Il est le plus ancien Prix Nobel encore en vie. Une distinction qu’il avait obtenue en 1973 pour avoir conclu un accord de paix avec le Vietnamien Le Duc Tho. Il espérait une paix des braves, cela a été un marché de dupes dont a profité – avant de s’amender ces dernières années – le régime communiste d’Hanoï. Depuis quarante ans, s’il a quitté le service actif de la diplomatie américaine, Henry Kissinger n’a pourtant jamais cessé de conseiller la plupart des présidents qui se sont succédé à la Maison-Blanche. Et surtout il a gardé d’exceptionnels contacts avec tous ceux qui comptent sur la planète. Et en particulier avec Vladimir Poutine.
Kissinger l’a rencontré pour la première fois en 1990 alors que le futur chef d’État russe n’était encore qu’un conseiller du maire de Saint-Pétersbourg. Intrigué par ce jeune homme manifestement ambitieux, l’ancien secrétaire d’État lui avait demandé quelle était sa formation. « J’ai travaillé dans les services secrets », lui avait répondu Poutine. « Tous les gens bien ont commencé comme cela, lui avait répliqué Kissinger. Moi le premier. »
Ils n’ont jamais perdu le contact, à aucun moment de l’ascension du président russe vers les plus hautes responsabilités de son pays. Et même pendant les périodes où les relations entre la Russie et les États-Unis se sont dégradées, comme ce fut le cas pendant les années Obama, après l’échec du « reset ». Kissinger n’a jamais manqué une occasion d’aller parler avec Poutine, quand ses activités de consultant international au sein de « Kissinger Associates » le conduisaient à Moscou.
Donald Trump, depuis qu’il est président désigné, a confirmé ce qu’il avait dit pendant sa campagne : sa volonté d’améliorer les relations de son pays avec la Russie. Et il n’est pas anodin qu’Henry Kissinger l’ait rencontré à plusieurs reprises depuis le jour de l’élection et qu’ils aient eu, à une occasion au moins, un long tête-à-tête. Le nouveau président a d’ailleurs confié qu’il était fasciné par Kissinger.
Petits pas
S’il est exclu que l’ancien secrétaire d’État reprenne, à 93 ans, du service dans l’administration Trump, il est fort possible qu’il soit une sorte de médiateur entre le nouveau pouvoir américain et le Kremlin. Un rôle d’homme de l’ombre dans lequel l’ancien négociateur des accords de Paris a toujours excellé. Cette perspective a déjà été saluée à Moscou, avant même qu’elle soit devenue réalité. « Il est évident qu’Henry Kissinger reste l’un des hommes politiques et des experts les plus sages, a déclaré Dimitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Il a une profonde expérience des relations russo-américaines. »
D’après le magazine allemand Bild, Kissinger aurait déjà proposé à Trump un plan de développement pour l’Ukraine où l’Occident reconnaîtrait les droits de la Russie sur la Crimée. En échange Poutine s’engagerait à garantir la sécurité de la partie orientale du pays. Et les sanctions contre la Russie seraient levées. Ce qui arrangerait tout le monde.
En février dernier, aux obsèques de Ievgueni Primakov, que l’on appelait le « Kissinger russe », l’ancien secrétaire d’État américain avait rappelé qu’il avait été dans les années 1970 l’homme d’une certaine détente avec l’URSS et en avait profité pour poser des principes pour l’avenir : « La Russie, avait-il dit, doit être perçue aujourd’hui comme un élément essentiel du nouvel équilibre mondial, et non pas comme une menace pour les États-Unis. » La célèbre diplomatie des petits pas, servie par Kissinger, avec la Chine, avec le Vietnam, avec l’URSS, a peut-être de beaux jours devant elle.
Le Point
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