En termes de budgets militaires des opérations militaires extérieures, la France se trouve depuis au moins 2005 dans le cas de devoir financer lesdites opérations bien au-delà de ce qui avait été budgété lors des votes des parlementaires français. Prévues autour des 100 millions d’euros en 2005, les dépenses avaient atteint 532 millions et l’embolie s’était à nouveau propagée les années suivantes pour cause d’intervention en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, en Lybie… et maintenant au Mali. En 2006 et 2007, les budgets calculés avaient encore été largement dépensés, et les sommes atteintes furent entre une fois et demie et quatre fois supérieures à celles affichées dans les prévisions gouvernementales.
Ces écarts effarants de budget, qui pourraient se monter entre 2005 et 2012, à quelque 3 milliards d’euros au bas mot, participent grandement à creuser un déficit des finances de l’Etat français au point que le pays ait pu perdre ses notations auprès des agences financières anglo-saxonnes. Beaucoup d’experts anglo-saxons affichent même des prévisions pessimistes sur le fait que la France serait bientôt la prochaine sur la liste des déroutes financières, après la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie. C’est donc assurément une guerre à crédit que la France mène depuis de longues années, une guerre qui est financée par les contribuables français moyens et celle du Mali ne fera pas exception.
Car la guerre moderne, comme du reste l’ancienne, cela coûte cher, même très cher. Dans le cas des opérations au Mali, les Français peuvent certes compter sur des bases aériennes alliées dans les pays qui entourent la zone rebelle, au Niger, en Algérie, au Sénégal et bien évidemment au Mali. La flotte jouera donc un rôle négligeable, ce sera une guerre continentale. Mais il n’en reste pas moins que le Mali, et la zone du Sahel et du Sahara, c’est loin… très loin. Sans doute pas aussi loin qu’en Afghanistan dont les Français vont se retirer, mais tout de même le coût de transport des troupes, ravitaillements et munitions reste colossal, sans parler du coût intrinsèque des opérations propres. Contrairement à la Lybie, la France va devoir en effet mener une guerre terrestre active qui ajoutera au coût des forces aériennes très onéreuses, celle d’une intervention au sol.
Dans les airs, à titre d’exemple, il faut compter 27 000 euros par heure de vol d’un Rafale, plusieurs dizaines de milliers d’euros pour les missiles qu’il tire, et nous passerons sous silence le coût prohibitif des munitions des autres avions, hélicoptères, chars ou pièces d’artillerie que la France ne manquera pas d’utiliser. Pour l’économie, l’adage est bien connu, « une bonne guerre, il n’y a rien de tel… » Oui mais ! Rien de tel pour enrichir certaines industries et profiter à certains intérêts, mais rarement pour le profit commun de tous et pour l’intérêt général. Ce seront donc, les Français qui payeront cette guerre, ils vont la payer à crédit, de leurs poches, dans les gouffres de la TVA, des taxes indirectes ou directes diverses et de leurs impôts…
En Libye, le chiffre psychologique d’un milliard fut lâché en 2011 pour l’intervention française, alors que la crise européenne battait son plein. En 2012, les opérations militaires en Afghanistan, en Somalie, les soutiens matériels et financiers aux « rebelles » syriens islamistes ne sont pas connus, pas encore, mais n’apparaissent pas avoir été inférieurs à plusieurs centaines de millions d’euros : 650 ? 800 millions ? Les Français quoi qu’il en soit paieront. Le plus étrange de cette facture, est de penser comme le faisait si brillamment remarqué mon collègue Alexandre Latsa, que la France soutient les djihadistes en Syrie et en Libye, pour les combattre… au Mali et en Somalie. Si les raisons de l’intervention ne sont pas notre propos, force est de constater combien cet argent apparaît bien mal placé également.
La France n’a pas connu de budget bénéficiaire depuis la présidence de Giscard d’Estaing… soit près de 40 années de budgets déficitaires qui s’accumulent les uns après les autres depuis la fin des années 70… Une situation tout à fait exceptionnelle qui empire chaque année et conduira immanquablement à une banqueroute future, tôt ou tard. Cette banqueroute qui menace la Grèce, est une réalité également de la France. Le Royaume-Uni qui menaçait de quitter le navire avant qu’il coule, juste avant cette guerre opportuniste, ne s’y trompe pas, le mal est trop grand pour être soigné. Il fut la cause de 1783 jusqu’en 1789 d’une agitation montante en France, qui mena une Révolution dont la source principale plongeait ses racines dans les causes financières, dans le déficit… Un ministre de Louis XVI, Calonne porta même le surnom peu envieux de « Monsieur Déficit ». Depuis les Français en ont connu de très nombreux !
Le déficit engendrera-t-il d’autres événements majeurs à longs termes en France ? Peut-être. Ce qui est certain, c’est que chaque Français paye maintenant plus d’impôt qu’un paysan de l’époque de l’Ancien régime, que les péages rétablis et qui étaient honnis par les Français de l’époque, des ponts et des routes n’ont jamais été aussi chers, que les Français ne font plus les corvées mais les payent… très chers et que l’ensemble de la pression fiscale sur les Français est désormais d’une telle ampleur, qu’elle pèse plus lourd que celle qui déclencha avec d’autres raisons la grande Révolution. Les Français, déclarait méchamment le Général de Gaulle « sont des veaux», il nous semble plutôt que nous ayons affaire à de braves « vaches laitières » !
La Corne d’abondance toutefois, par le biais des crédits, ne semble pas avoir terminé de déverser son opulence, certes canalisée dans des directions bien choisies. Certains retraités l’auront toutefois remarqué en France, les retraites qui arrivaient avant juin 2012 à dates exactes, se sont décalées dans le mois, un retard inquiétant précurseur de futures difficultés ?
Laurent Brayard