Ils étaient nos aînés et nos devanciers dans l’art théâtral, les modèles que nous allions admirer sur la scène du centre Culturel français, les grands acteurs du CAMI ( Cercle de l’Amitié ). C’étaient, bien sûr, François Ablodevi Eklou-Natey et ses camarades, Pascal Quenum dit Eddie Cathraye, Bernard Aguze-Vioka, Stéphane Rhodes, Justin Migan, Max Agbo…et d’autres encore. Nous, nous étions élèves, étudiants et nous nous demandions, les voyant jouer avec tant de brio, quand nous pourrions être comme eux. Après le spectacle, ils étaient gentils et nous nous sentions honorés de pouvoir causer, presque d’égal à égal avec eux.Nous les avions admirés dans Pauvre Kalian, de Célestin Abalo, Monsieur Thôgo-Gnini de Bernard Dadié, Le Revizor de Nicolas Gogol, La visite de la vieille Dame de Friedrich Duerrenmatt, dans une mise en scène du Dr. Lévy-Lambert…Ils étaient si grands, si talentueux, si impressionnants dans leurs différents rôles…Et Fo François avait une voix si belle, si pénétrante, si chaleureuse, une voix qui donnait la chair de poule, non seulement sur la scène de théâtre, mais aussi quand il chantait a capella et que cette voix enveloppante qui remplissait l’église, créait l’impression que le son traversait la voûte de l’église catholique d’Amoutivé et pouvait conduire toute l’assemblée de fidèles au paradis… Tous au paradis grâce à une belle voix.
Et Fo François était un acteur et chanteur si immense! Si immense et si élégant que, même quand il nous a rejoints à la Troupe nationale, quoique son Directeur, je ne pouvais que, conservant les sentiments que je lui vouais du temps où j’étais étudiant et son « fan » au théâtre,l’appeler affectueusement et respectueusement, Fo François.
Et Fo François était si immense, si profond que quand il était devenu le Fou de La Tortue qui chante, aux côtés de Azé Kokovivina, Ludovic Kouvahé, Béno Sanvee, Abalo Houngbedji, Bruno Komlan Johnson, Sylvain Mehoun, Sodji Dandan, sans oublier Julie Akoussah ( paix à son âme) à la répétition comme au spectacle, je ne pouvais que continuer à le respecter, l’admirer. Et Fo François avait impressionné le public du Festival de Limoges, puis après ceux de Dijon, de Bordeaux, de Bruxelles, de Düsseldorf…de Cotonou, Porto-Novo, Ouagadougou, Ouayigouya…
Je l’entends encore dans le chant dialogué, sorte d’opérette de Ayité Dzinyefa, en duo avec Julie Akoussah :
Xafi ne ma đe srõa,
To nye gblõ nam be...
Et je revois, je revis sa gestuelle, qui pouvait devenir danse, chorégraphie, non seulement dans ce chant, mais dans d’autres pièces jouées par lui.
Et dans Le chien Royal,Fo François a incarné, à côté du « Maître » Kpakpovi Akué, un « Chien » si élégant, si raffiné dans les gestes, si souple dans les déplacements sur scène et l’utilisation de l’espace…!
La même voix puissante et expressive, séduisait les auditeurs de Radio-Lomé chaque samedi matin, dans l’émission consacrée à la poésie.
Et, croyant profond, lorsque nous avions créé un groupe d’Action Culturelle Chrétienne pour des Partages Fraternels, avec cet objectif de marquer notre culture nationale par des valeurs chrétiennes, d’infuser ces valeurs dans nos mœurs, Fo François, avec nous, c’est-à-dire Bénoni Alouwassio Sanvee, Kodjo Sylvain Mehoun, la chanteuse Kpédénuto Tsogbé ( paix à son âme)…prêtait sa belle voix pour dire les évangiles et les prophètes, pour chanter : soutenir les familles en deuil dans les veillées funèbres, les prisonniers se débattant dans les fers, parfois de l’arbitraire, les malades gémissant sur leur lit à l’hôpital…
Que dirai-je encore aujourd’hui de Fo François, à Fo François?
Ta vie a été bien remplie par tes œuvres qui laissent tes traces, ton influence sur des générations d’artistes togolais.
Adieu, Fo François, mais tu n’as pas quitté la scène togolaise. Nous parlerons encore de toi, c’est-à-dire que tu continueras de vivre dans nos cœurs et même, sous nos yeux.
Adieu, Fo François.
Sénouvo Agbota ZINSOU
{fcomment}