D’où vient cette longue crise ivoirienne ?
AMATH DANSOKHO (ancien ministre sénégalais) :Toute cette machinerie infernale a été montée, je le dis comme je le pense, par la France. Il faut remonter à l’ère Chirac pour comprendre cette crise. Lui et ses services ont encouragé la création de la rébellion. Laurent Gbagbo avait été élu en 2000 et reconnu par la communauté internationale. Jusqu’au coup d’État manqué de 2002, fomenté par des officiers travaillant pour Ouattara, qui n’en était pas à son premier coup. Tout cela, on l’oublie.
Quelles sont les conséquences sur le pays ?
AMATH DANSSOKHO : Elles sont déjà très graves, avec un risque de partition. En arrière-plan, dans un contexte mondial particulier, il ne faut pas exclure le danger d’une intervention militaire extérieure. Même si les partisans de ce scénario y réfl échissent à deux fois. Aujourd’hui, les Ivoiriens et eux seuls pourront sortir leur pays des difficultés. En faisant en sorte que le coeffi cient des influences extérieures, impérialistes, soit le moins fort possible. C’est à cette condition qu’ils pourront s’entendre.
Quels sont les enjeux économiques ?
AMATH DANSOKHO : Ils sont considérables. Premier producteur mondial de cacao, le pays bénéfi cie aussi d’une production fruitière abondante et diversifi ée et, surtout, de ressources énergétiques, depuis la découverte de pétrole. Il a donc toutes les ressources pour expérimenter un développement propre, une économie africaine moins dépendante. Mais de cela, les puissances occidentales ne veulent pas entendre parler.
Pourquoi les crises et les guerres se succèdent-elles dans cette partie de l’Afrique depuis la fi n des années 1980 ?
AMATH DANSOKHO. Parce qu’elle regorge de ressources. Comme au Liberia, avec le fer, ou en Sierra Leone, qui est une anomalie diamantifère. C’est là qu’il faut rechercher les causes de guerres. Partout, les ex-puissances coloniales montent les populations les unes contre les autres, sèment le trouble pour pouvoir exploiter les ressources naturelles. L’exploitation minière ne s’arrête jamais, fût-ce sous le régime de guerres atroces. C’est ce qui se passe au Congo. Ces zones de guerre et d’instabilité sont incluses dans le système global de l’économie capitaliste, quelles que soient les circonstances.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR R. M.