Notre génération a accédé ensuite au pouvoir après avoir tué, au sens vrai ou figuré, ces premiers leaders.
Qu’en a-t-elle fait, de ce pouvoir conquis dans la violence, souvent avec l’aide du colonisateur que nos pères croyaient avoir mis dehors, mais qui a utilisé les nouveaux venus pour régler leurs comptes à ceux qui avaient osé les braver pour libérer leurs pays?
Incapables de montrer le chemin de la liberté si chèrement conquise, incapables de guider leurs peuples vers le développement, les nouveaux maîtres du pouvoir politique sont pratiquement tous devenus, peu ou prou, des dictateurs, des suceurs du sang de leurs propres frères et sœurs.
Découragée, désespérée, affamée, la génération suivante, celle qui est arrivée après la mienne, a purement et simplement déserté le combat pour la liberté. Par lâcheté, par pur égoïsme et par appât du gain et de l’enrichissement facile et rapide, elle a cru n’avoir plus que le choix entre:
émigrer quoi qu’il arrive et quel qu’en soit le prix à payer: beaucoup ont disparu pendant cette macabre «transhumance»; la plupart de ceux qui sont parvenus à «l’eldorado rêvé» traînent leur misère dans les villes européennes ou américaines, bardés de diplômes universitaires et même de thèses, mais obligés d’accepter pour quelques euros, des boulots de sous-hommes: éboueurs, gardiens d’immeubles, membres d’organismes de sécurité privée… surexploités, mal logés, poursuivis par la police…
se transformer en bandits de grands chemins: coupeurs de routes, racketteurs, preneurs d’otages, pirates des mers, trafiquants en tous genres, chefs de guerre, assassins…
Au besoin, ils espèrent ennoblir leurs crimes en invoquant la «guerre sainte», le djihad, en appelant l’islam au secours, alors que ce faisant, ils trahissent allègrement le prophète, le Coran, la Sunna…
L’Afrique est à la croisée des chemins: c’est le moment pour la jeune génération de se ressaisir, de reprendre le chemin de la conscience et de se mettre au travail pour délivrer le continent ou bien de le faire sombrer définitivement, corps et biens.
Kofi Yamgnane