Afrique- G20: La comédie de l’aide au développement

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«Il faut soutenir les dictateurs africains, sinon ils ne feraient pas d’élection.» Propos attribués à Jacques Chirac ancien président de la France

Cette boutade décapante de Jacques Chirac est là pour décrire en une phrase la condition de la maladie de l’Afrique, à savoir, le refus de l’alternance qui fait qu’elle se fait toujours soit par Darwin, soit par l’émeute, la corruption endémique et le plus important, le soutien des pays développés à des potentats qui font de leurs pays des propriétés privées. A des degrés divers, aucun pays d’Afrique n’y échappe, même le pays de Mandela qui a quitté le pouvoir après un seul mandat, n’est pas indemne. Les dirigeants africains s’accrochent au pouvoir et quand ils ne sont plus en odeur de sainteté auprès de leurs suzerains, généralement l’ancienne puissance coloniale intervient sous différents prétextes, pour mettre le vassal qu’il faut à la place qu’il faut.

 Justement en parlant des « empires coloniaux Jacques Chirac avait courageusement ,- il est vrai sur le tard- déclaré que la France avait pillé ses anciennes colonies. Ce qui est dit pour la France est aussi valable pour son acolyte dans les mauvais coups, en l’occurrence la perfide Albion, l’Angleterre pour ne pas la nommer. A deux elles ont fait fortune sur l’esclave des Africains, elles ont imposé des présidents dictateurs à leur solde, elles ont organisé, armé, financé les terroristes en Afrique afin de déstabiliser davantage ce continent.

Cette introduction étant faite, nous apprenons que lundi 12 juin, Madame Merkel dirigeant l’économie la plus importante d’Europe, recevait en tant qu’organisatrice du G20 qui aura lieu à Hambourg à la fin du mois, sept pays africains dont l’Egypte et la Tunisie, pour évaluer ensemble les voies et moyens de donner à l’Afrique un nouveau départ, cinquante ans après que l’agronome René Dumont avait déjà tranché au début des années 1960: «L’ Afrique est ma partie.» Sans doute il faisait référence aux choix économiques douteux, sans présager du fait que les dirigeants africains nouvellement élus font le même travail que le colonialisme vis-à-vis de leur pays, assurés de garder leur pouvoir pourvu que les anciennes puissances coloniales (Grande-Bretagne, France, Allemagne Italie, Belgique) continuent comme au bon vieux temps à gérer leur pré carré.

Nous remarquons au passage et cela fait mal au coeur que l’Algérie : plus grand pays d’Afrique, celui qui a fait une révolution de 8 ans à nulle autre pareille, celui qui a affronté seul le terrorisme pendant 10 ans, celui qui dispose d’une profondeur stratégique est ignoré au profit de pays qui n’ont pas le même vécu. Ce n’est pas la première fois! Il y a un mois, l’Italie n’a pas jugé bon d’inviter l’Algérie au G7, mais elle a invité d’autres pays sur des critères qui restent inconnus. La descente aux enfers de notre diplomatie ne s’arrête pas là, tout le monde a en tête, le retour du Maroc au sein de l’Union africaine, son lobbying qui fait qu’il est membre de la Cédéao, et cerise sur le gâteau, il arrive à convaincre le Nigeria de lancer en commun un gazoduc de 5000 km qui passera près de la côte de plusieurs pays de l’Afrique occidentale pour arriver au Maroc et par la suite en Espagne. Les financements sont prévus et il est possible que ce gazoduc démarre. Rapidement notre accord avec le Nigeria pour un gazoduc Lagos -Alger signé il y a 8 ans semble abandonné. Cela va créer d’énormes problèmes à l’Algérie du point de vue de la vente de son gaz. Problèmes qui s’ajoutent, tels que la fin des accords de long terme pour la vente du gaz algérien.

 « Madame Merkel a donc reçu en grandes pompes les sept pays africains et leur a proposé un partenariat d’exception, une sorte de Plan Marshall à l’allemande «Si le ministère allemand du Développement a annoncé lundi dernier 300 millions d’euros d’aides supplémentaires aux pays notamment soucieux de lutter contre la corruption, la priorité à l’Afrique voulue par Angela Merkel ne se veut pas un plan d’aide. Il s’agit plutôt de rendre les pays africains plus attirants à l’investissement par le biais du soutien politique des pays du G20 et technique des institutions financières internationales » (1).

 Vaste programme que de s’attaquer à la corruption qui est un sport national ou les corrupteurs et les corrompus ne rendent pas comptent. Il est fort à parier que ces vœux pieux resteront sans lendemain. Sauf que ces aides ont très peu de chance de servir à éclaircir le climat des affaires dans les pays africains où le vrai problème es la légitimité des pouvoirs

 Comme il n’y pas de philanthropie en ce bas monde et connaissant les positions pour le moins monolithiques concernant l’orthodoxie néo-libérale, on comprend difficilement cette empathie du ministre des finances : « Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a souligné que «les États africains vont décider eux-mêmes de la façon dont ils veulent travailler». «À l’heure où l’Union européenne cherche à redéfinir les bases de son partenariat avec l’Afrique, l’Allemagne propose un «plan Marshall» pour favoriser l’établissement d’une paix et d’un développement durables sur le continent voisin de l’Europe. Un plan non pas «pour» l’Afrique mais, à mettre en oeuvre «avec elle». (1)

 Plusieurs responsables africains ont fait assaut d’amabilité pour amadouer la mutte Merkel «Pour Caïd Essebsi, président de la Tunisie invité du G20: » La priorité sera accordée aux projets structurés ayant un impact sur le pouvoir d’employabilité des jeunes, ainsi que le développement des zones rurales ». La délégation qui m’accompagne à Berlin va non seulement exposer les atouts et l’attractivité de la Tunisie en tant que site favorable aux investissements étrangers, mais aussi présenter des projets concrets à mettre à la disposition des partenaires et des investisseurs, notamment dans les secteurs de l’infrastructure, des industries aéronautiques, automobiles et agroalimentaires, des technologies de l’information, et de la santé.» (1)

Le développement de l’Afrique au coeur du G20:

Un continent laissé en déshérence et errance a fait depuis les indépendances des pays qui le composent l’objet de convoitises d’abord des pays anciennes puissances coloniales, qui se sentent toujours chez elles au point d’intervenir dans les affaires intérieures des pays. Mais depuis une vingtaine d’années d’autres acteurs tels que les Etats Unis qu par différents programmes censées être de l’aide. La finalité est que l’aide au développement promis par ces puissances n’a jamais atteint les 0,7%du PIB

C’est donc bien à une comédie à plusieurs épisodes que nous assistons. Tout à commencé en février comme nous le lisons dans cette contribution : «Déjà en février dans la réunion préparatoire, les jalons d’un plan Marshall étaient posés. Prenant les rênes du G20 pour l’année 2017, l’Allemagne a décidé de faire de ce partenariat avec l’Afrique qu’elle qualifie de «Compact with Africa») une priorité. «Cette initiative du G20 vient à point nommé pour sa philosophie de suggérer et non imposer, ainsi que pour l’idée de travailler ensemble», a estimé le ministre marocain de l’Économie et des Finances, Mohammed Boussaïd, soulignant qu’il ne s’agit pas là d’une «initiative d’assistance».» (2)

« La précision mérite d’être faite, car il s’agit de stimuler les investissements privés par le soutien politique du G20 de manière à développer l’emploi et les infrastructures des pays africains partenaires. Aucun engagement financier n’est formulé par le G20, «L’Afrique a besoin d’infrastructures, il y a des efforts qui sont déjà faits et doivent être accélérés. «Si aujourd’hui l’Afrique avait le minimum en termes d’infrastructures, de santé, de formation, certainement les questions de migration telles qu’elles se posent aujourd’hui n’auraient pas eu autant d’impact sur la vie de l’Europe.» (2)

«Un point de vue que ne partage pas l’ONG One: «L’idée de départ est bonne, mais j’ai vraiment peur que l’éléphant accouche d’une souris et qu’il y ait une déconnexion entre le discours et l’action», s’inquiète Friederike Röder, directrice de One France, citée par l’AFP. Selon elle, «pour l’heure, il s’agit d’une récapitulation des actions déjà existantes uniquement concentrée sur l’investissement privé, alors qu’il y a encore des pays qui ont besoin d’aide internationale et d’investissements importants en matière d’éducation».» (2)

‘Au vu de ces chiffres, le président nigérien propose d’autres sources de financement pour faire face aux besoins de redressement du continent; l’aide publique accordée à l’Afrique «étant seulement de 50 milliards $ « M. Issoufou propose l’accroissement des recettes fiscales internes des Etats africains dont la moyenne est de 17% contre 35% pour les pays de l’Ocde. Pour y parvenir, «il faut que l’Afrique cesse d’être un simple réservoir de matières premières et que le commerce entre elle et le reste du monde soit équitable». (2)

Ce qui intéresse l’Europe: Comment freiner les migrants.

Dans toutes ces initiatives vouées à l’échec ce qui intéresse l’Europe ,et plus largement les pays riches, c’est coment freiner l’afflux des migrants vers la forteresse Europe. Comment avec des subsides créer in situ de l’activité économique et de l’emploi. Les recettes mises en œuvre avaient surtout pour but de rendre exsangue l’Afrique en la vidant de ses richesses avec la complicité de potentats installés à vie Toutes les formules alambiquées tels que partenariat d’exception, initiative co-développement

Edouard Pflimlin du journal Le Monde écrit à propos de cette comédie sans lendemain : « lors d’un sommet du G20 finances, les grands argentiers des principales économies du monde avaient convié leurs homologues de Côte d’Ivoire, du Maroc, du Rwanda et de Tunisie à se joindre à eux pour mettre sur pied ce partenariat baptisé «Compact with Africa». «Nous devons créer au sud du Sahara les conditions pour que les gens puissent y évoluer, se former et générer de la valeur pour eux et leur famille», a plaidé la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, dans le quotidien Handelsblatt. Si la question des dizaines de milliers de migrants prenant la direction de l’Europe pour fuir pauvreté et conflits n’est pas évoquée en première ligne, elle est cependant centrale pour l’Allemagne, qui a accueilli plus d’un million de demandeurs d’asile ces dernières années, essentiellement de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan » (3)

« Pour Angela Merkel, le point central pour espérer endiguer ces flux est de s’attaquer aux causes de la migration en offrant des perspectives aux populations dans leurs pays. «Le développement économique doit suivre le rythme d’une croissance rapide et s’accélérant de la population pour créer un futur convenable aux jeunes et ainsi réduire la pression migratoire», a relevé la porte-parole de la chancelière.» (3)

Les maux de l’Afrique et les causes premières de l’échec

Il est une habitude que les pays développés ont, c’est de voir le développement de l’Afrique selon leurs propres critères et en fonction de leurs intérêts. Le plus grand besoin de l’Afrique, c’est sa quête de dirigeants honnêtes qui rendent compte aux peuples. L’Afrique est un continent d’avenir nous dit-on! C’est possible à voir comment tout le monde est à nos chevets pour in fine s’accaparer les matières premières. Même les potentats adipeux du Golfe s’y mettent, ils font ce qu’on appelle du grabbing des Terres, en bref, ils achètent des milliers d’hectares qu’ils cultivent et le produit de la récolte passe sous le nez des indigènes qui continuent à mourir de faim. Sait-on que plus de la moitié de l’Afrique n’a pas accès à l’électricité? Que le continent qui compte 1 milliard d’habitants comptera deux milliards et demi en 2050. L’essentiel de l’augmentation de la population proviendra de l’Afrique.

«La Banque africaine de développement (BAD), l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde) et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) ont publié leur rapport sur ‘Les perspectives de l’économie en Afrique en 2017 ». Le communiqué de presse, largement repris par les médias, compilait quelques chiffres dont une prévision de croissance pour l’ensemble du continent africain de 3,4% en 2017 et 4,3% en 2018, des investissements directs étrangers pour 2017 de l’ordre de 57 milliards de dollars (50 milliards d’euros).» (4)

«Le taux de pauvreté en Afrique recule depuis plusieurs années, mais la croissance démographique est telle que le nombre de pauvres augmente! Le rapport sur les perspectives de l’économie en Afrique établit qu’il y aurait plus de 500 millions d’Africains sous le seuil de pauvreté, soit vivant avec moins de 2 dollars par jour. Dans le même temps, il y aurait, toujours selon ce même rapport, une classe moyenne de 350 millions de personnes. La Banque africaine de développement définit une personne appartenant à la classe moyenne par un revenu compris entre 2,2 dollars et 20 dollars par jour. Rappelons que le seuil de pauvreté est à 2 dollars par jour, ce qui signifie que 20 cents feraient la différence entre la pauvreté et l’appartenance à la classe moyenne.» (4)

«La BAD estime que sur les 350 millions de personnes vivant avec un revenu journalier compris entre 2,2 dollars et 20 dollars, près de 60% vivent avec 2,2 à 4 dollars par jour, soit environ 200 millions de personnes. La BAD appelle pudiquement cette catégorie ‘la classe moyenne flottante ». ‘Flottante car elle est si précaire et proche du seuil de pauvreté qu’on ne peut décemment la qualifier de classe moyenne.» (4)

«La Cfao, qui a fait une grande étude avec Ipsos sur la classe moyenne en Afrique, la définit avec un revenu journalier compris entre 4 et 20 dollars par jour. La Cnuced rappelle dans son rapport de 2014 que l’enjeu pour le développement, au-delà des objectifs quantitatifs du taux d’investissement moyen et de la croissance, c’est la politique d’investissement. La croissance d’un pays ne peut être tirée par la seule consommation intérieure, sinon le pays risque d’accroître sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur à travers les importations.» (4)

«L’investissement doit être un relais fort de cette croissance. L’investissement doit, par sa qualité et son ciblage, jouer un rôle majeur dans l’accélération de l’investissement en Afrique. Pour cela, la Cnuced recommande trois secteurs de concentration que sont les infrastructures, les agro-industries et le secteur manufacturier. La qualité de l’investissement a trait à la pertinence, à la qualité de la réalisation et à la gouvernance des investissements. Malheureusement, l’investissement en Afrique demeure une occasion pour les officiels de s’enrichir. Nombreux sont les ministres et présidents qui prélèvent leur dîme sur chaque investissement ou acceptent des projets non adaptés ou de piètre qualité moyennant de larges commissions.» (4)

Le coût de la corruption

Un mal qui revient en boucle ; la gouvernance . Tous les leaders africains font jurent de mettre en place des mécanismes de contrôle du pouvoir . C’est le cas notamment du Nepad une sorte de gouvernance et d’évaluation par les pairs avec un volet développement. Cette initiative qui a fait illusion est devenue une illusion Curieusement il y a une prise de conscience mais elle est à bas bruit. Elle arrive à faire un état des lieux de la façon de gouverner et décerne ou pas un prix aux meilleurs dirigeants Ainsi, et : «Comme le déclarait l’homme d’affaires mauritanien Mohamed Ould Bouamatou lors d’une conférence organisée par la Fondation Mo Ibrahim en avril à Marrakech, le pouvoir ne doit pas servir de raccourci vers l’enrichissement personnel.» D’ailleurs, la Fondation Mo Ibrahim n’a décerné son prix qu’à quatre reprises depuis 2007, faute de pouvoir désigner un dirigeant politique africain ayant fait preuve d’un leadership d’excellence. Cette mauvaise gouvernance a un coût pour les économies africaines. Elle constitue un handicap supplémentaire en matière de compétitivité, car le coût de la corruption est toujours répercuté dans les coûts de l’investissement.» (4)

De quoi a besoin réellement l’Afrique pour entamer son développement ?

On l’aura compris ce n’est pas l’obtention d’un prix qui fera que les dirigeants optent pour le bien de leur pays en déclarant la guerre à la corruption en commençant par être eux même clean.

Ensuite qu’on trace des lignes rouges pour graver dans le marbre la nécessité de l’alternance. Ensuite, qu’elle puisse lutter efficacement contre la corruption le problème de l’Afrique ce n’est pas car le terrorisme, c’est la misère, c’est la hogra, ( le mépris) c’est l’absence de perspectives pour les jeunes qui, à l’heure de Facebook, de l’Internet enragent de voir des jeunes comme eux s’épanouir dans les pays développés.

Sur ce terreau de misère, les droits de l’homme et la démocratie sont absents, par contre, l’inquisition fait flores. L’Afrique a besoin d’éducation, elle a besoin d’énergie, elle a besoin d’eau pour un développement de l’autosuffisance alimentaire et hydrique.

Des dirigeants élus en dehors des scores brejnéviens, bien dans leur peau qui sont fascinés par l’avenir pourront avoir l’assentiment des peuples et aller réellement à la conquête de la modernité. Ils commenceront d’abord à secouer les tutelles pesantes post-coloniales et arriveront à force de résilience de travail pour le bien commun à développer des véritables partenariats winn-winn. C’est le cas avec la Chine qui –sans être philanthrope- accepte de coopérer sans prendre les Africains de haut -cette tare, des puissances coloniales- La Chine sur le développement des infrastructures, et qui investit autant que tous les pays occidentaux industrialisés réunis.

Ce dont a besoin en dehors du fait qu’elle est adulte , -elle est sortie de sa dimension magique selon la triste phrase de Sarkozy qui nous a joué lors du Discours de Dakar, le rôle de Jules Ferry chantre des races supérieures et son « devoir de civiliser les races inférieures » – Elle ne veut pas qu’on s’ingère dans ses affaires. Elle veut choisir elle même ses dirigeants . Elle veut aller en définitive vers de véritables partenariats en investissant dans un «triple E» durable, éducation, emploi et émancipation, Ainsi elle pourra se préparer au doublement de sa population et offrira toutes les opportunités auxquelles sa jeunesse a droit. Il n’y a pas de raison.

Quant aux promesses sans lendemain, nous allons une fois de plus faire appel au président Jacques Chirac qui eut aussi ce jugement sans concession les promesses n’engagent que ceux qui y croient » Tout est dit.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

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