L’heure de vérité sonne-t-elle pour l’ANC ?

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Depuis la présidentielle de 2010, l’ANC (Alliance nationale pour le changement) nous a habitués à des marches hebdomadaires qu’une part de l’opposition lui conteste. Qu’elle ait de bonnes et légitimes raisons pour protester n’est pas véritablement pas le problème ici. Le véritable problème est que ces marches « week-endeuses » ont fini par occulter les enjeux fondamentaux auxquels le Togo est confronté depuis son entrée dans le processus de démocratisation dont on ne voit pas le terminus plus de vingt ans après.

Par exemple, si on peut être d’accord pour le principe de la revendication de la réintégration des députés ANC au sein de l’Assemblée nationale, en revanche sur le plan politique elle perd totalement de sa pertinence et est contre-productive. D’autant qu’elle ne s’accompagne pas d’une réflexion nécessaire à mener sur la stratégie sur les court, moyen et long termes. Prenons le court terme qui va s’ouvrir dans quelques mois sur les élections législatives. L’ANC n’est pas en mesure, à l’heure actuelle, si on ne se trompe pas, de nous dire comment elle entend aborder ce scrutin. Il est vrai que le débat interne est entre le boycott et la participation. Mais ce débat ne dit pas quelle stratégie électorale. Quel profit le parti tirerait du boycott ? Serait-il une stratégie efficace ? Les bénéfices engrangés d’une participation ne seraient-ils pas plus importants et intéressants que ceux liés au boycott ? Tous les Togolais qui suivent la chose politique au pays savent que le pouvoir Faure  est non seulement dans le dilatoire constamment mais aussi dans la mauvaise foi permanente devenue son ADN, son code génétique. N’est-ce pas une des  fonctions d’un parti politique de trouver voies et moyens pour contourner la mauvaise foi du pouvoir et de la combattre autrement que par des marches « week-endeuses » hasardeuses qui ne nous révèlent pas leur finalité.

Pendant que l’ANC et ses alliés continuent de marcher, le pouvoir Faure est en train de les mettre devant le fait accompli, avec sa brutalité coutumière. En effet si le nouveau parti de Faure n’a pas encore de nom officiellement enregistré à l’état civil, il n’empêche qu’il soit fin prêt pour les législatives : donc le nouveau parti Faure n’est plus un bébé rotant, mais un vigoureux évalou qui attend vaillamment le coup de sifflet électoral. Les vieux barons du RPT (Rassemblement du peuple togolais) qui ont rechigné à rentrer dans les (nouveaux) rangs sont mis sur la touche. Par ailleurs, ces législatives vont être couplées avec les locales. Enfin, le pouvoir Faure a concocté unilatéralement « les réformes constitutionnelles et institutionnelles » – à la manœuvre desquelles on retrouve l’indécrottable Pascal Bodjona dont la chute est régulièrement annoncée -, et ceci avec la complicité ou la tolérance discrète de la Délégation de l’Union européenne (UE) qui paie à prix d’or un chef de projet franco-togolais pour piloter  la réforme de la justice.

Au moment opportun, l’opposition prendra comme un suppositoire géant ce plan machiavélique pendant que l’UE pourra se cacher derrière le linceul de la non-ingérence et de la souveraineté au nom desquelles on valide les fraudes électorales sur le continent. On croit naïvement à la sincérité de l’UE alors même qu’elle n’a pas de politique africaine définie, s’alignant souvent, sans état d’âme, sur la politique françafricaine de la France, considérée par les autres États membres comme la « Grande Experte de l’Afrique ». Les instances de l’UE n’ont objectivement rien à cirer avec la démocratie et les élections transparentes en Afrique, les matières premières et la lutte contre le terrorisme étant leurs obsessions.

Bref, il faut dire que l’horloge biologique de l’ANC s’est arrêtée à l’heure de l’UFC (Union des forces de changement). On sait que la scission survenue au sein de l’UFC n’est pas étrangère au manque de démocratie interne, au déficit de la réflexion (politique) perçue comme du temps perdu, à l’entre soi familial, au narcissisme de son président d’alors pour qui le seul port du nom Olympio est un sésame pour conquérir le pouvoir. L’ANC est en train de reproduire sous nos yeux ces dérives ontologiques de l’UFC. Elle a été créée en trois 10, c’est-à-dire le 10 octobre 2010, pour combattre triplement ces dérives. Lesquelles ont conduit inexorablement à des alliances avec le RPT comme le Car de Yawovi Agboyibor et la CDPA de Léopold Gnininvi, rejoints contre toute raison démocratique supérieure, dans une jubilation épectasique, par l’UFC de Gilchrist Olympio, tous ayant du mal à se remettre de leur concubinage politique.

Alors, l’ANC qui se veut in verbo un parti différent des autres, mais qui est in facto comme les autres,  ne prend-elle pas la voie d’un concubinage avec le RPT ? Fabre dans le lit ou les bras de Faure ? Quoi sous les cieux politiques peut encore étonner au Togo? Ce sera l’heure de vérité de l’ANC, à moins qu’elle ne fasse sa mue copernicienne.

Bordeaux, le 29 mars 2012

Comi M. Toulabor
LAM/ Sciences Po Bordeaux

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