Pour gagner des législatives, les partis, comme les candidats surtout, doivent connaître seulement trois (3) lettres :
P comme Présence ;
H comme Humilité ;
P comme Participation.
« Si vous croyez que nous allons voter pour vous parce que, vous venez, avec vos gros ventres et vos grosses voitures, une fois tous les cinq ans, pour quémander nos voix, c’est que vous êtes encore plus bêtes que nous ne le croyions ! »…
C’est une femme de 62 ans qui parlait ainsi, à GNILE (préfecture d’Amou), lors du dernier sondage que l’Agence « I and I » a effectué récemment, dans les cinq régions économiques du Togo. En marge de l’enquête, les sondés ont détaillé, sans surprise, leurs préoccupations, et les conditions à réunir par un candidat, pour être élu Député dans leurs régions.
1) La première condition est : La présence (P)
Un député est élu du peuple, mais avant tout, un élu local. Les populations de la région doivent sentir la présence (P) de celui qui veut être élu pour parler en leur nom. Pas un énergumène au « gros ventre », qui est venu une fois, il y a cinq ans, et qui arrive encore aujourd’hui, avec son « gros ventre », pour les solliciter encore ! « Encore une fois, il retournera bredouille, avec son gros ventre », a laissé tomber la femme paysanne de 62 ans. Pendant les cinq ans qu’a duré la magistrature, il y a beaucoup de choses qui se sont passées dans la circonscription électorale : les décès, les maladies, les mariages, les naissances, les rentrées de classe, la baisse des prix des produits d’exportation, la hausse des prix des produits pétroliers (le pétrole lampant notamment) et des produits manufacturés etc… Et Mme ou Mr l’aspirant député était invisible !
« … Le voilà qui se présente devant nous aujourd’hui, pour que nous votons pour lui, pour qu’il vienne nous montrer, dans cinq ans, un ventre plus gros qu’aujourd’hui ! »…
Comme on le voit, le jugement est implacable ! Les électeurs et électrices veulent une présence (P) et même un double P : Présence permanente (Pp). L’élu doit venir prendre les avis des électeurs et des électrices régulièrement, « tous les deux ou trois mois », toujours selon cette femme, paysanne sondée. Sinon, pas de mandat ! Avis aux candidats des prochaines législatives !
2) La deuxième condition : l’Humilité (H)
Cet électeur vote depuis 1958 ! Il a 92 ans aujourd’hui ! Né en 1920, il a accompli son premier devoir civique à 38 ans !
« Dès qu’il a fini de parler, je suis capable de le classer parmi les salopards ou parmi les hommes sur qui on peut fonder des espoirs »
C’est cet homme-là qui parle. Il connaît les élections et les candidats aux diverses élections. Pour lui, les homes politiques d’aujourd’hui n’ont pas la carrure des Syvanus Olympio, Nicolas Grunitzky, Fousseni Mama, Anani Santos… Il estime que les politiciens Togolais d’aujourd’hui manquent d’humilité. Ils se croient supérieurs aux masses paysannes et au commun des togolais. Ils ne respectent personne, ni ceux qui sont plus âgés qu’eux, ni l’autorité politique, ni l’autorité religieuse, ni l’autorité traditionnelle…
« Avec ça, on ne peut qu’échouer ! », a conclu, d’un ton docte, ce vieillard, qui pense qu’il n’y a qu’une seule intelligence, et qu’elle n’est pas livresque …
L’Humilité est une qualité que doit posséder un homme politique. En suivant les débats entre OBAMA et ROMNEY, en suivant leurs tournées, meetings, réunions publiques, on mesure le fossé qui sépare nos hommes politiques de ces deux candidats à la présidentielle américaine. Il est vrai qu’on ne peut comparer que deux choses comparables. Au Togo, n’importe qui crée un parti, se présente aux législatives ou à la présidentielle, et croit qu’il peut être élu « cadeau », même sans avoir jamais travaillé dans sa vie ! D’autres créent des associations bidons et leur donnent des noms mythiques comme MANDELA ou Martin Luther King, sans se rendre compte de l’ineptie de ces entreprises !
L’humilité c’est aussi, et surtout le sentiment de sa propre insuffisance, c’est la modestie. S’effacer devant quelqu’un par humilité, jamais nos hommes politiques ne le feront. Je proposerai, en 2015, si Dieu nous prête vie, que tous les candidats de l’opposition passent par des élections primaires, pour que cette opposition désigne un bon candidat unique, face à Faure GNASSIGBE ou tout autre candidat de l’UNIR. Je parie que beaucoup refuseront ce que tous les candidats américains à la présidence acceptent comme une évidence…
3- La Participation (P), 3ème condition
Participer à la vie socio-économique de sa circonscription électorale est vital pour un élu ou un candidat aux législatives au Togo. Ceci est lié à la sociologie même de notre milieu. Vous ne pouvez pas solliciter le vote d’une population, dans un pays sous développé, sans participer, un tant soit peu, à la vie socio-économique de vos concitoyens, surtout, pour ceux qui ont été déjà élus une fois. La misère est grande, les besoins et les espérances sont immenses, et l’entraide et la solidarité sont ancrées dans nos mœurs depuis des millénaires. Beaucoup de candidats ou d’élus l’ont compris, depuis belle lurette, et se battent avec des ONG, des Associations ou des partenaires au développement, pour soulager la misère dans leur circonscription électorale. Ce n’est pas le député APOUDJAK Maria Larba qui me démentira, elle qui vient encore d’offrir trois salles de classes équipées de tables-bans, un forage d’eau potable, dix mille cahiers etc.… aux élèves de sa circonscription électorale, à Tchamba. Ce n’est pas le Consul SOSSOU, un mécène hors pair, connu dans tout l’Est et Moyen Mono, qui me démentira. Ce n’est pas le député ADODE Koffi Santy, qui offre des kits scolaires à 103 orphelins et démunis de BADOU (Wawa) qui me démentira …
Nous donnons ces trois exemples de participation active de candidats ou d’élus, parmi tant d’autres, pour montrer l’impact de cette participation sur les résultats électoraux au Togo. Ces dons ne disent peut-être rien aux familles riches, mais font énormément de bien aux pauvres ; et comme il y a mille fois plus de pauvres au Togo que de riches, cela compte énormément. Evidemment, il ne s’agit pas seulement de faire des dons, il faut bien vendre son programme ou le programme de son parti politique pour gagner les élections.
Mais il y a des esprits aigris qui vont accuser le pouvoir de financer en sous-main certaines participations, en les qualifiant « d’achat de conscience ». C’est là où les populations accusent l’opposition de les sous-estimer. Récemment, plusieurs dirigeants du CST et de l’ANC ont fait courir la nuit que le pouvoir aurait donné 2000F à chaque militant pour qu’ils fassent une marche pour l’UNIR.
« De quoi je me mêle ? Ils n’ont qu’à s’occuper de leurs propres marcheurs ! Si je marche et en plus, j’ai 2000F, tant mieux pour moi ! Et l’ANC qui dépense 1,5 millions chaque semaine pour sa marche du samedi ? S’ils étaient un peu intelligents, ils auraient pu économiser, en deux ans, 1,5 millions x 52 semaines x 2, ce qui fait déjà 156 millions ! En 2015, ils dépenseront plus de 350 millions pour des marches stupides, au lieu de garder cet argent pour les campagnes électorales… ». C’est « un coup de gueule » de Komi, un jeune de 23 ans, militant de l’UNIR, et c’est sans commentaires !
Pour gagner des élections, il faut de l’argent, beaucoup d’argent et l’argent, c’est le nerf de la guerre. Si un politicien togolais ne comprend pas cela, il n’a qu’à demander à OBAMA et ROMNEY combien leurs partis ont dépensé de millions de dollars, puis il n’a qu’à aller planter des cocotiers sur la plage de Lomé. Pour aller dans le même sens que ce jeune militant de l’UNIR, j’ai calculé que, lorsque 2000 femmes ont défilé récemment à Lomé, vêtues de rouge, cela avait coûté 12000F par tenue x 2000, ce qui fait 24 millions. Si Isabelle AMEGANVI avait un peu réfléchi, elle aurait économisé cet argent pour la campagne électorale des législatives ou de la présidentielle, au lieu d’organiser une stupide marche de femmes vêtues de rouge, qui n’a aucun impact positif dans le débat politiques togolais.
Le problème, ou le faux problème, c’est le débat puéril sur le nombre de députés ou le découpage électoral.
Que ces soit 81, 83, 91 ou 101 députés, cela n’a pas d’importance. L’important pour les partis, c’est de mettre en place des stratégies de la « gagne ». L’autre débat a trait au découpage électoral qui ne se base pas seulement sur la démographie, mais sur d’autres critères économiques, sociologiques, environnementaux. Prenons l’exemple de PARIS et de Lomé.
Paris abrite environ 7 (Sept) millions d’habitants (pour une population française de 60 millions environ) et compte 18 députés sur les 577 que compte le Parlement français. Si on devait ne faire parler que la démographie, PARIS seule devait avoir au moins 70 députés ! Lomé compte 1,3 millions d’habitants pour une population de 6,2 millions d’habitants. Or sur ces 1,3 millions d’habitants, 800.000 au moins proviennent des 4 autres régions du Togo, autre que la région Maritime ! Aux dernières législatives Lomé et la préfecture du Golfe avaient 7 députés…
Ce qui compte, c’est ce que les gouvernants veulent faire pour les populations, et non ce que les populations veulent faire pour les gouvernants. Nous ne sommes pas peut être encore sur la même longueur d’onde que John Kennedy, qui voudrait que les Américains se demandent ce qu’ils peuvent faire pour l’Amérique et non ce que l’Amérique peut faire pour eux … sous-développement et paupérisation obligent.
Dr IHOU Ancien Ministre de la Santé et de la Population, Consultant en géopolitique et stratégie sécuritaire.