Coalition Arc-en-ciel et quoi encore…?

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Enième scénario mal écrit ou simple répétition d’une histoire fatale imposée aux leaders politiques Togolais par le clan des Gnassingbé et ses thuriféraires ? Toujours est-il qu’avec le FRAC, le Front Sage, devenu obsolète ou en veilleuse et le  CST hier, puis aujourd’hui, la Coalition Arc-En-Ciel…, on est  tenté de se demander : et quoi encore pour demain? Cette question est légitime dans la mesure où, au Togo et sûrement dans la Diaspora, le lancement du CST a soulevé des espoirs, alors même qu’il existe encore des Togolaises et des Togolais qui ne se reconnaissent ni dans l’un, ni dans l’autre regroupement.

Pour ces Togolais-là, et Dieu sait qu’ils représentent la majorité, le problème togolais n’est plus une  question de regroupement, mais une question de stratégie réfléchie et adaptée, de sursaut, de victoire. L’enjeu national qui se pose à nous aujourd’hui exige une nouvelle plutôt que de beaux sigles comme ce fut par le passé.   Ceci est d’autant plus vrai aujourd’hui parce que  le dénominateur commun à toutes ces coalitions, à tout acteur pour l’alternance  réside uniquement dans la volonté d’en finir avec le reste de la famille régnante dont la volonté explicite est de se pérenniser au pouvoir par diversion continue. Or le but d’instaurer la démocratie et les droits de l’homme depuis 1990 se heurtant aux manœuvres dilatoires du pouvoir, s’impose à nous une exigence d’union aux antipodes de ce à quoi on assiste actuellement. La stratégie, on la connaît étant donné que sous tous les angles, le diagnostic est le même, à savoir cette fois, trouver les moyens adéquats de déboulonner les bases de la dynastie naissante, puis d’instaurer la démocratie et ses corollaires, il importe d’éviter toute nouvelle entrave à notre objectif. Si notre peuple accepte malgré les risques de battre le pavé, de dénombrer à chaque sortie des blessés et des morts, c’est seulement pour que se lève sur notre pays une aube nouvelle. C’est pour que l’alternance à laquelle il aspire, accouche d’un Togo plus juste et dépouillé de tout arbitraire et de toute impunité. C’est pour que la richesse nationale soit mieux redistribuée. Pour que se réduise la pauvreté…

Il y a vingt-ans, on s’amusait à classer notre opposition en trois catégories: les extrémistes, les radicaux et les modérés. Entre temps, à l’épreuve du temps et des réalités, les labels et les masques sont tombés, inversant les rôles. Des extrémistes et les radicaux se sont mués en modérés si non plus…Les modérés sont devenus clairement des alliés du pouvoir. L’exemple le plus palpitant et effarant est la reconversion du « leader charismatique et historique » de l’UFC, Mr. Gilchrist Olympio. Celui au nom de qui sont morts bien des compatriotes connus ou anonymes. Son ralliement au parti au pouvoir n’aurait  rien  eu d’extraordinaire, de révoltant s’il était advenu un peu plus tôt. Nous aurions pu économiser d’innocentes victimes. Abréger nos souffrances… Le peuple aurait pu mieux apprécier. Mais attention, certains connaisseurs nous diront que c’est la politique…Pour certains, en choisissant le parti du RPT, l’UFC s’est de fait exclu du cercle des partis de l’opposition telle que nous  l’entendons. C’est un autre débat.

Que dire du CPP, CAR, de la CDPA, du PDR, de l’UDS… qui ont accepté des strapontins dans les gouvernements Faure? Se sont-ils eux aussi exclus de l’opposition? Je n’irai pas jusque-là, au risque de commettre la même erreur que certains acteurs de la vie politique togolaise qui, au fil de l’interminable  durée du combat, tentent chaque jour de trouver l’eau froide dans l’eau chaude. La  vie politique togolaise on le sait, est faite de soupçons, d’intoxication, de rumeurs et d’intrigues. Mais la vérité c’est que M. Edem Kodjo de la CPP et Me Agboyibor du CAR ont été Premiers Ministres de Faure. Le Pr Leopold Gnininvi, Zarifou Ayéva… ont été Ministres d’État… Sûrement que tous ces « grands opposants »  ont accepté de travailler avec le fils Gnassingbé, au nom de l’apaisement. « Pour changer les choses de l’intérieur»,  diront-ils eux-mêmes. Mais, mis à la touche depuis, ces leaders que je viens de citer, ont sûrement déjà tiré le bilan de leur « collaboration ». S’ils devaient publier ce bilan, il se résumerait au mot « négatif » doublé d’une immense désillusion et frustration. Outre le fait que leur carnet d’adresses, leurs relations personnelles ont permis à l’héritier de s’enraciner, ils n’ont rien obtenu pour le peuple au nom duquel ils disent agir. Bien au contraire, ils ont renforcé l’asservissement de ce peuple.

Comme nous pouvons le remarquer à présent, il est difficile aujourd’hui de labéliser les partis de l’opposition. C’est peut être une bonne chose, car, d’anciens partisans du RPT, se sont ralliés au combat du peuple. Il est donc simplement indiqué de loger, avec un zeste de vigilance tous ceux qui se réclament du combat émancipateur du peuple dans la même enseigne. Les termes extrémistes, radicaux ou modérés d’hier sont démodés. Pis, les attributs idéologiques ou dogmatiques du genre de socialiste, centriste ou libéral n’ont quasiment rien à voir avec la réalité togolaise. Au Togo, le combat politique oppose le camp conservateur d’un héritier déboussolé aux forces du renouveau démocratique. Nul n’a besoin de sortir de sciences Po, pour comprendre que les conservateurs usent de la même stratégie, à savoir, divertir, réprimer, tuer s’il en est besoin, corrompre, terroriser, intimider… Cette stratégie a toujours payé. Pendant ce temps, l’opposition ou plutôt ceux qui s’en réclament, elle, laisse canarder le peuple, accepte de dialoguer en rangs dispersés, va aux consultations électorales perdues d’avance, non pas seulement à cause des tricheries orchestrées par le pouvoir, mais beaucoup plus à cause de ses errements, de ses divisions. Ah, les divisions, une maladie congénitale de l’opposition togolaise. Une maladie pour laquelle nous devrons refuser d’accréditer la thèse de malédiction, même si par moments on a tendance à y déceler une marque spirituelle dans la démarche de nos indéboulonnables leaders. Justement parlant de spiritualité, qui peut se proclamer plus croyant que nos leaders de l’opposition toutes catégories confondues? Tous jurent se battre pour le peuple. Ils se ruinent pour le peuple. Prenons-les donc au mot. Ce peuple martyr ne veut plus souffrir. Pour ce faire il récidive simplement sa demande de vous voir Messieurs les opposants, quelles que soient vos divergences, vos querelles, vos intérêts, de vous voir solidaires pour vaincre le pouvoir RPT/ UNIR.

La libération de notre peuple est au prix d’un grand sacrifice. Celui qui verra chacun taire ses prétentions au profit de l’intérêt général. Se mettre ensemble, pour dégager des candidats uniques aussi bien aux législatives qu’aux communales est tout le monde le sait, la seule garantie pour mettre fin à l’hégémonie du RPT ou de ses héritiers.   Le problème n’est pas uniquement le système RPT, mais l’opposition qui, bien que connaissant le diagnostic et le remède refuse de l’appliquer.

En 2003, à la veille des échéances présidentielles, j’ai contacté une institution religieuse en Allemagne afin qu’elle invite nos leaders de l’opposition, pour qu’au cours d’un conclave en terrain neutre, elle désigne un candidat unique contre feu Eyadema. Tous frais payés, nos leaders ont bien fait le déplacement, mais ont fini par afficher au grand jour leurs divergences très éloignées des préoccupations des attentes du peuple.

Des années se sont écoulées. La prise en otage des populations togolaises perdurent en dépit des maquillages et des rotations enregistrés à la tête du gouvernement.

Notre rêve d’un Togo démocratique semble chaque jour repoussé aux calendes grecques par notre propre faute. Oui, par notre propre faute, car si hier, aller vaille que vaille à certaines tables de négociations sous d’énormes pressions ou prendre la tête ou rentrer au gouvernement pouvaient être considéré comme des erreurs de stratégies ou des essais, de…  aujourd’hui, refuser d’épouser la dynamique unitaire est une faute plus grave , voire un crime. Aussi n’est-il pas insensé de poser la question à savoir de quel chapeau sort cet arc-en-ciel qui vient assombrir le ciel togolais au lieu de l’éclairer et de le colorer ? Quoi qu’on dise, de n’importe quel point de vue on se situe, la coalition arc-en-ciel sème la confusion entre l’entrée et la sortie du peuple togolais d’un long tunnel de plus d’un demi-siècle. Le nouveau-né, a été accouché sûrement par césarienne… avec des géniteurs respectables, bourrés d’expériences et conscients de leurs dettes vis-à-vis du peuple laborieux, tels que Me Agboyibor et le Pr Gnininvi…Lesquels géniteurs doivent enfin une lueur d’espoir aux populations.

Habitués à lire dans les pensées des autres, nous avons déjà commencé à vilipender l’initiative de création de coalition Arc-en-ciel. N’avons-nous pas raison? Ne dit-on pas que chat échaudé craint l’eau froide? Combien de fois nos échecs n’ont- ils pas été une des conséquences de nos propres turpitudes? Nous voulons avoir tort. Car, sans doute que les partis politiques membres de la nouvelle coalition ont voulu se mettre en ordre de bataille pour entamer des discutions d’unité avec le FRAC et le CST. Mais, le passé nous enseigne qu’au Togo, il y a une mauvaise propension à croire que seuls les partis politiques doivent avoir le monopole de la parole politique. Certains opposants que nous retrouvons dans cette nouvelle entité ont toujours été les chantres de l’exclusion des associations, disons de la société civile de la chose politique aux moments décisifs. Cette stratégie a toujours fragilisé le combat et fait la part belle à l’adversaire. Nous devrons donc tirer la sonnette d’alarme, pour l’ultime fois.

Osons croire que les initiateurs de cette coalition sauront éviter les  pièges du passé tendus aux leaders pour manquer  au rendez-vous historique de voir notre pays débarrassé une fois pour toute de la dictature, de la corruption de l’injustice etc… D’un régime fantoche dont l’armée, le RPT/UNIR et une partie des Gnassingbé constituent la  partie visible de l’iceberg. Il est impérieux cette fois de faire le bon choix au risque, une fois encore, de perdre le combat contre les forces opposées aux progrès du peuple togolais comme ce fut le cas hier.

Bassirou AYÉVA

 

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