Revenant d’une course, je croisai dans le véhicule qui me ramenait à la maison, un collègue. Un ami que je connais bien pour ses opinions politiques. Bien évidemment, après les salutations d’usage, notre conversation a basculé sur l’actualité politique. Reflexe naturelle entre intellectuels. Je ne cacherai pas que lui et moi n’y sommes pas allés de main morte dans nos critiques contre le régime en place. Nous dénonçâmes successivement l’injustice que subissent les populations ivoiriennes et l’impunité dans laquelle prospèrent chaque jour leurs bourreaux. Ensemble, nous dépeignîmes comment la milice Frci est instrumentalisée par les caciques du régime ouattariste pour de basses besognes. En effet, ces hommes armés sont désormais utilisés pour régler des comptes personnels, mais aussi pour des expéditions punitives. Quelqu’un ose t-il critiquer ouvertement monsieur Ouattara et sa politique ? Qu’il soit sûr de se retrouver, dès les jours qui suivent, nez à nez avec ces hommes armés. S’il n’est pas littéralement jeté en prison, il risque de passer un sale quart d’heure entre les mains de ces hommes. C’est souvent une chance inespérée, qu’à l’issue des tortures subies, ce dernier ait la vie sauve. Des personnes osent-ils revendiquer publiquement ? Elles sont immédiatement réprimées, violentées ou pourchassées.
Nous nous sommes surtout indignés qu’au vu et au su de tous, des ivoiriens soient menacés de mort, dépossédés de leurs biens, abusivement licenciés, victimes de la politique du rattrapage ethnique dans l’armée, dans l’administration…, et que d’autres bénéficient plutôt de cette politique en se voyant promu à des postes juteux, ou en étant insérés dans la fonction publique sans aucun concours. Pire, des ministres du gouvernement s’y mettent en se sucrant sur le dos du contribuable ivoirien à travers des contrats véreux.
Au fil de la conversation, mon collègue et moi nous accordâmes sur le fait que bien que ce que nous venions d’évoquer soit su et connu de tous, c’est-à-dire des populations et des dirigeants, rien n’est fait pour qu’une justice équitable soit rendue et que les auteurs de telles infamies soient punis. Bien au contraire, l’impunité est totale et l’injustice règne en maître absolu sur le pays.
Comme le véhicule arrivait au lieu de descente de mon ami, lui et moi constatâmes que monsieur Ouattara, ses copains et leur branche armée, les Frci, pouvaient faire ce qu’ils veulent, quand ils le veulent, comme ils le veulent, à qui ils le veulent et qu’en fin de compte…, « il n’y a rien ».
Une fois seul, je me dis que la conversation que je venais d’avoir avec mon collègue, n’était en réalité qu’une infime représentation de ce qui se chuchote chaque jour dans nos salons, dans les coulisses des bureaux, dans les conversations téléphoniques… Mais que depuis, on aura beau critiqué, « y a rien ». Je descendis, à mon tour du véhicule, partagé entre l’indignation et cette parole qui me revenait sans cesse à l’esprit : « Ne t’irrite pas contre les méchants, n’envie pas ceux qui font le mal. Car ils sont fauchés aussi vite que l’herbe et ils se flétrissent comme le gazon vert ».
Marc Micael