La voie politique incontournable
De Villepin ne s’arrête pas là. Il poursuit en affirmant que la France va se battre «seule, faute de partenaire malien solide». « Eviction du président en mars et du Premier ministre en décembre, effondrement d’une armée malienne divisée, défaillance générale de l’Etat, sur qui nous appuierons-nous ?» se demande-t-il, avant de préciser encore que la France va se battre «dans le vide, faute d’appui régional solide». « La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest reste en arrière de la main et l’Algérie a marqué ses réticences», relève-t-il également pour donner la preuve que les conditions ne sont vraiment pas réunies pour mener à bien cette guerre. Pour lui, la voie politique reste l’unique issue à cette crise dans laquelle patauge le Mali depuis mars 2012. «Un processus politique est seul capable d’amener la paix au Mali», clame-t-il, appelant à ne pas abandonner cette voie. «Comment le virus néo-conservateur a-t-il pu gagner ainsi tous les esprits ?» s’interroge-t-il non sans exprimer des inquiétudes. De Villepin dit haut et fort : «Non, la guerre ce n’est pas la France.» «Il est temps d’en finir avec une décennie de guerres perdues. Il y a dix ans, presque jour pour jour, nous étions réunis à l’ONU pour intensifier la lutte contre le terrorisme. Deux mois plus tard, commençait l’intervention en Irak. Je n’ai depuis jamais cessé de m’engager pour la résolution politique des crises et contre le cercle vicieux de la force», souligne cet ancien ministre qui a brillé en 2003 par son discours devant l’assemblée générale des Nations unies contre la guerre en Irak.
De l’Irak… au Mali
De Villepin appelle à plus de lucidité dans la gestion de cette crise. Il rappelle les guerres perdues de la France en Afghanistan, en Irak, en Libye. «Jamais ces guerres n’ont bâti un Etat solide et démocratique. Au contraire, elles favorisent les séparatismes, les Etats faillis, la loi d’airain des milices armées.» Des guerres qui légitiment à ses yeux les terroristes les plus radicaux. Pour de Villepin, les guerres ne mènent jamais à la paix. Elles sont un engrenage. Il appelle ainsi la France à «inventer un nouveau modèle d’engagement, fondé sur les réalités de l’Histoire, sur les aspirations des peuples et le respect des identités. Telle est la responsabilité de la France devant l’Histoire». La crise malienne ne trouvera pas de solutions, affirme-t-il, sans un Etat malien reconstruit, une union nationale retrouvée, des pressions sur la junte militaire et la mise en place d’un processus démocratique. Pour lui, la France doit plutôt travailler à créer une dynamique régionale, «en mobilisant l’acteur central qu’est l’Algérie et la Cédéao en faveur d’un plan de stabilisation du Sahel». Aussi, il exprime la nécessité d’une solution raisonnable aux problèmes des Touareg en isolant les islamistes radicaux. De Villepin dit tout simplement à l’Etat français qu’il tape à côté et qu’il doit en urgence recadrer sa stratégie sur la base de la réalité de cette région pour éviter le pire. Ce qui se passe au Mali n’est, d’après lui, que la conséquence des guerres successives menées en Afghanistan, en Irak et en Libye.
Dominique de Villepin