Dans 30-50 ans, l’idiot nous racontera-t-il qu’en 2011 le Prix Nobel de la Paix 2009 Barack Obama a détruit le pays le plus prospère d’Afrique, appelé Libye et l’a transformé en un No-Man’s Land, un vrai terreau des terroristes islamistes de tout bord, après avoir tué son président bâtisseur, Kadhafi? Bien sûr que non.
L’idiot nous racontera, avec toutes les références crédibles à l’appui, que le très gentil président américain avait abattu un méchant loup Kadhafi qui voulait tuer tout son peuple après l’avoir traumatisé pendant 42 ans et que c’est grâce à l’intelligence et à l’intervention salutaire du président américain que ce pays avait été transformé de l’enfer qu’il était en paradis sur terre, en pays démocratique.
Dans 100 ans, que dira l’idiot de l’actualité de ce mois d’octobre 2013 qui est à peine terminé? Si Shakespeare est amené à appeler l’historien « idiot » qui fait le récit d’une fable qui ne signifie rien, c’est tout simplement parce qu’avant de se mettre à la place de ces fumeux spécialistes du passé, dans 100 ans, demandons-nous si nous contemporains d’aujourd’hui avons nous-mêmes compris l’actualité. Sommes-nous certains que la radio, la presse et la télévision nous racontent la vérité ou ce qu’il est sélectionné et prévu que nous devons savoir ? Et comment être certain que ce qu’on nous a dit correspond à la réalité des faits ? À la vérité? Nous allons faire un petit tour de l’actualité qui va nous conduire aux USA, en Allemagne et en Italie pour comprendre la complexité des mensonges de l’actualité d’où la quasi certitude que l’idiot dans 100 ans ne racontera qu’une fable qui lui passe par la tête.
1- Union européenne: souriez, Obama vous espionne
« Tous les téléphones portables de la Chancelière Angela Merkel sous écoute par la NSA depuis 2002. Une pratique validée par Obama depuis 2010 », tel est le titre à la Une des principaux journaux européens le 27 Octobre 2013. Mais qui peut croire un seul instant au cirque médiatique mis en scène par les différents dirigeants européens qui se succèdent pour s’indigner des pratiques inacceptables de l’ami américain?
Quelle comédie ! C’est le Ministre français des affaires étrangères le 20 octobre qui ouvre le rideau de la scène lorsqu’il convoque l’ambassadeur américain au Quai d’Orsay pour protester contre les informations du journal Le Monde citant les révélations de Snowden selon lesquelles 70 millions de conversations françaises, téléphoniques, emails, SMS, MMS et vidéo Skype ont été enregistrées par une agence des services secrets américains dite NSA.
Le lendemain, c’est au tour de l’Espagne, puis de l’Italie. Le 24 octobre, c’est la chancelière allemande Angela Merkel qui s’insurge devant les cameras : « J’ai parlé au président américain et je lui ai dit qu’on ne s’espionne pas entre amis ». Amen. J’imagine Obama qui tremble au téléphone avec Merkel à tel point énervée. Mais non, tout ça est faux. Du théâtre pour calmer l’opinion publique. A Washington, ni Paris, ni Berlin ne compte pas plus qu’une feuille de manguier tombée à terre. Et tous conscients de cela, ils font semblant de s’énerver, de s’indigner pour des faits pourtant gravissimes.
Il faut toujours comprendre qu’Obama n’a pas espionné 70 millions d’échanges entre français. Obama n’a pas espionné jusqu’au téléphone portable de la chancelière allemande. Non. Cela serait même acceptable. Il a fait pire : il a purement et simplement enregistré tout ce qui passait par son portable. Où se situe la différence ?
Lorsque vous espionnez quelqu’un par les écoutes, vous avez à disposition un certain nombre de bandes magnétiques que vous effacez et les réutilisez au fur et à mesure que vous vous rendez compte qu’il n’y a rien d’important. Donc, il y a quelqu’un qui en plus d’enregistrer écoute. Dans le cas américain, de la NSA, Snowden n’a révélé que 2 pratiques des 100 et déjà elles nous font frémir, parce que cela consistait tout simplement à tout enregistrer, sans rien écouter. La gravité de cette pratique est liée à la perversité de sa conception.
C’est à dire que de façon aléatoire, nous tous sommes enregistrés, en attente du jour où nous aurons un problème avec l’administration américaine. Ce jour là ils vont tout simplement remonter dans notre passé, en nous faisant chanter s’ils trouvent quelque chose de compromettant. Le téléphone privé de Merkel a été enregistré. Imaginons dans une négociation difficile entre les 2 pays, l’autre aura toujours entre les mains un instrument de persuasion : le contenu des enregistrements. Même les redoutables services secrets de l’Allemagne de l’Est, la Stasi, n’étaient pas arrivés à ce niveau de la négation des droits élémentaires de l’individu. Mais pourquoi malgré cette gravité, les dirigeants européens ne peuvent pas bouger le petit doigt au delà des déclarations de principe ?
Pour comprendre qu’il ne s’agit que d’un cirque, voici quelques éléments qui vont nous le confirmer :
1- Les révélations de Edward Snowden sont vieilles de 2 mois, sans que rien ne soit fait pour protester contre l’ami américain.
2- Lorsque l’affaire a explosé, Obama est à Berlin pour sa première visite officielle comme chef d’Etat. Nous sommes le 19 Juin 2013, lorsqu’il tient une conférence de presse aux côtés de la chancelière Angela Merkel et déclare ceci :
« On n’est pas dans une situation où les services de renseignement américains fouinent dans les courriers électroniques ordinaires de citoyens allemands, de citoyens américains, de citoyens français ou de qui que ce soit d’autre »,
On peut donc dormir tranquille ? Mais non, il faut suivre la suite des déclarations du président américain pour comprendre qu’il affirmait tout le contraire. En effet, il venait à peine de jurer la main sur le cœur qu’il n’avait pas espionné les Allemands que dans la phrase successive, il déclarait que son programme dénommé « Prism » de l’agence américaine de surveillance NSA sur l’espionnage de communications téléphoniques et électroniques avait « sauvé des vies » et il donne même un chiffre : « au moins 50 attentats ont ainsi été déjouées grâce à ces données, pas seulement aux États-Unis, mais aussi ailleurs dans le monde y compris en Allemagne ». C’est à dire que le président américain vient de dire à Merkel en mots plus diplomatiques « oui je t’ai espionné, et alors ? ». Lorsque le 23 octobre elle semble tombée des nues en découvrant que son portable a été espionné par Obama, elle joue son petit cinéma, exactement comme Hollande 2 jours avant elle à Paris. Tout ça c’est du cinéma.
Mais peut-être est-il pour nous plus utile de comprendre comment les pays autoproclamés « démocratiques » peuvent générer des dirigeants qui donnent l’impression d’être des acteurs d’une pièce de théâtre qu’ils ont mal lue et qu’ils ne savent pas eux-mêmes comment cela doit se terminer. Pour le comprendre, nous allons prendre 3 grands pays de l’Union Européenne, et regarder à la loupe les comportements hors de toute logique, des dirigeants de l’Allemagne, de l’Italie et de la France, et ce pour le seul mois en cours d’Octobre.
3- Lorsque Snowden est en transit à l’aéroport Cheremetyevo de Moscou, il fait une demande d’asile politique à presque tous les pays autoproclamés « démocratiques » pour le protéger de son pays les USA devenu pire que la dictature nord-coréenne qu’on nous brandit toujours comme le mal incarné sur Terre, non seulement il ne reçoit aucune réponse positive, mais ces mêmes pays qui aujourd’hui font semblant de se fâcher contre Washington, ont refusé leur espace aérien à l’avion du président Bolivien Evo Morales, parce qu’ils avaient juste le soupçon qu’à son bord se trouvait le petit diable Snowden. L’Autriche ira plus loin, d’abord il fait semblant d’autoriser le survol de son ciel tout en sachant que c’est là où le piège va se refermer sur le président bolivien qui sera selon ses propos « séquestré » et l’avion fouillé comme celui d’un vulgaire trafiquant de drogue, en violant toutes les conventions internationales écrites et approuvées par ces mêmes pays autoproclamés « démocratiques ».
Avant de dire quelque chose sur la gravité de ce fait lié au symbole même de la ville de Vienne dans les relations internationales, intéressons-nous d’abord à ce qui s’est réellement passé ce jour-là.
2- Le cafouillage de l’avion bolivien comme preuve de la subalternité UE
Nous sommes le 2 Juillet 2013. L’avion du président bolivien décolle avec un plan de vol approuvé par tous les pays qu’il s’apprête à traverser. C’est lorsqu’il entre dans l’espace aérien autrichien que les pilotes reçoivent l’information fatale : L’Italie, la France et l’Espagne tous les 3 ensemble se sont réunis pour concorder l’invalidation de l’autorisation concédée auparavant au survol de leur territoire.
En d’autres termes, ces 3 pays communiquent aux pilotes de Morales qu’ils ne peuvent plus survoler ces pays et n’ayant pas suffisamment d’essence pour retourner à Moscou il ne leur restait plus qu’une seule solution : un atterrissage forcé à Vienne en Autriche. A sa descente d’avion, ce n’est pas son homologue autrichien à venir lui expliquer ce qui se passe. Non. A sa place se présente l’ambassadeur d’Espagne à Vienne qui est venu proposer au président bolivien un marché digne de la mafia sicilienne de la protection forcée. Le diplomate espagnole propose au président Morales un nouveau plan de vol et un nouveaux survol des 3 pays qui viennent de lui refuser leur espace, à condition, qu’il accepte librement de laisser qu’on fouille son avion. Et si le président Morales refuse, il a le choix de faire le plein d’essence pour passer par l’Australie pour arriver en Bolivie, c’est-à-dire d’aller s’écraser dans l’océan indien pour panne sèche, son avion ne pouvant supporter plus de 6 heures de vol sans escale.
Le diplomate européen fait comprendre au président Morales qu’il n’a pas de choix que de laisser fouiller son avion. Sur l’instant, personne ne lui dit ce qu’on recherche, mais il sait bien que ces gens courent après les rumeurs de certains journaux américains disant que Snowden aurait demandé l’asile politique à la Bolivie et donc qu’il se trouverait dans cet avion. Les fouilles ne vont rien donner. C’est la honte devant le monde entier pour ces 3 puissants pays de l’Union Européenne qui donnent des leçons de droits de l’homme ailleurs dans le monde. Qu’aurait-on dit si cette scène s’était passée à Cuba ou à Moscou ? Des spécialistes nous auraient expliqué comment la démocratie est mieux que la dictature parce qu’elle empêche un tel comportement de folie.
Il faudra attendre le numéro du mois d’Août 2013 du mensuel français Le Monde Diplomatique pour découvrir la rage du président bolivien de l’humiliation qu’il a essuyée. Il déclare :
« Violant tous les principes de la bonne foi et les conventions internationales, Washington a transformé une partie du continent européen en territoire colonisé. Une injure aux droits de l’homme, l’une des conquêtes de la Révolution française (…) La séquestration d’un avion présidentiel et de son équipage – que l’on est en droit d’estimer impensable au XXIe siècle – illustre la survivance d’une forme de racisme au sein de certains gouvernements européens. (…) La peur, le chantage et l’intimidation sont les instruments de la puissance des États-Unis. De quoi démontrer que la guerre contre le terrorisme aura réduit la vieille Europe au rang de colonie ».
Les mots sont très forts, surtout lorsqu’on sait qu’ils sont prononcés après les excuses officielles présentées par Paris, Madrid et Rome au président bolivien. Mais voir des pays perdre la tête lorsque pour mener la chasse à l’homme contre un réfugié politique qui a commis la seule erreur de se tromper de camp, on est en droit de se demander si toute l’histoire des réfugiés politiques n’est au fond qu’un système de manipulation de l’Occident pour utiliser des citoyens des pays cibles pour salir eux-mêmes l’image de leurs pays de naissance ou d’origine. On oriente ainsi les candidats refugiés à s’accrocher au thème qu’on veut développer à ce moment contre le pays.
J’ai vu des pays africains taxés d’homophobie pour justifier des sommes colossales que l’Union Européenne devaient verser aux associations d’homosexuels dans ces pays, en brandissant nombre de citoyens de ces pays qui remplissent les demandes d’asile politique en Europe avec comme motif : persécuté dans mon pays parce que je suis homosexuel (Cameroun, Sénégal, Zimbabwe etc.).
Revenons au réfugié politique américain Snowden et la séquestration à Vienne du président bolivien. Cette fois-ci, le réfugié n’a pas la nationalité juste. Pour cela, il est MOST WANTED. Comment ne pas taxer de cirque pour calmer la rage populaire, face à cette violation éhontée de la vie privée des citoyens européens par l’administration américaine, les risibles gesticulations de ces mêmes pays lorsque à tour de rôle ils convoquent l’Ambassadeur américain dans leurs capitales.
L’ironie veut que tout cela se passe à Vienne, une ville réputée neutre, équidistante de toutes les querelles mondiales et donc la garantie même de son impartialité dans les conflits mondiaux. C’est à ce titre que plusieurs organisations internationales ont leur siège à Vienne qui est l’une des 4 villes siège des Nations-Unies (New York, Genève Nairobi et Vienne). Dans cette ville, il y a 4 000 fonctionnaires onusiens venant d’une centaine de pays qui travaillent dans le complexe appelé CIV (Centre International de Vienne) dont voici la liste souvent méconnue du grand public :
– L’Office des Nations Unies à Vienne (ONUV)
– Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC)
– Secrétariat de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI)
– Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (CUPEEA, dépendant du BAS)
– Le Comité scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations atomiques (UNSCEAR)
– L’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI)
– L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA)
– La Commission préparatoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE)
Et bien d’autres organisations comme l’Organisation des Pays producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP), alors que l’Autriche ne produit pas la moindre goûte de pétrole. Ou l’Organisation des pays producteurs et exportateurs d’armes à feu pour mettre un peu d’éthique dans leur commerce de la mort et qu’on appelle l’Arrangement de Wassenaar. Mais aussi, le point de contact pour le « Code de Conduite de la Haye » contre la prolifération des missiles balistiques.
Si Vienne bénéficie de toute cette confiance, c’est parce que, comme la Suisse, l’Autriche se proclame pays neutre. Et c’est ce pays qui pour faire plaisir à Washington, décide de violer toutes les conventions internationales et oublie son rôle de pays neutre, oublie sa propre carte d’identité dans le concert des nations.
3- Pourquoi Obama espionne-t-il spécialement la chancelière allemande ?
Merkel vient de l’Allemagne de l’Est et donc, n’est jamais passée par le formatage du Mouvement Européen. Merkel est vue par Washington comme le symbole de la RDA (République Démocratique d’Allemagne), avec toutes ses lumières et ombres. Officiellement, l’Allemagne est partie intégrante de la cours coloniale américaine. Mais dans les faits, c’est le seul pays européen qui monte des stratégies pour sortir des griffes américaines.
Lorsque le chancelier Elmuth Khol la choisit comme dauphine, c’est tout sauf un hasard. Kohl a subit les années d’humiliation dans un pseudo couple franco-allemand où Mitterrand devait l’inviter, lui tenir la main pour les photos, exactement comme on tient la main d’un gamin de la maternelle pour le rassurer. Lorsque Schröder perd les élections et cède son fauteuil de chancelier à Merkel, il fait une reconversion des plus spectaculaires : passer de la chancellerie allemande à l’état major de la plus puissante société d’état russe : Gazprom. Le signal est donné aux services secrets américains qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Pire, le pouvoir est passé à une ex-communiste, qui de toute sa vie, n’a connu que le communisme. Les soupçons des américains vont vite se révéler fondés.Merkel sait que la RDA était le pays le plus puissant après l’Union Soviétique dans les pays du bloc de l’Est.
Débuté sous Schröder, au lieu de voir ces pays de l’Europe de l’Est comme des zones pauvres qui veulent la compassion de l’Union Européenne avec quelques miettes, Merkel va les mettre au cœur du développement agro-industriel de l’Allemagne avec des prix qui défient toutes concurrences. Les allemands vont largement se servir des plantations dans ces pays limitrophes pour alimenter à moindres frais ses usines de laiterie, de découpage de porcs, de volailles etc… mettant à genoux plusieurs filières en France où la plupart des entreprises qui vont déposer le bilan sont américaines ou à capitaux américains, souvent achetées par des fonds de pensions. Ce qui met en difficulté de nombreux retraités américains qui comptaient sur la santé de ces entreprises en France vantée pendant des dizaines d’années comme étant le premier producteur agro-alimentaire d’Europe.
Que ce soit la guerre en Libye que celle en Syrie, contre toute attente, la position allemande est en droite ligne avec la position russe. Ce qui agace Washington. Lorsqu’en 2008, encouragée par les USA, l’Union Européenne décide de limiter l’hégémonie russe dans les livraisons de gaz par le financement d’une source alternative. Cela va s’appeler Nabucco, un projet de près de 8 milliards d’Euros qui devait transporter 31 milliards de m3 de gaz par an de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan, jusqu’à Baumgarten en Autriche, longue de 3.900 km. Les travaux devaient commencer en 2013 et le gaz être acheminé à partir de 2017. Mais nous sommes arrivé à la fin de l’année 2013 et toujours rien.
L’accord a été signé en 2011. Et avec la mort du Guide Libyen, la Russie a tout simplement rencontré les dirigeants de ces deux pays avec une intense documentation sur les relations entre l’Europe et la Libye de Kadhafi qui avait été la première pour un tel pipeline avec l’Italie. Des photos de différents leaders européens sous la tente de Kadhafi en plein désert Libyen, du Premier Ministre britannique Tony Blair au Président du Conseil italien Silvio Berlusconi en Passant le Président de la Commission Européenne, Romano Prodi. Des photos de sa parade à Paris. La preuve des versements jusqu’à 100 millions d’Euros pour financer la campagne électorale de certains d’entre eux, ceux là mêmes qui vont le tuer pour le remplacer par des libyens plus dociles.
La conclusion était : Si les Européens dépensent près de 8 milliards d’Euros pour un tel projet, tôt ou tard ils vont venir vous déloger avec une rébellion bien organisée comme en Libye. Cela vous convient plutôt de vous abriter sous l’ombrelle Russe. Résultat; depuis il y a l’argent pour construire le gazoduc, mais aucune goutte de gaz à l’horizon, tous ces pays se sont rétractés au profit du projet concurrent South Stream de Gazprom où siège un certain Gerhard Schroeder, ex chancelier allemand. Même du côté des acheteurs européens, c’est le même sauve-qui-peut. Contre toute attente, en Avril 2013, le groupe allemand RWE qui détenait 17% du consortium Nabuco a annoncé son retrait du projet, enfonçant toujours plus la possibilité d’autonomie européenne de la Russie. Ce qui fait que les américains se demandent toujours plus de quel coté joue l’Allemagne.
Pour information, le projet concurrent South Stream déjà en construction, va acheminer 47 milliards de m3 de gaz par an, produit la compagnie étatique russe Gazprom et relier la mer Caspienne à l’Italie, à travers un réseau terrestre de 2540 km et offshore de 923 km. Ce qui va permettre d’éviter le chantage polonais ou Ukraine. Le tronçon Serbe qui risquait de poser problème par manque de financement a été refinancé par la Russie à hauteur de 1,7 milliards d’Euros et les travaux démarrent pour cette partie en décembre 2013 pour que tout soit prêt pour 2016.
Le premier projet, dénommé « North Stream » a été inauguré le 8 Novembre 2011 par la chancelière allemande Mme Merkel et le président russe M. Medvedev dans le village de Lubmin, dans l’est de l’Allemagne, le point d’arrivée du gazoduc sous-marin le plus long du monde : de 1.200 km qui part de Vyborg, près de Saint-Pétersbourg, en Russie, et passe sous la mer Baltique. Il acheminait 27,5 milliards de m3 du gaz sibérien par an. Quantité multipliée par deux avec l’ajout d’un nouveau tuyau en 2012. L’Allemagne, encore une fois au cœur d’une relation intense avec l’ennemi russe.
Plus récemment, lors du sommet du G20 à Saint Petersburg, alors que François Hollande avait prévu une rencontre avec l’Union européenne (qui est membre du G20), pour soutenir sa position d’aller bombarder la Syrie, c’est une véritable humiliation que va subir le président français lorsque Merkel lui envoie une fin de non-recevoir et n’a même pas voulu entendre ce que le président français avait à proposer à ses partenaires européens sur son empressement d’aller bombarder un pays souverain sans passer par les Nations Unies.
Le poids économique de l’Allemagne la met dans une position de domination sans contre poids dans toute l’Union Européenne, au point où on a assisté au contournement spectaculaire et éhonté des règles de fonctionnement européen, juste pour ne pas fâcher l’Allemagne. Et cela donne à Washington une situation qui échappe complètement à son contrôle. Et c’est pour cela que, comme au football, la chancelière allemande doit être marquée, comme un défenseur marque un attaquant très doué. En voici un exemple :
Lorsque le 22 septembre 2013, les 62 millions d’allemands se rendent aux urnes et confirment un troisième mandat de chancelière à Angela Merkel, ils sont loin de se douter que les vrais patrons de la chancelière, ne sont pas eux, le peuple, les vrais patrons, ce sont les industries automobiles, c’est le patronat qui la finance afin qu’elle soit bien vue de ses citoyens qui ensuite la votent afin qu’elle mette en application le programme de ce patronat. C’est en tout cas ce qu’ont publié la plupart des journaux allemands à la une du 16 octobre 2013 dernier, informant le peuple allemand du don de 690.000 euros, que les 3 héritiers de la marque d’automobile BMW venaient de verser dans les caisses du parti politique de Angela Merkel.
Selon Reuters, « Ces dons ont été faits par Johanna Quandt, veuve de l’industriel Herbert Quandt, qui détient 16% du capital de l’entreprise et par ses enfants Stefan Quandt et Susanne Klatten qui possèdent respectivement 17% et 12% du constructeur munichois. Chacune des donations s’élevait à 230.000 euros. »
Ce que Washington ne s’explique pas dans cette histoire un peu bancale, il est vrai, c’est la bizarrerie du moment choisi pour faire ce don. Ils ont déjà donné l’argent pour lui permettre de remporter les élections. Pourquoi lui redonner de l’argent immédiatement après, alors qu’elle n’a pas encore convaincu le SPD de former ensemble un gouvernement de coalition ?
Pour le comprendre et trouver la vraie réponse à cette question, à propos de la pièce de théâtre que jouent les politiciens allemands et que Washington a l’impression de ne l’avoir pas lu en entier et donc s’irrite de ne pas savoir comment cela va se terminer, au point d’espionner tout le monde, nous avons besoin de faire un saut en arrière de quelques mois.
L’histoire commence le 7 Juillet 2013, lorsque par un communiqué, le constructeur allemand de Stuttgard, le Groupe Daimler (propriétaire de la marque de voiture Mercedes) annonce que la France a interdit depuis le 12 Juin 2013 l’immatriculation de des Mercedes-Benz Classe A, B, CLA et SL, pour une histoire de gaz réfrigérant. Et de conclure avec ces mots :
« L’homologation par l’organisme officiel allemand, le KBA (Kraftfahrt-Bundesamt), est reconnue par les autorités de tous les marchés européens à l’exception, et ce depuis le 12 juin 2013 seulement, de l’autorité française compétente ». Il s’agit d’une perte sèche pour des gammes représentant les 60% des voitures Mercedes vendues en France.
Depuis le 1er Janvier 2013, l’Union Européenne avait imposé l’utilisation d’un gaz moins polluant pour la réfrigération, mais les ingénieurs allemands ont trouvé qu’il était plutôt dangereux, causant souvent des incendies dans les voitures. D’où leur décision de continuer avec l’ancien gaz. Et la France qui agissant au nom des autres pays veut faire plier l’Allemagne.
L’affaire est portée par l’Allemagne devant les instances Européennes. C’est la Commission Européenne qui tranche le 16 Juillet 2013 en donnant raison à la France, accompagnée de façon triomphaliste, par les titres les plus ronflants de la presse française : « L’Union Européenne se range derrière la France ». « À la fin, c’est pas toujours l’Allemagne qui gagne »
C’était en effet l’occasion rêvée des petits pays de l’UE qui subissent depuis le début de la crise économique en 2008, le diktat de l’austérité allemande, de se venger. Dans la décision de la Commission européenne, il est même question de sommer l’Allemagne à s’expliquer avant le 15 aout 2013 pour expliquer pourquoi elle a autorisé la mise sur le marché d’une voiture non conforme. On parle même de faire retirer du marché européen toutes les voitures citées plus haut, produites après le 1er Janvier. C’est l’humiliation de l’Allemagne en pleine règle.
Mais l’Allemagne n’avait pas dit son dernier mot. Et tous les autres 27 pays de l’UE vont l’apprendre à leurs dépends, dès le successif conseil Européen qui se tient au Luxembourg. Et c’est dans ce contexte qu’entre en jeu les héritiers de BMW qui cessent d’être des concurrents de Mercedes pour n’être que des Allemands pour défendre l’honneur bafoué de l’Allemagne, avec une jubilation de Washington qui fait semblant de ne pas voir ce qui se passe contre son allié qui lui fait le plus peur. C’est au Conseil des ministres UE de l’environnement du lundi 14 Octobre 2013 que l’Allemagne va sortir l’artillerie lourde et faire capoter des décisions prises depuis des mois sur la pollution afin de protéger BMW et Mercedes. C’est une grande première dans l’UE depuis sa création en 1957.
Habituellement, le conseil de ministre ne discute pas les textes ou les amendements. Tout cela est fait au préalable par la commission européenne et le parlement européen et lorsque le texte arrive au conseil des ministres, ces derniers doivent se limiter à signer pour valider le travail de ces 2 organismes. Mais ce 14 Octobre 2013, rien ne va se passer comme prévu, parce que l’Allemagne a tout simplement décidé de mettre le pied dans le plat de l’écologie européenne en faisant repousser l’application des normes contraignantes sur la baisse des émissions de CO2 par les voitures et baisser seulement de 95gr de CO2 en 2020, au lieu de 130gr en 2015 comme prévu par les textes soumis aux ministres européens. Les écologistes ont crié au scandale allant jusqu’à accuser le Royaume Uni et la France de s’être faits achetés par l’Allemagne, pour céder à son diktat. Les titres des journaux du 15/10/2013 sont de la partie :
« L’Allemagne piétine l’Europe » « ‘Allemagne enterre l’écologie pour sauver Mercedes et BMW »
« L’UE à la merci de Merkel et de ses grosses Berlines » « Touche pas à la puissante industrie automobile allemande »
Le quotidien économique français Les Échos rapporte même dans son édition du 15 Octobre 2013, les propos d’un diplomate européen présent au Luxembourg :
« Nous devons trouver une formule magique où la flexibilité accordée aux constructeurs serait assez forte pour contenter Berlin et suffisamment faible pour plaire à ceux défendant les objectifs initiaux »
Dans le même quotidien, un autre accuse clairement le Royaume Uni et la Pologne de s’être « vendu » à l’Allemagne en ces termes :
« Ils ont négocié cher leur ralliement, en échange de faveurs à venir »
En conclusion, les États-Unis dirigent leur colonie européenne, mais c’est l’Allemagne qui en dernier ressort, commande. Mais avec tout cela, nous n’avons toujours pas répondu à une question : L’Union Européenne est-elle une colonie américaine ?
A suivre…
Jean-Paul Pougala 8/11/2013