N’est-ce pas lui, Faure Gnassingbé, qui, du coucher au lever du soleil, était passé du statut de ministre à celui de député puis de président de l’assemblée pour enfin atterrir sur le fauteuil présidentiel érigé en trône grâce à une magie de rafistolage constitutionnel dont le perfide Debbasch agrée près la cour fut le maitre d’œuvre?
Plus le monde évolue, plus les peuples cherchent à revisiter leur passé, à avoir droit au chapitre. Le Togo ne fait pas exception à cette réalité. Ses enfants chercheront à savoir, si l’espérance l’emporte sur les souffrances, ce que le parti qui les a gouvernés a fait de leur pays pendant les cinquante dernières années.
Sans passé revisité, pas de présent commun. Tel est l’axiome qui, désormais, chez nous, doit escalader la peur pour prendre de la force et du relief. Chaque Togolais est fondé aujourd’hui, pour mieux comprendre son propre destin, à voir le fond de la boîte de Pandore. A la faveur de cette soif de vérité, le régime du RPT nous semble condamné.
A terme. Trop sclérosé, trop porté sur des privilèges illicites et indus, le pouvoir en place à Lomé porte en lui-même les germes de sa disparition. Sa résistance contre la farouche volonté de changement des Togolais, va se transformer, pour lui, en une boîte à chagrin.
Les observateurs dûment avisés peuvent constater que les conditions sont aujourd’hui réunies pour un réel changement. Comme c’est le cas dans plusieurs pays où la rupture a eu lieu là où on l’attend le moins, ce régime qui n’a pour fondation que la manipulation et les machinations, ne peut que s’effondrer. Comme un château de sable. Ce n’est point une vue de l’esprit, la situation du RPT/UNIR est compliquée. Il lui faut, pour la démêler, du génie et des têtes normalement faites. Le parti cinquantenaire ne les a plus.
Quand bien même il tente, parfois, de prendre les devants et d’annoncer des réformes, il n’est guère pris au sérieux par l’opinion nationale, désormais convaincue qu’elle a à faire avec un système pourri, irréformable, dont l’hypocrisie et la duplicité des discours sont les meilleurs records. Le régime a beaucoup à perdre s’il ose d’authentiques réformes, tant les dystrophies des dirigeants et des petites oligarchies attenantes sont allées, au fil des ans, croissantes. Il n’y a que les naïfs pour croire qu’en faisant acheminer vers l’assemblée nationale ces projets de réformes constitutionnelles par son directeur de cabinet Ahoomey-Zunu Arthème, Faure Gnassingbé avait une quelconque volonté de procéder à un nivelage de la vie politique qui favorise un bon fonctionnement des institutions de l’état.
Le soi-disant rejet par la bande à Drama Dramani du projet du gouvernement( ?) n’est qu’une comédie de qualité inférieure. C’est en réalité une abjecte échappatoire fomentée par le président en personne sur fond d’objectifs obscurs-clairs. Si le président voulait vraiment ces réformes préconisées de longue date par l’APG puis par la CVJR, il lui suffisait d’instruire les députes RPT-UNIR/UFC. Il ne le fera pas. Parce qu’il a perdu ses facultés de transformer les lois lorsque celles-ci lui sont défavorables.
N’est-ce pas lui, Faure Gnassingbé, qui, du coucher au lever du soleil, était passé du statut de ministre à celui de député puis de président de l’assemblée pour enfin atterrir sur le fauteuil présidentiel érigé en trône grâce à une magie de rafistolage constitutionnel dont le perfide Debbasch agrée près la cour fut le maitre d’œuvre? Il ne suffit pas qu’un régime s’abstienne de mitrailler son peuple à l’arme de guerre pour qu’il mérite d’être qualifié de démocratique.
Il l’est, selon les règles, par la tenue d’élections régulières, libres et transparentes qui constituent son principal baromètre, par une obligation de réformes au fur et mesure que la société évolue. De ce point de vue, il est indéniable que les Togolais sont en lutte contre une dictature. Et, cette lutte, initialement pacifique et non-violente, risque, par la force des choses, et en raison de l’attitude jusqu’au-boutiste du pouvoir, de dégénérer et de sombrer dans le chaos total. Comme l’avait dit John Kennedy : « ceux qui rendent impossible la révolution pacifique rendront inévitable la révolution violente ».
C’est à une véritable fuite en avant que se livre Faure Gnassingbé lorsqu’il refuse de regarder l’Histoire droit dans les yeux. Les placards de sa gestion désastreuse ne manqueront pas de s’ouvrir pour laisser échapper les secrets du bradage de la République. Le temps ayant fait son travail, les barrières ethniques artificielles ayant cédé et, le sentiment de révolte ayant fini sa mise en place dans les esprits, il n’y a aucune possibilité que ce pouvoir dévie l’explosion qui rode. Sauf si Faure Gnassingbé lui-même, les illusionnistes et autres viles stars de publicité qui prolifèrent dans les abords de son trône, descendent de leur piédestal, les pieds sur terre, pour faire une lecture rationnelle de l’atmosphère politique chargée de toutes sortes de tendances lourdes, signes précurseurs d’un chaos inévitable.
Ces temps derniers, on entend beaucoup braire quelques arlequins, des groupes de nigauds qui se laissent convoyés dans des associations fantômes genres « Mouvement de la majorité silencieuse », « Mouvement des Jeunes pour la Popularisation de la bonne Gouvernance (MJPG) » ou encore le « M150 ». Ce sont ces individus sans foi ni ambition, agissant comme des drogués dépourvus de mémoire et incapables de comprendre que ce que leur estomac veut n’est pas forcément ce que le peuple veut, qui relaient les agendas du système mafieux du non état dans un insolite concert de charivari. Pour eux, « la limitation du mandat présidentiel ne saurait être une exigence en démocratie et qu’un peuple ne se nourrit pas de réformes ».
Il n’y a qu’au Togo qu’on entend des propos stupides de cette catégorie si l’on sait que même dans les pays les plus développés, on procède toujours à des réformes en conformité avec l’évolution de la société. Ce président nous semble, à terme, condamné. Peut-être que les supputations occidentales de realpolitik et de « stabilité » vont lui permettre – dans le meilleur des cas – de s’accrocher encore jusqu’à la fin de son mandat en 2015. La seule inconnue reste l’étendue des dégâts que son système faussement vu comme établi sur une armée d’inconditionnels, va entraîner dans sa chûte.
Mieux vaut s’y attendre, le lever du soleil ne sera pas sans tumulte et le Togo va connaître de nombreuses convulsions populaires. Le changement va bel et bien se produire. Mais il y aura encore beaucoup de sueurs et de larmes avant que le pays ne devienne définitivement un Etat de droit. Anatole France ne nous apprend t’il pas que « tous les changements même les plus souhaités ont leurs mélancolies ? ».
Il est de notre devoir d’interpeler l’Opposition. Elle doit finir de se chercher, pour réellement exister; elle doit agir, sans transiger, à l’intérieur d’une structure assidûment viable, capable de rassurer tant notre peuple que les pays tiers. A un mal extrême, ce sont des remèdes extrêmes qu’il faut, parfois en s’imposant des privations.
On ne s’oppose pas à un régime de tyrannie, des rhétoriques sibyllines à la bouche, guettant la moindre occasion pour sauter dans un gouvernement d’union nationale. Cette attitude, dans le cas de notre pays, est à la fois naïve et criminelle. Elle ne peut être que l’apanage d’opposants cupides. Ceux qui, sans cesse, s’y conforment sous prétexte de « changer le système de l’intérieur » participent au crime, très souvent pour engranger quelques miettes ou par peur de se voir couper les vivres.
Avec ou sans cette categorie d’élite perchée à mi-mât, et que nous appelons des opposants proches du pouvoir, la jeunesse togolaise fera sa Révolution. Et, ce ne sera pas un dialogue national étroitement contrôlé ni un processus de réconciliation nationale truqué et moins encore ces associations bidon de désœuvres crées de toute pièce par les soins du pouvoir qui vont freiner le mouvement. Bien au contraire.
Kodjo Epou
Washington DC USA