Concessions selon Ouattara

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Même si le personnage est certes différent, le lieu, le décor et l’ambiance, sont  – quant à eux – les mêmes. Encore un autre chef d’Etat africain venu « prendre conseils » au siège de la présidence française, auprès de l’ex-puissance coloniale, la France.

Ce 11 avril 2013, Alassane Ouattara est reçu à l’Elysée. A sa sortie de visite, il apparait, sur le perron du palais, raccompagné par François Hollande, le président français. Poignée de main d’au revoir, quelques flash d’appareils photos, et Holland s’éclipse. Alassane Ouattara peut se diriger – enfin – vers les journalistes qui l’attendaient. Sourire commercial aux lèvres, la séance de questions-réponses peut commencer.

Sur la question se rapportant à la réconciliation en Côte d’Ivoire, la réponse de Ouattara aura fait sursauter plus d’un: « J’ai fait toutes les concessions » sic. Le ton est définitif.

Et, l’affirmation laisse supposer que monsieur Ouattara a – pour sa part – accompli tous les « sacrifices » nécessaires pour régler la crise socio-politique qui secoue la Côte d’Ivoire, depuis plus de 20 ans. Et qu’il n’y aurait en conséquence plus de concessions possibles en dehors de celles qu’il a déjà faites.

Si donc Ouattara soutien avoir « fait toutes les concessions », alors que l’on sait les tensions nées de la crise post-électorale encore vives et le sentiment d’une justice sélective, plus que jamais encrée, dans la conscience populaire en Côte d’Ivoire ; si tous s’accordent – pourtant –à dire qu’il reste encore un énorme travail à faire pour parvenir à réparer le tissu social profondément endommagé, n’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter – notamment – sur la nature des « concessions » qu’il dit avoir faites ?  Posons clairement la question: Ouattara a-t-il réellement fait des concessions ? Si oui, lesquelles ?

Des concessions de forme

Pour se rapprocher, différentes parties en conflit ont nécessairement besoin de faire des concessions. En Côte d’Ivoire, les deux adversaires de la crise post-électorale sont connus: l’opposition conduite par le Front Populaire Ivoirien (FPI) et le régime en place avec à sa tête Alassane Ouattara, chef de l’exécutif.

Pour ce que l’on sait, Ouattara a d’abord lancé des appels: au FPI, pour l’inviter à entrer dans son gouvernement ; ensuite, pour l’amener à prendre part aux élections locales, législatives notamment ; il a aussi lancé un appel aux exilés à rentrer au pays. Il a fait libérer quelques prisonniers– dont on sait – de « faible envergure » politique. Il a enfin, fini par accepter – à la demande de l’opposition – l’idée d’un « dialogue-direct » opposition-gouvernent. Un dialogue qui, jusqu’ici n’a apporté aucun résultat probant.

Peut-être, est-ce à tout cela qu’il fait allusion. Dans ce cas, il faut avouer que ces « concessions » – si on peut ainsi les appeler – n’auront été que pour la forme. Puisque qu’elles n’ont pas suffit à faire bouger les lignes.

En fait, n’aurait-il pas fallu aller plus loin, pour obtenir des résultats manifestes ? Suffit-il de lancer des appels pour que les gens se précipitent ? Ou bien, peut-on s’asseoir et discuter sans chercher à trouver des accords pour rapprocher les points de vue ? En somme, n’aurait-il pas fallu faire de véritables concessions avec à la clé des résultats concrets ?

L’exemple de l’accord politique de Ouagadougou, qui a vu le jour par une ferme volonté – d’au moins une des parties signataires dudit accord – d’aller à la paix, est encore là pour répondre à cette préoccupation.

Au lieu de cela, monsieur Ouattara a-t-il raison de parler de « concessions », en donnant à l’opinion publique l’impression qu’il en a déjà assez fait ? Absolument pas. A moins que…

Quand on a le soutien de la communauté dite internationale…

Quand on se dit vainqueur d’une guerre et que l’on a le soutien de la communauté dite internationale – comme c’est le cas pour Alassane Ouattara – il existe une forte éventualité de croire que l’on n’a pas besoin de faire des concessions. Et qu’il revient – par conséquent – aux « vaincus » de se plier à nos exigences.

Si l’on veut comprendre l’arrogance et le refus de tout compromis qui conforte le camp Ouattara, il faudrait aussi chercher par là.

Aux dires de Anne Oulotto, ministre d’Alassane Ouattara, « Le FPI a introduit la sorcellerie en politique ». Propos recueillis dans une interview où elle défend la thèse selon laquelle le FPI, parti d’opposition, devrait demander pardon et se repentir pour avoir occasionné la crise post-électorale Côte d’Ivoire. On aurait bien voulu qu’elle nous livre objectivement les arguments qui la fondent à dire que le FPI est plus coupable que ne l’est son parti à elle, le RDR. On aurait voulu qu’elle nous dise pourquoi le FPI serait le seul coupable à qui il revient avant tout de demander pardon. Malheureusement, ce dédain à l’égard de l’autre, ne peut s’expliquer que par le soutien aveugle de la communauté dite internationale qui, il faut le croire, fini par monter  à la tête de celui qui en bénéficie.

De fausses concessions pour gagner du temps

Mais au-delà de ces concessions de forme ou fausses concessions, le régime Ouattara, ne cherche t-il pas – plutôt – à gagner du temps et à faire le jeu des puissances occidentales et de la nébuleuse appelée ONU ? Deux entités qui  se complaisent dans des situations de « ni-paix, ni-guerre » au sein de nos Etats africains pour pérenniser leur présence et leur domination impériale en échange de leur soutien aux régimes qui leur sont favorables.

Aussi, tant que Ouattara bénéficiera du bouclier des puissances occidentales, toute idée de concessions visant à ressouder les ivoiriens autour de la mère patrie pour la protéger des prédateurs, tournera court. Car sa présence au pouvoir trouve toute son essence dans ce soutien dont il bénéficie. Il a donc intérêt à ce que la Côte d’Ivoire demeure un royaume à jamais divisé, une terre où ses soutiens pourront mieux asseoir leur règne et ce, pout longtemps encore.

Malheureusement, le temps, c’est ce qui manque le plus au peuple ivoirien. Car plus le temps passe, les nuages sombres s’amoncèlent au-dessus de leur pays. La situation de crise socio-politique ne cesse de s’envenimer, la fracture sociale ne fait que s’agrandir. Et ce ne sont pas les torrents de milliards promis – par Ouattara – qui y changeront grand chose.

Finalement, le drame des peuples africains, et singulièrement du peuple ivoirien, se situe à ce niveau. Ces peuples finissent, tôt ou tard, par devenir, les otages d’un chantage honteux entre politiciens véreux. Leur avenir fini malheureusement par être confisqué par des loups qu’ils prenaient pourtant pour des agneaux bienveillants.

La question qui demeure – en fin de compte – et qui se dégage de ce triste constat est la suivante : quel mécanisme peut-on mettre en place pour s’assurer – à la base – que celui qui sollicite le suffrage du peuple, ne délaisse pas les intérêts de ce peuple, une fois au pouvoir, pour finalement privilégier ses propres intérêts et ceux de son clan ?

Marc Micael

Zemami1er@yahoo.fr

 

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