La pression africaine sur l’institution judiciaire internationale et le refus de se retrouver en train de livrer ses propres partisans y sont pour quelque chose dans la volte-face de Ouattara dans sa collaboration avec la Cpi.
Après deux ans de procédure, la Cour pénale internationale se retrouve embourbée dans le dossier ivoirien. Et c’est peu de le dire.
Lors de son séjour en Côte d’Ivoire, l’ex-procureur de la Cpi, Luis Moreno Ocampo déclarait, face à la presse le 15 octobre 2011, que son Bureau avait ciblé au moins 6 personnalités contre lesquelles pèseraient de lourds soupçons de crimes contre l’humanité.
Selon ses dires, le Bureau du Procureur devrait se retrouver à engager des poursuites contre trois personnalités dans chacun des camps en conflit, lors de la crise postélectorale. Et pourtant les dés semblaient déjà pipés et le rouleau compresseur en marche pour « broyer» du Laurent Gbagbo. Un mois plus tard, le président Gbagbo était transféré à La Haye. Et deux années après, la procureure Fatou Bensouda qui a pris la suite d’Ocampo n’a pas fait mieux que de marcher dans les pas de son prédécesseur, jetant de plus en plus des soupçons d’une justice internationale partisane.
Alassane Ouattara prend ses distances avec la Cpi
Alors que les mandats d’arrêts pleuvent sur le camp Gbagbo, la Cpi se refuse toujours à lever les scellés des mandats d’arrêts émis contre des personnalités proches de Ouattara et non des moindres. Et Ouattara s’engouffre dans cette brèche pour prendre ses distances vis à- vis de ses amis de la Cpi qui l’ont aidé à neutraliser pour l’heure, politiquement son adversaire Laurent Gbagbo. Et ce, en se refusant à livrer à la justice internationale Simone Gbagbo et Blé Goudé, dans l’optique de protéger les quelques ex-chefs de guerre dans le collimateur de la Cpi. Du coup, la procureure de la Cpi se sent flouée dans le deal. Surtout qu’elle peine encore à avoir la peau de Laurent Gbagbo, avec des preuves jusque là introuvables.
En jurant la main sur le coeur de lutter contre l’impunité d’une part et en saisissant la CPI dans le cadre du dossier ivoirien d’autre part, Alassane Ouattara mettait en oeuvre un plan savamment orchestré qui visait uniquement à neutraliser ses adversaires politiques. Et rien d’autre ! Ainsi, Ouattara a réussi à transférer à la Haye son plus farouche adversaire, le Président Laurent Gbagbo, le 30 novembre 2011, dans des procédures judiciaires au contour vicié. Alors même que le Bureau de la procureure de la Cpi peine à prouver la responsabilité de Laurent Gbagbo dans les crimes contre l’humanité qu’on lui impute, la Cpi émet un mandat d’arrêt sous scellés contre Mme Simone Gbagbo, le 29 février 2012 (soit trois mois après celui de Laurent Gbagbo), avant de le rendre public le 22 novembre de la même année.
Si l’exécution du mandat d’arrêt de la Cpi contre le président Gbagbo s’est presqu’immédiatement faite, pour le cas de Mme Simone Gbagbo, le Gouvernement ivoirien a opposé une fin de non recevoir. Pour mettre davantage de pression sur le gouvernement de Ouattara, la Cpi a levé fin septembre 2013, le scellé sur le mandat contre Blé Goudé. Mais le régime Ouattara n’est pas dupe. Et sait que le revers de la médaille se cache derrière cette pression de la justice internationale. En réalité, Ouattara craint de livrer ceux qui ont fait la guerre pour sa prise du pouvoir. Se mettre à dos Soro et ses chefs de guerre est l’erreur que se refuse de faire Alassane Ouattara. Il profite donc de la forte pression de l’Afrique contre la Cpi, et des vives réactions du transfèrement de Laurent Gbagbo, pour justifier la nonrecevabilité de la requête de la Cpi quant à l’exécution des autres mandats.
Critiquée de toutes parts, la procureure tente de sauver la face. Piégée par le refus poli du régime Ouattara de collaborer entièrement avec la Cpi sur d’autres dossiers, le Bureau de la procureure n’a eu d’autre choix que de procéder à la levée tous azimuts des scellés sur les mandats d’arrêts contre des personnalités ivoiriennes. Et la possibilité de plus en plus plausible de la libération prochaine du président Laurent Gbagbo n’arrange pas Fatou Bensouda et son bureau. Qui éprouvent déjà d’énormes difficultés sur le dossier «Le procureur c. Laurent Gbagbo ».
Franck Toti