L’année 2015 verra-t-elle l’amorce d’une sortie des crises…
Bientôt, une imitation burlesque d’élection au Togo. Encore une. Sous une constitution exclusive, personnalisée , décriée par 85 % de la population. Les réformes, vues par tous comme ferments de la réconciliation nationale, sont battues en brèche. A coups de dilatoires. Parfois de crosses de gendarmes. Ainsi se comporte, tel un souverain absolu, Faure Gnassingbé chez qui la palme des offenses au peuple a atteint des proportions inégalées. L’homme a pris goût au pouvoir, celui qu’il a volé une nuit de 2005.Il en est même devenu ivre. Dans ses manœuvres pour le conserver, il a fini par devenir ce prince qui a la fascination pour les larmes et le sang de ses sujets. L’Etat, lui, grince à rompre – naturellement – et cherche son sauveur. Le Togo verra t-il, en 2015, son messie?
Très peu réjouissante est la situation du président qui se gausse de tout et de tous, qui tourne casaque sur tous les dossiers, même ceux qui protègent son propre futur, prétextant cyniquement, à chaque fois, à l’aide d’arguments fallacieux, l’absence d’un feu vert de son opposition. Plus qu’un paradoxe, une honte! Définitivement, le RPT/UNIR, son parti, finira par être classé au patrimoine mondial dans l’art des dilatoires de mauvais goût. Inutile de revenir sur le passé immédiat de notre pays pour en faire la démonstration. Ce passé a suffisamment tourmenté le quotidien de ses compatriotes, empoisonné leurs jours et leurs nuits. Le décompte et le décryptage des rares heurs et nombreux malheurs des Togolais, répercutés dans la perspective de la présidentielle, suffisent largement pour les faire déprimer mortellement et les pousser à vouloir mettre définitivement fin, cette année même, à l’ère du RPT/UNIR. Le parti qui a fini de déshonorer notre pays. Beaucoup ont forcément mis une grande croix sur 2014, l’année qui a vu dérouler, comme les précédentes, les démons de la haine et du mépris total des gouvernants pour le peuple qu’ils dirigent.
L’année 2015 verra-t-elle l’amorce d’une sortie des crises, celles qui couvrent de honte la patrie, qui livrent le Togo à des monstres agissant comme s’ils sont sortis de la préhistoire, qui maintiennent la République dans le carcan de l’injustice et qui paralysent toutes les institutions du seul pays de la région voire dans le monde où, avant de procéder à des réformes pour le futur, des députés de la majorité déploient toute sorte de subterfuges, dans le but de s’assurer que la date d’application de la loi, une fois votée, correspond à celle qui favorise le maintien de leur champion à qui ils vouent de sordides allégeances grégaires.
Difficile, au vu de tout ce qui se passe chez nous, de croire que la baguette magique, celle que lorgnent tous les pays en difficulté, entrera en action dès cette nouvelle année et balayera d’un coup les souffrances accumulées au fil de longues années de dictatures, de dépravation morale et des règles élémentaires de bienséance. Mais il est des indications, des indices de plus en plus probants qui permettent d’espérer un début de retour à la raison, à une remise très prochaine des pendules à l’heure. Quand on est au fond du gouffre, il est évident qu’il n’y a d’autre choix que d’en sortir, même si l’escalade doit prendre beaucoup de temps, être accompagnée de nouvelles chutes et de beaucoup de meurtrissures. Au bout du chemin, il y a, inévitablement, une prise de conscience collective, celle qui ne peut se constituer que sur fond de grandes destructions morales et de malheurs accumulés.
Il va sans dire que tout le branle-bas politique auquel on assiste va s’intensifier en corrélation avec l’évolution de l’environnement sous régional et d’une Coalition internationale forte contre les fastidieuses présidences à vie dont le continent détient le triste record. Compte tenu de son passé, le président Faure Gnassingbé sera tenu, de gré ou de force, après les gros yeux qu’il s’est évertué à faire au people, sans succès, lors de son discours de fin d’année,de négocier avec son opposition s’il veut obtenir l’agrément de se remettre en selle pour « une transition pouvant lui permettre de sauver l’honneur ». Parce qu’il se sait trop impopulaire pour gagner normalement une élection. Sa peur des réformes, son irritation face à l’éventualité d’une élection à deux tours, sont symptômatiques de cette impopularité hors norme.
Ses souhaits, au cas où il fait preuve de courage et d’humilité de les exprimer clairement, seront-ils exaucés dans le cadre des grandes manœuvres qui nécessairement vont devoir se mettre en branle ou, au contraire, en fera- t-il les frais ? Une interrogation qui renvoie à une autre question : le RPT/UNIR mettra-t-il, à temps, un bémol à ses ambitions démesurées, cause principale de ses offenses répétées faites à notre peuple, compliquant la situation déjà précaire du clan, dans un Togo majoritairement opposé au mandat présidentiel sans limite? Et là, une troisième interrogation s’impose : le Togo va-t-il un jour réussir enfin à se réconcilier avec lui-même, à mettre un terme définitif à ses interminables crises politiques qui sont devenues une damnation, et qui n’arrêtent pas d’altérer son image, de fertiliser un chaos rampant?
Bien lourd est le fardeau que 2014 lègue à 2015. Empoisonné est le témoin que les douze derniers mois ont passé à l’année naissante. Mais le constat même de l’impasse générale qui détruit le Togo ne peut qu’induire, à terme, un sursaut populaire salvateur. Celui-là même que les grandes puissances ont intérêt aujourd’hui à encourager en prenant soin de faire comprendre aux fous du pouvoir qu’en toute chose, dans la vie courante comme sur une scène politique, il faut soigner sa sortie. Ceci m’amène à conclure avec une belle sortie riche en sagesse qu’un compatriote de France, Komlan Jonas Siliadin, a déroulée lors de son récent passage à Parcours sur Fmliberte. L’ancien militant du RPT a dit :
« … Face à la situation actuelle de notre pays, le président Faure a le choix entre deux voies : prendre le risque de s’éterniser au pouvoir et entrer dans le club des dictateurs qui infligent à leurs pays les pires humiliations qui finissent par les emporter dans un dénouement avilissant ; soit savoir gré à Dieu d’avoir passé 10 années à la tête du pays, et permettre au Togo d’entrer dans une démocratie apaisée et irréversible, en engageant sans tarder les réformes nécessaires. Je l’encourage à choisir la voie du courage politique, la voie de la sagesse, la voie de la noblesse. En politique, comme au théâtre, il faut soigner sa sortie de scène » …
Chronique de Kodjo Epou