Même nos soi-disant institutions budgétivores pourront être supprimées sans aucune incidence sur la vie des Togolais
Cet homme fait vraiment des progrès et il faut l’en féliciter. En refusant de signer le protocole des chefs d’État portant limitation du nombre des mandats présidentiels à deux, protocole qui a cependant recueilli l’accord de 8 chefs d’État sur 10, Gnassingbé n’a rien révélé de neuf, ni de sa personnalité, ni de ses intentions que nous, je veux dire un certain nombre de Togolais, ignorerions. Je dis bravo ! non seulement par ironie, mais aussi parce qu’il aurait pu user d’hypocrisie et de la fourberie qu’on lui connaît et signer le protocole, pour n’en jamais tenir compte, comme tant d’autres fois. Cette „ franchise“que nous tenons à reconnaître comme un fait rare venant d’un homme tel que Gnassingbé, ne contredit en rien sa qualification, son grade de menteur, puisqu’un peu avant les prétendues élections du 25 avril, pour les besoins des circonstances, il affirmait qu’il n’avait pas l’intention de s’éterniser au pouvoir comme son père. Il demeure donc, tout compte fait, fidèle à l’image que nous nous sommes fait de lui, faut-il le rappeler, celle de menteur. Mais par-delà cette réalité à laquelle les Togolais doivent s’habituer, il y a un autre enseignement, se référant à son père : lorsqu’il disait: « Lui c’est lui, moi c’est moi… », ceux qui avaient déjà analysé le comportement du personnage, le comparant à Eyadema en caractère, tactiques, méthodes et en avaient conclu que Gnassingbé fils n’est pas différent de Gnassingbé père ( sans m’en vanter, je l’avais fait ) ont vu juste. Pire si on n’y prend pas garde, Gnassingbé fils serait capable, à moyen ou à long terme, de faire comme le jeune roi de la Bible, Roboam, à qui le peuple était venu demander d’alléger le joug que lui avait imposé son père ; influencé par de mauvais conseillers, il avait répondu à ce peuple : « Mon petit doigt sera à coup sûr plus épais que les hanches de mon père. Mon père vous a chargés d’un joug pesant, mais moi, j’ajouterai encore à votre joug… Je rendrai votre joug encore plus pesant. Mon père vous a châtiés avec des fouets, mais moi, ce sera avec des lanières ». 1
La conséquence de cet entêtement de Roboam, c’est qu’il conduira le pays à la division et à la ruine. La peur de perdre le pouvoir ou simplement d’être critiqué qui caractérisait, cancérisait déjà le régime Eyadema et le poussait à la tyrannie pourrait devenir plus grande, plus obsédante sous son fils et l’amener à des folies meurtrières et liberticides plus grossières d’ici 2030, puisque tel est son objectif, et encore plus au-delà, si rien ne l’arrête à temps. L’enlèvement du journaliste Bonéro Lawson Betum rappelle terriblement celui de Doh Bruce sous Eyadema, ainsi que l’assassinat d’Atsutsé Agbobli sous Gnassingbé. Cela doit être pour nous un signe alarmant de ce qui attend les adversaires et les critiques du régime. La jungle, qui ne s’est, en fait, pas vraiment éloignée de nous, pourrait totalement reprendre ses droits au Togo. Un régime qui se sait vomi par le peuple, mais qui tient coûte que coûte à s’imposer à lui, à durer, usera de corruption, mais aussi de terreur pour se maintenir. Aux mauvais conseillers de Gnassingbé qui, peut-être, croient que ce dernier est capable de bons sentiments, je souhaite simplement qu’ils n’aient pas tôt ou tard à regretter de l’avoir soutenu.
De tout ceci, il doit apparaître, non seulement aux Togolais, mais aussi au monde entier que le système Gnassingbé n’a pas varié et ne variera pas d’un seul iota, en tout cas, pas de son propre gré : élections, organismes internationaux, ainsi que nos considérations sur la constitution, la loi et autres bavardages soi-disant juridiques se révèlent donc comme relevant de la plus haute inutilité. Nous avons affaire à un hors-la-loi patenté qui n’hésite pas à se montrer comme tel, soit sur le plan interne soit sur le plan externe, chaque fois qu’il le peut, surtout quand il est question, d’une manière ou d’une autre, de limiter son pouvoir. Est-il alors encore besoin de rappeler que, continuer, dans ces conditions à crier réformes ! réformes! réformes! relève beaucoup plus de nos réflexes pavloviens, du folklore, de notre facilité à lancer des slogans, que d’une analyse lucide et de la décision qui doit être la conséquence de cette analyse? Dès lors, comme je l’ai souvent dit, tout dépend de chaque Togolais, selon l’angle de vue sous lequel il se place.
Que ceux que le système arrange, tel qu’il se présente, soit parce qu’ils pensent que le Togo n’a pas besoin de démocratie, soit simplement parce qu’ils en profitent et ont peur de perdre les avantages qu’ils en tirent, ne viennent plus nous parler de réformes, car ils ne croient pas aux réformes dans leur for intérieur et ce ne sont pas les réformes superficielles qui vont changer quoi que ce soit au Togo, tel qu’ils le conçoivent. Que ces compatriotes à qui je reconnais le droit de penser ce qu’ils veulent, là où ils se trouvent, bien que ne partageant rien avec eux, aient le courage d’aider Gnassingbé à aller un peu plus loin dans la démarche vers la vérité, leur vérité : le Togo, selon eux, n’a besoin ni de réformes, ni même de démocratie. La hantise des élections frauduleuses et entachées de violences s’éloignera de l’esprit des Togolais et l’argent gaspillé à les organiser pourra être employé à des choses plus utiles. Même nos soi-disant institutions budgétivores pourront être supprimées sans aucune incidence sur la vie des Togolais.
D’un autre côté, que ceux qui souhaitent réellement l’avènement de la démocratie au Togo, cessent de crier simplement réformes! réformes! réformes alors que le même système qui ne veut absolument pas de réformes qui remettent en cause son existence même est toujours en place.
Il y a quelques jours, le professeur Emanuel Gu-Konu que je respecte beaucoup, nous a invités à la réflexion. Dans la même foulé, je posais une interrogation sur le thème, que certains ne semblent pas avoir bien saisie. Je n’ai jamais dit qu’il ne faille pas réfléchir. J’ai simplement posé la question de savoir quelle réflexion. S’il s’agit d’une de ces réflexions qui ne nous conduisent pas plus loin qu’à nos déclarations, communiqués, lettres ouvertes, pire, à nos slogans, ou qui recourent, comme à des sauveurs, aux organismes internationaux tels que la CEDEAO, l’OIF, l’UE… pour résoudre le problème togolais à notre place, quelle en est, en fin de compte, l’utilité véritable ? Nous en avons connu d’autres depuis des décennies. Soyons un peu plus édifiés par ce qui vient de se passer à Accra et révisons en conséquence notre manière de penser. N’en avons-nous pas assez aussi, de ces réflexions…qui restent dans le cadre du système, s’en remettent aux institutions mises en place par le système et même à des institutions religieuses que le régime cherche plus à utiliser à ses propres fins qu’à écouter, des réflexions qui n’appellent pas le peuple togolais à mettre fin au système ( ce qu’il souhaite profondément), des réflexions dont l’objectif n’est souvent qu’un simple effet d’annonce, alors, encore du folklore, à quoi bon?
Sénouvo Agbota ZINSOU
12 Chroniques 10, 3-7