Exclusif ! Gilbert Bawara : « Sauvons le Togo » est une tentacule du FRAC…

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C’est « Monsieur 90% » sinon la botte secrète de Faure Gnassingbé. Lui, c’est  Gilbert Bawara, juriste de formation et ancien ministre de la Coopération sous le premier quinquennat. Devenu pratiquement la seule voix de Faure dans les médias nationaux et internationaux, « GB » pour ses intimes sait là où sortir ses gongs pour défendre son mentor et recadrer les opposants. Dans cette longue interview, il brosse pêle-mêle tout sur le nouveau parti UNIR, tire sur l’ancien premier ministre Agbéyomé Kodjo et recadre Jean-Pierre Fabre. Pour lui, le fait que Faure ait dissout le RPT pour créer le parti UNIR est un acte courageux d’autant plus selon Bawara : « Parfois, des dévoiements et des deviements ont pu se produire. Le RPT a pu à certains moments de notre histoire cristalliser des ressentiments, des exaspérations et des frustrations de certains concitoyens, même dans ses propres rangs. La gouvernance du pays à certains moments a pu occasionner des mécontentements et causer des torts… ». Il parle des travaux de la CVJR, qui méritent reconnaissance et trouve l’association « Sauvons le Togo » comme une tentacule du FRAC. Gilbert Bawara qu’on ne cite plus, à un seul mérite que tout journaliste sérieux devrait  reconnaître. Autour de son mentor Faure Gnassingbé, il est indubitablement le seul à avoir compris le rôle des médias et leur place dans une société civilisée en brisant l’omerta du silence observé avec les caciques de son parti politique. Lecture !

Lynx.info : Finalement ce n’est pas ce que Agbeyomé Kodjo et Péré Dahuku demandaient déjà en 2002 que Faure vient de faire en 2012 avec la dissolution du RPT ? Alors, le RPT portait depuis les germes de sa propre destruction ?

Gilbert Bawara : Absolument pas. La disparition du RPT et la création de l’UNIR n’ont rien en commun avec les relents d’opportunisme, les rivalités personnelles et les conflits d’ambitions qu’il a été donné d’observer dans les années 2002 autour de Feu Général Eyadéma alors que certains de ses collaborateurs et partisans cherchaient à se positionner en vue de lui succéder. Si les personnalités que vous évoquez incarnaient véritablement de nouvelles idées, une espérance nouvelle et une vision inspiratrice et audacieuse pour le Togo, le peuple l’aurait su depuis lors. Qu’il y ait eu à l’époque une part de bonne foi et de sincérité chez certains des critiques et des détracteurs du RPT, j’en conviens volontiers. Ceci n’est certainement pas évident en ce qui concerne Agbeyomé Kodjo dont l’inconstance et la trajectoire politique assez sinueuse, instable et solitaire ne me paraissent pas être le symbole d’un modèle d’engagement sur des convictions solides et sur des valeurs et des idéaux exemplaires.

Lynx.info : Alors qu’est ce qui a motivé la dissolution du RPT ?

L’acte courageux posé par l’ex-RPT procède d’une démarche politique authentique et sincère. Dans la vie d’un être humain comme d’un parti politique, il faut savoir s’arrêter pour jeter un coup d’œil sur son parcours, faire une sorte de rétrospective et d’introspection, se remettre en cause, examiner ce qui a marché et ce qui ne l’a pas été, analyser et admettre ses erreurs et ses torts éventuels, se corriger au besoin et réorienter la suite du chemin, concevoir autrement son engagement et son action. Dans le cas d’espèce, quoique l’on pense et quels que soient les reproches, il serait honnête de reconnaitre que le Togo a connu sous la bannière du RPT du moins jusqu’au seuil des années 1990, un essor économique indéniable, accompli d’immenses progrès dans son développement et réalisé des performances remarquables dans tous les secteurs de la vie nationale. Le RPT a donc eu un parcours, un bilan et des acquis méritoires. Dans le contexte des années 1969, le RPT a été une nécessité historique et politique. Pendant des décennies, le parti a assuré l’unité et la cohésion du peuple togolais, incarné une exigence de paix et de stabilité et fait de notre pays un havre de prospérité et d’attraction touristique au moment où les Etats voisins stagnaient dans le marasme économique et social.

Lynx.info : Si le bilan du RPT est si élogieux pourquoi alors le dissoudre ?

Dans la vie, les choses ne sont pas aussi tranchées que certains voudraient le faire croire et je ne veux pas voir soit tout en blanc soit tout en noir. Il y a des nuances et des zones grises qu’il faut savoir reconnaitre. C’est plutôt d’un jugement contrasté qu’il s’agit. A l’évidence le monolithisme et le système de parti-Etat qui ont prévalu à une époque sur le continent comportaient un certain nombre de dérives et de perversités intrinsèques, et le Togo n’a pas été une exception. Parfois, des dévoiements et des deviements ont pu se produire. Le RPT a pu à certains moments de notre histoire cristalliser des ressentiments, des exaspérations et des frustrations de certains concitoyens, même dans ses propres rangs. La gouvernance du pays à certains moments a pu occasionner des mécontentements et causer des torts. Dans l’ensemble, les systèmes de parti unique et de parti-Etat ne sont pas parvenu à concilier, d’une part l’impératif d’une nécessaire mobilisation et cohésion des peuples pour consolider les indépendances politiques nouvellement acquises et pour assurer leur décollage et indépendance économiques et, d’autre part le respect de la dignité attachée à la personne humaine et donc l’exigence de promotion et de protection des libertés individuelles et démocratiques, donnant le sentiment que développement et démocratie seraient antinomiques. Malgré les adaptations et les réformes qu’il a opérées pour se conformer au multipartisme et à la démocratie, le RPT n’est pas parvenu à changer fondamentalement l’image et la perception que les gens avaient gardées du parti durant les périodes de monolithisme et des convulsions.  

Lynx.info : C’est ce qui justifie donc la dissolution du RPT et la création du nouveau parti UNIR ?

UNIR ne vient pas en substitution au RPT. L’un n’est pas le prolongement de l’autre. Blitta a permis de clore une grande page de l’histoire politique du Togo. Atakpamé ouvre une nouvelle page et de nouvelles perspectives politiques. Le 14 avril 2012 marque un nouveau cape, une nouvelle espérance fédératrice des énergies et pacificatrice des antagonismes du passé. UNIR est un nouveau parti que le président Faure a inspiré et initié à l’issue d’une longue et mure réflexion. Depuis les années 1990 en effet les Togolais dans leur grande majorité ont exprimé des aspirations en faveur de la démocratie, du respect des libertés et des droits de l’homme. Ils n’ont cessé de revendiquer un développement plus harmonieux et un mieux-être pour tous. Ces aspirations légitimes n’ont pas été portées et incarnées efficacement par la classe politique, toutes tendances confondues. L’intolérance, le radicalisme, la volonté d’exclusion, l’esprit vindicatif, les luttes de leadership et le choc des ambitions ont pris le pas sur les valeurs cardinales de tolérance, de fraternité, de compréhension et de respect mutuels. Nous savons les conséquences graves que le pays tout entier a subies du fait des dérapages de la conférence nationale. Les Togolais gardent en mémoire les affrontements, les violences, la destruction de l’appareil productif, le saccage des édifices publics, la décapitalisation et la régression de l’économie, la dégradation des revenus ainsi que l’appauvrissement et la détresse sociale qui ont ponctué la transition démocratique. Aujourd’hui encore, le pays doit transcender les stigmates et les séquelles de cet épisode douloureux et il n’est pas convenable de continuer à adopter des attitudes, des postures et des positions qui reviendraient à être indifférent face aux cris de détresse de la jeunesse et à délaisser les préoccupations profondes de la population. Chacun des protagonistes politiques de l’époque devrait accepter d’assumer avec humilité sa part de responsabilité et de manquements et éviter, à l’avenir, les attitudes de récusation mutuelle.

Lynx.info : Voulez-vous dire que la création d’UNIR vise simplement à faire oublier le passé et escamoter le bilan du RPT ?

Il ne s’agit pas uniquement de tirer les enseignements par rapport aux convulsions et aux soubresauts qui ont jalonné la transition démocratique. Il n’y a pas pire manière de rendre hommage aux victimes de cette période et de faire acte de contrition que de continuer à reproduire des comportements, des modes de pensée et un état d’esprit qui ont été pernicieux et néfastes à plus d’un titre. C’est pour rompre avec cet état de chose que le président Faure à impulsé depuis 2005 une dynamique nouvelle qui est empreinte par une volonté constante de dialogue et d’ouverture et qui est marquée par de profondes réformes structurelles et des mesures audacieuses. Ceci a permis l’apaisement de la vie nationale, la décrispation du climat politique, des avancées tangibles dans la restructuration des secteurs de la défense, de la sécurité, des droits de l’homme et des organes de régulation. La réconciliation nationale est en marche. Le pays connait un élan de redressement et une relance des grands chantiers et projets d’infrastructures qui participent au renforcement de la compétitivité de notre port et de notre économie. Il y a un début de satisfaction des besoins des Togolais et d’amélioration de leurs conditions de vie. Malgré les hésitations qui subsistent, les acteurs politiques se côtoient plus aisément, discutent et parviennent à des compromis et des consensus même si tout n’est pas parfait. L’arrivée ou le départ du territoire national de tel ou tel leader politique de premier plan ou les rencontres entre les principaux acteurs du jeu politique ne sont plus l’objet d’une curiosité particulière. Les partis politiques mènent leurs activités sur toute l’étendue du territoire national en toute liberté et sécurité, sans entraves aucunes. Toutes les couches et composantes de la société togolaise contribuent activement à l’effort de reconstruction comme en témoignent les processus inclusifs et participatifs d’élaboration des politiques publiques. Le contexte national évolue en profondeur et le Togo avance. D’importants bouleversements se produisent sur le continent et à travers le monde. La démocratie, l’Etat de droit et l’exigence de respect des droits de l’homme et des libertés publiques sont une évidence, un acquis et une conquête irréversibles qu’il s’agit de préserver et dont il s’agit de continuer à approfondir et perfectionner. A partir de là, l’accent doit être mis sur les défis primordiaux que sont l’accélération du développement économique et la mise en œuvre de la décentralisation en vue d’asseoir une gouvernance locale efficace et durable, assurer la prospérité nationale et sa juste répartition.

La population demande davantage de pistes rurales, de centres de santé, la multiplication des points d’eau, des programmes d’apprentissage et de formation professionnelle, de meilleures conditions d’études pour nos cadets, la création d’emplois. Ces mutations politiques et sociétales profondes, chacun peut s’en apercevoir à travers les revendications et mouvements sociaux que le pays a connus en 2011 et cette année encore. Tous ces enjeux et défis exigent une union plus large des Togolais, la conjugaison des idées, des talents et des compétences au service d’un Togo plus uni, solidaire et prospère. Voilà le contexte global qui a vu le congrès extraordinaire du RPT se tenir à Blitta, suivi dans la foulée par la création à Atakpamé de UNIR par des citoyens de sensibilités différentes, d’horizons divers, représentatifs de toutes les catégories socio-professionnelles et provenant de toutes les contrées du pays. Notre pays dispose d’atouts et de potentialités matérielles et humaines appréciables. Nous pouvons donc aller plus loin et plus vite et faire mieux pour satisfaire les besoins et les aspirations de la population. Mais il faut au préalable que nous sachions nous rassembler et nous unir sur les enjeux et les défis essentiels.

Lynx.info : Le communisme a laissé des nostalgiques. Aviez-vous peur de les retrouver sur le terrain politique à UNIR ?

Toute nouveauté suscite craintes et appréhensions. Mêmes les changements les plus souhaités et les plus attendus comportent une part d’hésitations, de doutes et d’inquiétudes. Mais n’exagérons rien. Quelle aurait été l’alternative dans le contexte actuel ? Une simple rénovation du RPT avec la refonte de ses structures n’aurait pas été à la hauteur des enjeux et des défis. En initiant UNIR, le président Faure ne s’est pas posé la question des états d’âme que cela pouvait susciter chez les uns et les autres. Il a agi avec sagesse et précaution mais aussi avec détermination en étant guidé essentiellement par l’idée qu’il se fait de l’intérêt du pays en ce moment précis de notre histoire où il s’agit de pérenniser et consolider le climat d’apaisement et de réconciliation nationale, de promouvoir le dialogue et la confiance et susciter un esprit d’union nationale au sein de la société togolaise, et de créer ainsi un environnement favorable à l’accélération du développement économique et social. Pour le président Faure, au-delà de nos querelles et de nos clivages et divergences, il existe un enjeu et une cause qui nous dépassent, c’est le Togo. Et c’est le grand mérite et l’honneur même de l’ex-RPT, de ses militants et dirigeants que d’avoir eu le courage et la lucidité de procéder à une autocritique sans se renier et d’avoir décidé de souscrire au nouveau vaste rassemblement, moderne et porteur d’une autre politique. Il s’agit là d’un tournant politique majeur pour le Togo. Au demeurant, le président Faure a un profond respect pour les Togolais. Il attache du prix à leurs opinions, y compris lorsqu’ils se prononcent à l’occasion de consultations électorales. L’un des faits majeurs de l’élection présidentielle de 2010 aura été sans nul doute la forte mobilisation et participation de citoyens parfois hostiles au RPT mais sensibles et favorables à la vision, à la politique et à l’action du Chef de l’Etat. Cette situation ne devait pas rester une parenthèse sans lendemain, d’où la volonté de fédérer toutes les bonnes volontés qui s’étaient manifestées et de leur offrir un cadre politique unitaire d’expression, un espace d’engagement et d’action. Ceci permet de transcender les clivages et les divisions politiques d’hier et de favoriser la mise en ouvre intégrale du projet politique validé en 2010. UNIR veut aussi permettre à nos compatriotes de la diaspora qui étudient, enseignent, soignent et recèlent un savoir-faire, des compétences et des expériences dans différents domaines d’activités de manifester davantage leur attachement à l’avenir de notre pays et de contribuer à son renouveau politique et économique.

Lynx.info : Est-ce à dire qu’il n’y a pas eu de résistance et d’obstacles à la création d’UNIR ?

Ce que l’on observe aujourd’hui c’est plutôt le désarroi et la détresse de ceux qui auraient bien aimé pouvoir continuer à s’appuyer sur le RPT comme un l’épouvantail et à en faire un fond de commerce pour entretenir un climat factice de crise et de contestation. Je pense aux partis et acteurs politiques qui ont pour visées d’opposer les Togolais les uns contre les autres, de susciter des affrontements entre les composantes de la société et d’opposer une partie du pays contre l’autre. Ils doivent se sentir orphelins du RPT ! Donc si vous voulez, la nostalgie n’est pas du côté où vous avez l’air d’orienter votre regard. N’oubliez pas que de nombreux partis politiques sont nés au lendemain de 1990 avec pour leitmotiv de combattre et liquider le RPT. Le seul programme de ces partis politiques consistait à dénigrer et stigmatiser le RPT, à le détruire. La disparition de ce dernier change fondamentalement la donne, et il faut espérer que ces partis accepteront de tirer les conséquences qui s’imposent et d’évoluer dans leur manière de concevoir le jeu politique.

Lynx.info : Comment expliquez-vous le peu d’enthousiasme des Togolais au soir de la création du parti UNIR de Faure ?

C’est votre opinion.Vous savez, ma conviction est qu’on ne crée pas un parti politique rien que pour être aimé et flatté, mais pour défendre des idées, des valeurs et des convictions et être utile à son pays. L’engouement et l’enthousiasme que moi je constate sur le terrain en sillonnant les régions et les contrées du pays sont réconfortants quant à la pertinence et la justesse de la création d’UNIR. Et vous le constaterez bientôt et chaque jour davantage. UNIR entend travailler dans la sobriété et l’humilité, dans le respect des libertés individuelles et collectives. Il ne sera jamais question de verser dans le populisme et la démagogie pour attirer des masses, mais d’expliquer, de convaincre et de susciter l’adhésion et l’engagement de toutes les bonnes volontés qui se préoccupent des réalités profondes du pays et des problèmes et difficultés de la vie quotidienne de nos concitoyens. La nouvelle formation politique, qui entend incarner les vraies préoccupations du peuple, ira donc constamment à la rencontre et à l’écoute non seulement de ses adhérents mais aussi de toutes les couches et catégories de la population, pour mieux cerner, traduire et incarner leurs aspirations. Par-dessus tout, UNIR s’assigne un devoir de vérité et de sincérité envers les Togolais. Il s’agit, avec eux, de s’accorder en toute objectivité sur un diagnostic de la situation socio-politique et économique de notre pays, de définir de nouveaux paradigmes de la démocratie togolaise, d’œuvrer à l’approfondissement de l’Etat de droit, de s’accorder sur le modèle de solidarité nationale, de cohésion et de justice sociales à façonner, d’œuvrer à un développement harmonieux du Togo et d’offrir à la jeunesse togolaise un avenir plus reluisant, etc. UNIR ne se contentera pas des constats et des dénonciations. Il n’y a pas, dans la vie d’un peuple, de situations qui ne puissent changer. Face à chaque défi et problème de la nation, UNIR avancera des propositions, développera des pistes de solutions et mènera des actions pouvant influencer positivement la marche et l’avenir du pays. Il participera et œuvrera en faveur de l’éducation civique, de l’enracinement d’une culture de paix, de dialogue et de respect des droits de l’homme dans la société togolaise.  

Lynx.info : Avec la création d’UNIR, Jean Pierre Fabre (ANC)  parle de non événement. Jonas Siliadin (Obuts)  est plus précis : « Toute cette manœuvre consiste à remplacer un ancien parti unique par un parti inique ». Que le leur répondez-vous ?

Je ne connais pas bien Jonas Siliadin et je n’ai pas eu l’opportunité de lire ses propos. Acceptez donc que je ne puisse commenter ses déclarations éventuelles qui sans doute n’ont pas eu dans l’opinion l’écho que vous lui prêtez et ne me paraissent donc pas mériter que l’on s’y attarde autre mesure. Quand à Jean-Pierre Fabre, je crois savoir qu’il est à la tête d’une formation politique qui est un peu plus âgée que l’UNIR. J’en entends parler énormément dans les journaux et dans les médias de la place, mais je n’ai pas encore eu la chance de rencontrer sur le terrain énormément de monde se réclamant de cette formation politique. Jean-Pierre Fabre s’est autoproclamé président de la République depuis l’élection présidentielle de mars 2010. Ce n’est pas une mince affaire ! J’imagine qu’il doit avoir beaucoup de boulot en ce moment pour avoir le temps de s’occuper de l’UNIR ! Plus sérieusement, je préférerais ne pas avoir à commenter les propos de concitoyens qui se battent de leur côté et dont on s’aperçoit qu’ils ne parviennent absolument pas à susciter de l’intérêt, comme on peut s’en rendre compte en voyant les petites combines et les manipulations lamentables qui consistent à s’abriter derrière quelques individus se réclamant des organisations de défense des droits de l’homme. Comme le dit un adage, « chacun son troupeau et les vaches seront bien gardées ! ». UNIR mènera un combat politique digne et loyal en demeurant respectueux de ses adversaires politiques et en privilégiant l’esprit de modération, la volonté de dialogue et de compromis sans se laisser distraire par des polémiques d’un autre âge et en étant résolument mobilisé pour répondre aux vrais préoccupations et aspirations des Togolais. La cohérence et la constance dans la vie et dans l’engagement politique sont pour moi des vertus cardinales. Je parle de constance et de cohérence dans les convictions, les valeurs et les idéaux. Souvenez vous des débats défendus âprement il y a juste quelque temps par l’actuel leader de l’ANC et exigeant notamment une modification des règles constitutionnelles pour permettre la candidature du président de son parti de l’époque et voyez le jeu assez cocasse auquel nous assistons depuis l’élection présidentielle de 2010 ! Quand on est capable de se renier à ce point, cela en dit long sur l’absence de convictions. Depuis lors, le président Olympio a considérablement évolué et apporte aujourd’hui une grande contribution au processus d’apaisement et de réconciliation nationale. Ses partisans siègent au gouvernement et jouent leur partition pour la reconstruction pacifique du pays. D’autres ont choisis de persister dans les réflexes et les modes de pensées anciens, de s’obstiner dans les clichés, la surenchère, une logique et un état d’esprit vindicatifs qui sont totalement déphasés et en décalage avec les aspirations et les préoccupations actuelles des Togolais. C’est leur choix.  

Lynx.info : Les inquiétudes des uns et des autres ne sont-elles pas fondées à causes des échecs répétés des dialogues entre le pouvoir et l’opposition ?

Depuis les années 1990 n’a-t-on pas eu suffisamment de débats et de dialogues politiques dans notre pays ? Combien de fois la classe politique s’est-elle retrouvée pour parler d’éducation, de santé, d’agriculture, d’apprentissage et de formation professionnelle, de création d’emplois et de la précarité dans laquelle se trouve notre jeunesse, c’est-à-dire pour débattre de ce qui préoccupe véritablement les populations ? Si le dialogue consiste juste à voir comment s’emparer du pouvoir sans élections ni respect des règles du jeu démocratique, à refuser des compromis dynamiques alors certains ont des inquiétudes à se faire. Nous devons véritablement sortir de l’état d’esprit qui s’est instauré depuis les années 1990 où le dialogue consiste à disqualifier l’autre. La volonté de dialogue sincère et de recherche de solutions réalistes se trouve aujourd’hui plutôt du côté de ceux que vous appelez le pouvoir, et pas l’inverse. Et cette volonté de dialogue et d’ouverture, elle est constante depuis 2005, alors que les conservatismes sont là très tenaces et indécrottables de l’autre côté de l’échiquier politique. Sans fausse modestie, le vrai fait politique nouveau au Togo ces dernières années c’est le président Faure. Il est constant et persévérant dans sa volonté de main-tendue et de compromis. Il est déterminé à faire évoluer les choses tout en reconnaissant les insuffisances. C’est lui qui aujourd’hui incarne le vrai changement. Ce sont ses actes qui parlent pour lui. Ce sont les résultats tangibles de la politique qu’il mène qui plaident pour lui.

Les Togolais dans leur immense majorité commencent à le reconnaitre, eux qui sont en train de tourner définitivement le dos aux pratiques et aux initiatives qui portent en elles les germes de la division, de la discorde, de la haine, du radicalisme et de l’intégrisme comme on le voit ces temps-ci avec les dérives du regroupement hétéroclite « Sauvons le Togo ». Nulle part au monde, le consensus ou le compromis ne peut consister à cautionner l’intransigeance et la politique du tout ou rien, à exiger de son interlocuteur qu’il se soumette à votre diktat plutôt que d’avancer et faire des pas l’un vers l’autre, chacun renonçant à quelque chose et obtenant quelque chose. 

Lynx.info : Vous avez l’air d’être préoccupé par le collectif « Sauvons le Togo » ?

Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Je constate simplement que la dénomination de cette organisation en dit long sur les intentions fractionnistes ! « Sauvons le Togo » est une tentacule du FRAC dont les responsables cherchent vainement à instrumentaliser la belle et noble cause des libertés et des droits de l’homme pour se livrer à la violence et à l’intolérance et pour instaurer un climat de peur, d’anarchie et de terreur !  Ces deux regroupements sont l’incarnation même d’un combat d’arrière-garde et le symbole des forces archaïques et sectaires qui nourrissent un sombre dessein pur notre pays, celui de rééditer les dérives des années 1990. A quelques exceptions près, vous constaterez qu’il s’agit là d’un conglomérat de forces conservatrices qui cherchent à entraver l’élan d’édification d’une République réconciliée et d’une démocratie apaisée et qui rejettent l’idée d’une société de diversité, d’unité et de tolérance. Chacun aura compris que la mise en place de « Sauvons le Togo » sonne un double échec : l’échec des partis politiques qui en sont membres parce qu’ils ne parviennent pas à incarner une perspective d’avenir crédible, d’où l’imposture qui consiste à vouloir exister au travers de l’agitation ; mais aussi l’échec des organisations de défense des droits de l’homme aujourd’hui débordés et sabordés dans leur crédibilité et leur indépendance par une des activistes éconduits dans leurs ambitions politiques ou qui utilisent juste la question des droits de l’homme pour s’autopromouvoir sur la scène politique.   

Lynx.info : N’est-il pas suicidaire politiquement de créer un parti à six mois des échéances électorales ?

Naturellement le but de l’UNIR est de concourir à l’expression du suffrage universel et à l’exercice du pouvoir mais dans le strict respect des règles du jeu démocratique. Le parti entend aussi œuvrer à l’enracinement de valeurs civiques et citoyennes, susciter chez les Togolais une plus grande ferveur patriotique en les amenant à aimer davantage notre pays et à se donner la main pour son développement et le bien-être du peuple. UNIR n’est donc pas obsédé par les échéances électorales. En tant que parti politique attaché aux principes démocratiques et au respect de la loi et de l’autorité de l’Etat, UNIR respectera scrupuleusement les échéances telles qu’elles découlent du calendrier républicain et ira donc aux prochaines élections avec l’espoir de les gagner et de renforcer les capacités du pays à poursuivre sa marche vers la consolidation du climat d’apaisement et de réconciliation nationale et à se concentrer davantage sur le développement. 

Lynx.info : Les Togolais ont l’impression que Faure parle peu  et ne prend pas le pouls de tout ce qu’ils subissent comme pauvreté, chômage, injustice…

Ce qui serait inquiétant est qu’on l’eut reproché d’agir peu ! Le président Faure est constamment sur le terrain. Vous savez, la démocratie n’est pas que populaire et politique. Elle est aussi associative et sociale. Les corps intermédiaires – organisations syndicales, secteur privé, mouvements associatifs, organisations des jeunes, des femmes entre autres sont aussi importants pour la bonne marche d’un pays. Ils sont nécessairement au fonctionnement de la démocratie et du système économique et social. C’est pourquoi le président Faure reçoit souvent différentes catégories et couches de la population et garde un dialogue permanent avec les forces vives, les groupements de producteurs agricoles, les associations de jeunes, les groupes de femmes et d’autres composantes sociales. C’est lui qui a institué des forums périodiques avec l’ensemble du monde agricole, avec les artisans, avec les jeunes. Il écoute et consulte énormément. C’est aussi un homme de dossiers, très au fait de la situation à travers le pays. Il arrive qu’il soit relayé dans sa tâche par le gouvernement qui travaille sous son impulsion et son autorité. La sobriété de sa méthode de gouvernance ne doit pas vous tromper.

Lynx.info : L’ex premier ministre Agbéyomé Kodjo  dit : « qu’il ne sait pas ce que Faure veut unir avec son parti UNIR… ».

J’espère que vous n’attendez pas de moi une réponse à ce genre de propos ? Il ne se passe pas de semaine sans discours, communiqué de presse ou déclaration de la part de l’ex premier ministre Agbéyomé Kodjo. Il a beaucoup d’inspiration et d’imagination. C’est toujours ainsi dans la vie : il y en a qui excellent dans les paroles et qui passent l’essentiel de leur temps à discourir, et il y a ceux qui essaient d’agir. Il a choisi son créneau et je le respecte.

Lynx.info : Solitoki Esso ex secrétaire du RPT parle de « mue ». Alors UNIR va tisser sur  l’ancienne corde ou assisterons à une nouvelle philosophie ?

UNIR veut incarner une nouvelle philosophie, une nouvelle mentalité et un tout autre état d’esprit, même si notre pays jouit d’acquis incontestables que nous devons aussi au RPT et qu’il convient de préserver jalousement : la paix, la sécurité et la quiétude qui règnent dans notre pays. Là où hier certains Togolais ont pu avoir avec le RPT le sentiment d’un parti politique réfractaire aux changements, UNIR entend assumer pleinement son engagement pour la démocratie, les libertés, les droits de l’homme et l’édification continue de l’Etat de droit, épouser fermement l’élan d’apaisement et d’ouverture politique, relayer la dynamique irréversible de réconciliation nationales, amener les Togolais à renforcer leur participation citoyenne et leur contribution pour assurer la prospérité du pays et le bien-être collectif, œuvrer pour plus de justice sociale et de solidarité, inspirer une décentralisation audacieuse afin que chaque citoyen puisse au niveau de son quartier, de son village et de sa localité se sentir écouté, utile et pleinement concerné dans sa capacité à apporter sa contribution à un destin national plus rayonnant. UNIR sera la maison commune des Togolais, sans prétention hégémonique ni monolithisme. UNIR sera un parti politique ouvert et démocratique où règne la libre expression des opinions et d’idées et où tous les adhérents doivent se sentir à l’aise quelle que soit leur conviction et appartenance politiques d’hier. D’une certaine manière, il n’y a pas au sein de l’UNIR ni d’anciens ni de nouveaux. Chacun doit se sentir à l’aise, quel que soit le parcours politique précédent. Ce qui compte ce sont les valeurs et les idéaux nouveaux ainsi que les règles de cohésion et de discipline au sein du nouveau part auxquels chacun est astreint. Le dynamisme et l’enthousiasme des plus jeunes en âge doivent pouvoir s’articuler harmonieusement avec l’expérience et la sagesse des ainés et des anciens.

Lynx.info : Les Togolais trouvent la commission Vérité Réconciliation, Justice comme un alibi pour blanchir Faure des centaines de morts de 2005.

Notre pays a connu des épisodes douloureux et des méfaits depuis les années 1958 et personne ne peut être fier ni des règlements de compte ou des actes de vengeance, de vandalisme et de persécution qui ont émaillé les années d’indépendance, ni des violences et exactions consécutives à l’élection présidentielle heurtée de 2005 ni des brimades, des intolérances, des violences et de la chasse aux sorcières que de nombreux Togolais ont subies dans le sillage de la conférence nationale dite souveraine, aussi bien à Lomé que dans certaines zones du pays. L’essentiel c’est d’admettre tous ces méfaits et d’en tirer des enseignements. Et il est évident que les leçons de 2005 ont été retenues. Si vous vous donnez la peine de faire une étude et une analyse comparatives des processus électoraux dans la plupart des pays africains, vous constaterez que le Togo est largement en avance dans beaucoup d’aspects, même si certains manquent de courage pour l’admettre. Depuis 2005, il y a eu 2007 et 2010 et dans l’ensemble les deux scrutins ont été salués aussi bien en ce qui concerne les conduites des opérations électorales sur la base d’un fichier biométrique, par une CENI représentative, que dans la sécurisation des compétiteurs et des opérations de vote. Chaque nouveau scrutin doit être l’occasion de faire mieux, même s’il y aura toujours de la contestation de la part de ceux qui voient dans toute élection plutôt un acte administratif de transfert du pouvoir. Pour reprendre les mots d’un chef d’Etat africain, vous n’empêcherez pas certains partis et acteurs politiques ou certains activistes de continuer à voir des ténèbres en plein jour, surtout lorsque vous parlez d’élections au Togo.

La CVJR et son président ont abattu un travail remarquable et considérable. Des épisodes de notre histoire sont aujourd’hui mieux élucidés. Certains faits inconnus ou mal connus des Togolais surtout des jeunes générations ont été clarifiés et des pistes d’actions ont été esquissées. UNIR soutiendra fermement toutes les actions que les pouvoirs publics ne manqueront pas de mettre en œuvre en écho aux recommandations de la CVJR. Je suis profondément choqué par les attaques indignes que certains tentent vainement de mener contre la CVJR et ses membres les éminents. Ils méritent notre respect et notre hommage.  

 Lynx.info : À court terme, quels actes pensez-vous poser à UNIR pour le Togo ?

Encourager les Togolais à s’extirper des antagonismes et des divisions du passé pour que nous puissions nous mobiliser pour le développement du Togo et le bien-être des populations. Nous ne sommes pas condamnés à reproduire les méfaits du passé. UNIR entend impulser une autre manière de faire la politique, sans invectiver, sans dénigrer ni mépriser ses adversaires. UNIR entend incarner un nouveau rêve pour notre pays où la tolérance, la compréhension mutuelle, le respect mutuel prennent le pas sur tous les facteurs d’antagonisme. UNIR veut voir le Togo en grand. Il ne suffira cependant pas de poser quelques actes, mais d’avoir de la constance et de la cohérence dans notre engagement au service du Togo et d’œuvrer pour que les femmes et les hommes préoccupés du seul intérêt général puissent unir leurs pensées, leurs savoirs, leurs expériences et leurs forces au service d’une seule cause : bâtir la prospérité nationale dans la sérénité, la justice, la concorde et la paix. 

Lynx.info : Je vous remercie

Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info

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