soldats syriens tués et blessés ainsi qu’une prolifération des attentats terroristes.

Les déclarations du gouvernement d’Obama selon lesquelles il n’arme pas les milices syriennes pour faire tomber le gouvernement d’Assad ont été entièrement démenties. Ses affirmations s’appuient sur la fiction qui voudrait que l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, se chargent seuls de l’armement pendant que les agents de la CIA ne feraient que « surveiller » les rebelles syriens pour s’assurer que les armes ne tombent pas entre de mauvaises mains. Aucun de ces pays ne mènerait ce genre d’opération sans l’accord de Washington.

L’article du Times cite un responsable américain de haut rang, dont le nom n’est pas cité, qui aurait affirmé que la CIA travaille à la frontière turco-syrienne « pour aider à s’assurer que les armes ne tombent pas entre les mains de combattants alliés à Al Quaida ou à d’autres groupes terroristes. »

De telles affirmations sont absurdes. La réalité c’est que l’opération montée par la CIA contre la Syrie ressemble à s’y méprendre à celle qu’elle avait menée dans les années 1980 le long de la frontière pakistano-afghane, lorsque l’Arabie saoudite avait également fourni l’essentiel des fonds pour acheter des armes et qu’Al Quaida était née comme un allié et un instrument, de la politique impérialiste américaine.

Il y a des preuves de plus en plus nettes que les éléments islamistes en Syrie et dans les pays arabes alentours sont la colonne vertébrale de la rébellion soutenue par les impérialistes et qui veut un changement de régime en Syrie. L’Associated Press a publié un long reportage jeudi sur des jihadistes tunisiens accourant vers la Syrie. Il indique que des prêtres fondamentalistes islamistes incitent les jeunes à s’embarquer pour la Syrie pour faire tomber le régime « infidèle ».

D’après un reportage plus ancien publié dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, « Au moins 3000 combattants » libyens sont entrés en Syrie, la plupart par la Turquie. D’autres forces semblables ont franchi la frontière depuis l’Irak pour mener une lutte sectaire de la même veine que celle qui a entraîné un bain de sang entre sunnites et chiites dans ce pays sous l’occupation américaine.

La conséquence, comme le rapporte l’AP, est que « les attentats suicides du style Al Quaida sont devenus de plus en plus courants en Syrie, et les responsables occidentaux disent qu’il ne fait pas de doute que des extrémistes islamistes, certains associés aux réseaux terroristes, ont fait des incursions en Syrie avec le développement de l’instabilité. »

D’un côté, Washington et ses serviteurs dans la région – l’Arabie Saoudite, le Qatar la Turquie – dispensent avec largesse les armes et les financements aux prétendus rebelles, alors que de l’autre, les grandes puissances cherchent à mettre le régime syrien en quarantaine et à épuiser ses ressources par des sanctions de plus en plus sévères et la pression internationale.

Tout en déversant secrètement des armes dans le pays, les responsables américains ont dénoncé la Russie parce qu’elle maintient des liens avec la Syrie, dernier allié de Moscou au Moyen-Orient et site de sa seule base navale en Méditerranée à Tartous. La ministre des Affaires étrangères Hillary Clinton a déchaîné une campagne de propagande contre Moscou, l’accusant à tort de fournir de nouveaux hélicoptères d’attaque russes à la Syrie.

La Russie a répondu qu’il n’y a pas de nouveaux hélicoptères, mais qu’elle envoie en fait d’anciens appareils que la Syrie avait achetés il y a des dizaines d’années et qui étaient en Russie pour réparations. Le navire qui transportait les hélicoptères rénovés, le MV-Alaed immatriculé à Curaçao, a été contraint de faire demi-tour vers le port russe de Mourmansk jeudi après que le gouvernement britannique a forcé une compagnie d’assurance installée à Londres à résilier son contrat sur celui-ci. Les médias ont relaté que le gouvernement britannique avait envisagé d’utiliser la force armée pour aborder ce navire.

Le ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov a dénoncé la manœuvre britannique comme une tentative d’imposer des sanctions unilatéralement contre d’autres pays. « Les sanctions de l’UE ne sont pas du droit international, » a-t-il dit, jurant que la cargaison sera transbordée sur un navire sous pavillon russe et renvoyée vers la Syrie.

« C’est une pente très dangereuse, » a déclaré Lavrov à la chaîne de télévision Russia Today. « Cela veut dire que n’importe qui – n’importe quel pays ou n’importe quelle entreprise – peut, sans avoir violé aucune norme internationale, sans avoir violé aucune résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, être soumis à l’application extraterritoriale de sanctions unilatéralement décidées par quelqu’un d’autre. »

Ce qui était peut-être plus inquiétant pour la Grande-Bretagne et les autres grandes puissances, c’est que le navire contraint de faire demi-tour avait dans sa cargaison, en plus des hélicoptères datant de l’ère soviétique, ce qui a été décrit comme étant un nouveau système perfectionné de défense antiaérienne. Un tel système pourrait se révéler un obstacle à une tentative des États-Unis et de l’OTAN de rééditer le genre de campagne de bombardement utilisé pour renverser Mouammar Kadhafi.

Bill Van Auken

 

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