Henri Konan Bédié vient de renoncer à mener son parti à la conquête du pouvoir en 2015, en appelant, que dis-je, en intimant l’ordre à celui-ci de soutenir la candidature unique d’Alassane Dramane Ouattara
Stupeur, c’est ainsi qu’on pourrait qualifier l’état dans lequel se trouve aujourd’hui plongée une certaine communauté dite internationale, face « aux prouesses » de celui qu’elle a, dans le temps, soutenu, reconnue et défendu bec et ongle. Sans doute cette communauté internationale, en réalité, pilotée en sous main par la France, attendait-elle de son poulain, une fois, Laurent Gbagbo, le plus farouche adversaire de celui-ci, jeté en prison à la CPI, qu’il libère – ou qu’il fasse mine de libérer – le jeu démocratique en Côte d’ivoire. La voilà bien déçue, cette communauté. Alassane Ouattara a préféré entrer dans l’histoire par la petite porte. D’ailleurs avait-il le choix ?
Après une chasse aux sorcières menée contre ses opposants supposés ou non, soldée par l’instauration d’un Etat-terreur et, non satisfait d’avoir « verrouillé » les élections à venir (présidentielle de 2015), en faisant main basse sur la commission électorale indépendante (CEI), avait-il encore besoin de s’accommoder de copinage politique avec l’octogénaire président du PDCI, Henri Konan Bédié? C’est pourtant le cas.
Henri Konan Bédié vient de renoncer à mener son parti à la conquête du pouvoir en 2015, en appelant, que dis-je, en intimant l’ordre à celui-ci de soutenir la candidature unique d’Alassane Dramane Ouattara : « Je donne des orientations fermes pour soutenir ta candidature à l’élection présidentielle prochaine. Je demande à toutes les structures du Parti démocratique de Côte d’Ivoire et des partis composants, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, de se mettre en mouvement pour faire aboutir ce projet. Tu seras ainsi le candidat unique de ces partis politiques pour l’élection présidentielle». Henri Konan Bédié vient ainsi de fouler au pied les résolutions du dernier congrès, instance suprême du PDCI qui recommandait que le parti ait son propre candidat, à savoir un « militant actif » qui sera désigné à la prochaine convention, au grand dam que quelques militants qui, hormis le jeune député Kouadio Konan Bertin dit KKB, n’ont pas le l’audace d’exprimer ouvertement leur désaccord.
Hélas, le PDCI n’est pas le FPI, parti politique fondée par Laurent Gbagbo. Nous avons été témoins des débats parfois très houleux qui ont secoué le parti à la rose, menaçant de le faire éclater et disparaitre. On se souvient même que l’on a failli en venir aux mains lors des échanges entre militants. Affi n’guessan le président du FPI, dont certaines décisions ont été contestées par des militants a été mis en minorité par ceux-ci, au sortir d’une réunion du comité central de son propre parti, et n’eut d’autre choix que de se plier à la loi de la majorité. Aujourd’hui, la tempête semble bien passée au FPI. Tous (anti et pro-Affi) souhaitent à présent regarder dans la même direction et mener un même combat : la libération de Laurent Gbagbo, désir cher à tous les militants et sympathisants de ce parti.
Si au FPI, la base a su imposer à son président, sa vision des choses, ce n’est pas le cas au PDCI, où les volontés de Konan Bédié valent à eux seules des résolutions d’un congrès. «Si je vois rouge et que le président Bédié me dit c’est blanc, je dirais c’est blanc!», affirme, sans gêne, Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole du PDCI-RDA, comme pour traduire l’état d’esprit qui prévaut au PDCI-RDA.
Certes comparaison n’est pas raison. Mais pour une fois, il faut se rendre à l’évidence : au FPI, il y a une base forte qui mène le débat ; un débat ouvert, au point de contraindre son président à revoir sa copie. Au PDCI, il y a un président tout-puissant qui dicte ses caprices, pour son propre bonheur et une base quasiment muette voire inexistante, qui acquiesce mécaniquement les désidératas de son chef « bien-aimé ».
Les dissensions éclatées au grand jour, au sein du FPI ont, dès lors, eut pour avantage de mettre en exergue la force d’une base qui n’entend pas se laisser dicter sa conduite par qui se soit et qui en impose.
On peut dire, sans risque de se tromper : l’appel de Bédié, à soutenir la candidature unique d’Alassane Dramane Ouattara – appelons cela : la démocratie Bédiéenne – n’est, ni plus ni moins, qu’un recul de la démocratie. Le signal renvoyé par cet acte, à la face du monde, est qu’en Côte d’Ivoire l’on est encore loin de la pluralité politique, de la liberté d’expression… du vrai jeu démocratique. A quels besoins répond la candidature unique ? Sinon pour Alassane Ouattara, la crainte de subir la sanction, voire l’humiliation d’un peuple qui, après avoir été frustré en 2010, dans son désir d’élire librement son président entre plusieurs candidats, n’a finalement eu d’autre choix que d’accepter celui imposé par les bombes de l’armée française.
En somme, la candidature unique, telle que goupillée par les sieurs Bédié et Ouattara, est une menace pour la démocratie en Côte d’ivoire. Car en démocratie, les choses dépendent non pas du petit nombre mais de la majorité. C’est ce que l’on a appelé le gouvernement du peuple (du plus grand nombre) par le peuple (par la majorité).
Si les africains, les ivoiriens pouvaient, une fois pour toutes, réaliser que c’est à eux et à eux seuls, que revient d’exercer le vrai pouvoir et non pas aux politiciens ou aux élus qui ne sont qu’à leur service, l’Afrique serait moins remplie de dictateurs et le peuple serait de moins en moins spolié de ses droits.
Marc Micael
La Riposte