Les États-Unis ont bel et bien poignardé dans le dos la France au Niger après avoir conclu un accord secret à Niamey, soit presque deux ans, jour pour jour, après avoir trahi ce même pays dans la région Asie-Pacifique lors d’un accord secret conclu avec l’Australie et le Royaume-Uni pour créer AUKUS.
De fait, la France avait déclaré qu’elle ne laisserait pas la junte nigérienne «l’expulser du pays». Il y a un peu moins de quatre mois, début août 2023, pour déclarer finalement en septembre que ses 1500 soldats stationnés au Niger, partiront d’ici la fin de l’année 2023.
Or Paris s’était jusqu’à présent accroché aux revendications tenant à la légitimité de l’ancien leader renversé, Mohamed Bazoum, et avait refusé de partir à moins que ce dernier ne le lui demande.
L’ancienne puissance coloniale avait alors martelé qu’elle soutiendrait une opération de la CEDEAO visant à le ramener au pouvoir, si cette dernière consentait à la lancer.
Ce revirement français représente assurément une défaite stratégique et des plus humiliante pour la France. Elle tend à mettre en évidence, le formidable échec de la politique africaine du président français Emmanuel Macron.
Si la France s’était retirée plus tôt, et selon ses propres termes, en invoquant du reste n’importe quel prétexte après le coup d’État militaire «patriotique» de l’été 2023, (bien entendu avant que les autorités de la junte ne l’exigent), la France aurait pu être en mesure d’élaborer un tout autre narratif susceptible de faire passer ce retrait pour positif…
Au lieu de cela, Paris a opté pour son maintien au Niger, tout simplement parce que la France pensait que la CEDEAO allait agir.
En le faisant, les Français ont envoyé le signal qu’il y avait un plan en place, qui militait pour le retrait de la junte voire même un remplacement, ne serait-ce que partiel par une faction militaire pro-française, à la faveur d’un autre coup d’État qui lui serait plus favorable. Or rien de tout cela ne s’est concrétisé, pas plus qu’un mouvement militaire de la CEDEAO, ce qui suggère que quelque chose a mal tourné.
Dans ce contexte, on aimerait souligner la concomitance de la visite le général Michael Langley, commandant de l’armée américaine en Afrique au Niger, couplé au voyage de la sous-secrétaire d’État par intérim Victoria Nuland à Niamey début août 2023, soit peu de temps après que les autorités militaires intérimaires eurent demandé le retrait des forces françaises, militent pour un acte de félonie de la part de l’Oncle Sam.
Cette analyse explique d’ailleurs, comment ce développement a mis la France sur la défensive stratégique, montrant que l’Amérique (comme la Russie) tirait profit des revers régionaux de son partenaire nominal de l’OTAN.
En s’adaptant de manière flexible aux tendances multipolaires qui ont balayé le Sahel, Washington a pu remplacer le rôle traditionnel sécuritaire de Paris au Niger. Cela a eu pour effet d’incorporer deux bases américaines dans l’Alliance sahélienne fondée quelques jours plus tard entre ce pays, le Burkina Faso et le Mali.
On l’aura compris, Washington a contre-carré l’opération militaire de la CEDEAO envisagée par la France qui aurait permis à Paris de conserver ces installations militaires.
Et c’est ainsi que, seul un accord secret américano-nigérien explique de manière cohérente pourquoi la France a attendu tout ce temps, pour se retirer.
Paris a cru devoir espérer de la part de Washington, qu’il ordonne à la CEDEAO d’envahir le Niger ; ce qui aurait sauvé ainsi ses deux bases militaires. Cette posture semblait pour autant couler de source, comme les États-Unis craignaient l’influence russe et l’augmentation des attaques terroristes dans la région après le coup d’État.
Vu des États-Unis, c’est le scénario idéal compte tenu des circonstances dans lesquelles se trouvaient leurs décideurs après le coup de force.
Une opération militaire de la CEDEAO aurait risqué de déclencher une guerre plus large qui aurait pu offrir davantage d’opportunités à l’influence russe de s’étendre…
Washington on a donc conclu qu’il valait mieux remplacer la France au Niger et ainsi contenir les tendances multipolaires de la France.
Cette posture a fait l’effet d’un choc pour la France.
Pour autant, les États-Unis ont estimé que les dommages collatéraux ne condamneraient pas leurs liens puisque le scandale AUKUS a montré que la France finira toujours par revenir vers eux.
En outre, remplacer la France dans son «pré carré africain» permet aux États-Unis de gérer les conséquences du départ contraint de leur «partenaire» au Niger, tout en augmentant la dépendance de Paris à l’égard de Washington.
En termes pratiques, pour les États-Unis, il s’agit combler aussi une partie du vide laissé par le retrait jugé inévitable de la France de l’Afrique Sahélienne, plutôt que tout céder à l’Entente sino-russe…
En l’occurrence, les seuls compromis que les États-Unis puissent faire sont d’accepter une certaine expansion de l’influence sino-russe (puisqu’ils ne peuvent l’empêcher totalement) et les aspects soi-disant peu reluisants du partenariat avec une junte.
Et «si les États-Unis quittent le Niger, les terroristes et les Russes gagnent» et qu’il vaut mieux y rester malgré la junte que de se retirer par protestation en défense de la «démocratie», énonce Andreas Kluth. L’éditorialiste de Bloomberg explique tout de go à son public occidental ciblé qu’il s’agit soi-disant d’un moindre mal compte tenu des alternatives exposées plus haut.
Pour revenir au revirement de la France quant à sa décision de se retirer finalement du Niger. Paris avait pourtant soutenu mordicus en juillet 2023, que la France y resterait afin de défier la junte. Ce revers trouve assurément son explication à l’aune de l’accord conclu par les autorités militaires intérimaires avec les États-Unis, forçant ainsi pratiquement la France à partir.
Si la France avait imaginé ne serait-ce qu’un instant, que cette trahison puisse se réaliser, elle aurait pu choisir de partir selon ses propres termes plus tôt au cours de l’été 2023.
On l’aura compris, cette félonie, mériterait d’être appréciée comme la deuxième trahison américaine envers la France après bien d’autres…
source : Le Dialogue