Dans une interview accordée au « Quotidien d’Abidjan » le lundi 12 Mars 2012, Bernard Doza répond au PDCI et à Alassane Ouattara. Nous vous en proposons un extrait.
M. DOZA, un de nos confrères (Le Nouveau Réveil, à écrit, dans son édition du Mercredi 29 Février dernier que, partisan de Laurent Gbagbo, vous « ébruitez des scenarios visant à renverser les institutions de la république ».
Bernard Doza.- C’est une façon pour le PDCI, bras politique du régime Ouattara, de lancer une « fatwa », du moins inciter à prendre un décret pour mon arrestation. A-t-on donc, si peur au PDCI ?…
Certains journalistes disent que vous seriez de mèche avec Ouattara pour légitimer sa dictature, pour servir de faire valoir, notamment par vos critiques. Que leur répondez-vous ?
Alassane Ouattara n’est pas un masochiste, au point de payer un « fou du roi » pour se légitimer ? Non ! En fait, ceux qui m’ont découvert à Paris, depuis 1990, comme feu Dassohiri Ignace ou Boga Sivori savent que, je suis un nationaliste radical, qui ne fera jamais de compromis, avec la droite (entendez le RHDP), surtout pas après avoir dit non à Houphouët.
Mais alors, comment pouvez-vous expliquer que Ouattara arrête tous les militants de l’opposition et pas vous, alors que vous le dénoncez, haut et fort, étant à Abidjan même où on tue à volonté…
La vérité est toute simple. Pour le pouvoir actuel, je suis d’abord connu, comme un journaliste politique de Paris, avec 20 ans de métier (1983-2003) au micro de Tropic’Fm, Média Tropical, et puis chroniqueur de Télévision, à partir de 2005. Et, j’ai encore ma plume au journal « Le monde Diplomatique », depuis 2003. Or, depuis la fin de la crise post électorale, ordre a été imposé aux grands médias français (par le lobby colonial) pour « minimiser », voire ignorer, toute information (anti-Ouattara), en provenance de la Côte-d’Ivoire. Donc, le président, du « Retour de la France, en Côte-d’Ivoire», ne peut plus, sous quelques fallacieux prétextes, arrêter un journaliste parisien, à Abidjan, de peur de « rallumer » les projecteurs de l’actualité négative sur son régime, après le transfèrement de Gbagbo à la CPI… Ouattara a très tôt compris le pouvoir de « nocivité » de la presse française, contre les chefs d’états africains… C’est pour cela que, en 1999, il est venu à Paris, avec la somme de 4 milliards de francs CFA pour maîtriser les médias. Parce que gagner les médias à Paris, c’est gagner d’avance le pouvoir en Afrique noire francophone. Pour cela, Alassane Ouattara a installé un bureau de communication à l’avenue Kleber, dirigé par Dominique Ouattara, pour «arroser» les rédactions des médias (Radios et télévisions, y compris la presse écrite), qui l’ont suivi personnellement et soutenu ; jusqu’en 2011, dans sa vendetta politique contre Laurent Gbagbo.
Et si, contre toute attente, il vous arrêtait… ?
Ouattara et ses hommes ne pourront m’arrêter que le jour où ils auront la preuve tangible qu’ils peuvent brandir devant la presse internationale que je suis vraiment impliqué à Abidjan, dans un coup d’état, visant à les renverser. Pour le moment, je suis dans le discours. Et, le discours n’est pas un délit, dans la France démocratique. Et donc, je ne mérite pas la prison à Abidjan qui est devenue, depuis le 11 avril 2011, une banlieue de la Métropole parisienne… Les propos ne constituent pas des faits de culpabilité. Car, la culpabilité se révèle à partir de faits établis, d’actes posés… M’a-t-on surpris avec des armes à la main, préparant un coup d’état contre Ouattara ? Non !
Mais, vous et vos amis de la gauche, vous voulez reprendre le pouvoir… ?
Notre mouvement, c’est le CAPL (comité D’action Pour La Liberté). Nous préparons la révolution nationale. Nous sommes à la phase de formation de nos militants. Car, dans notre pays, nous avons connu le parti unique ; nous avons combattu pour le multipartisme ; nous avons eu la rébellion armée contre l’autorité, et pour finir, la restauration néocoloniale avec le bombardement du peuple ivoirien, par les hélicoptères de la France, pour installer une marionnette au pouvoir, le 11 avril 2011… Donc, nous allons cette fois, faire la révolution nationale, pour nettoyer la Côte-d’Ivoire, des « déchets politiques ». Aujourd’hui, notre pays est occupé par des armées étrangères, dont les FRCI qui sont supplétifs des forces coloniales et non une composante de l’armée ivoirienne ; c’est une bande armée, au service du pouvoir du nord, venu pour occuper la Côte-d’Ivoire du sud, en tuant.
Qui organise les soulèvements plus ou moins sporadiques dans les villes de l’intérieur du pays contre les FRCI ? Est-ce vous et vos amis ?
C’est le peuple ivoirien. Alassane Ouattara a divisé le pays, entre le nord et le sud, depuis décembre 2000, donc le peuple est divisé. La preuve : à chaque soulèvement contre les FRCI dans une ville, les populations nordistes de la ville concernée prennent fait et cause pour les FRCI, s’associent aux soldats du pouvoir Ouattara (sur la base tribale) pour se battre contre les autochtones : c’est, en fait, un affrontement inter-communautaire. Aujourd’hui, même, les militants du RDR se battent contre leurs propres alliés du PDCI, pour de simples élections législatives, partielles. On n’a jamais vu cela en Côte-d’Ivoire, avant l’arrivée, d’Alassane Ouattara au pouvoir.
D’où, une grande déception, n’est-ce pas, pour les nombreux partisans (non nordistes) de Ouattara qui, au nom de l’alternance politique, ont voté pour lui, aux élections de 2010, parce qu’ils avaient été déçus par le régime de Gbagbo ?
Ecoutez, je connais même des bété à Abidjan ici, qui m’ont avoué avoir voté pour Ouattara, contre Gbagbo. Parce que Gbagbo aurait dit (au cours d’une rencontre, avec des cadres bété, au palais présidentiel) ceci : « Je n’ai pas pris le pouvoir, pour les Bété ». Alors, beaucoup de Bété se sont convaincus que « Gbagbo, dans sa démarche politique, au nom de la démocratie, n’avait rien compris à la Côte-d’Ivoire… ». Ces Bété déçus, se sont démarqués et ont voté pour Ouattara en novembre 2010, en guise de sanction. Aujourd’hui, frappés par le «rattrapage ethnique», dans l’administration publique et les entreprises privées, avec les licenciements abusifs en masse, ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer…
Qui est politiquement responsable de cette grande fracture nationale entre le nord et le sud ivoirien?
Ce sont d’abord les intellectuels du nord, suivis par des soldats de notre armée nationale, gagnés par la fibre tribale. Ils ont entrepris, depuis les années 1990, des revendications sectorielles, nordistes. Plutôt que de lutter pour la démocratie, pour le compte du peuple ivoirien victime de la dictature du PDCI, depuis 1960, ils ont opté pour la victimisation ethnique, avec la « Charte du Nord ». Alassane Ouattara, en grand opportuniste, a saisi la balle au rebond, en se positionnant à Paris, comme le leader des peuples martyrisés du nord. Ensuite, avec le rejet de la candidature du RDR aux législatives de décembre 2000, ça a été l’option séparatiste : notre pays a été divisé entre le nord et le sud, et même une nouvelle carte de la Côte d’Ivoire a été publiée par le journal de Ouattara : Le Patriote. C’est dans ce schéma manichéen que s’est engouffrée la rébellion armée de Guillaume Soro, en 2002. Au lendemain du 19 septembre 2002, Soro Guillaume a exigé la candidature d’Alassane Ouattara comme étant la « solution » pour la paix en Côte-d’Ivoire, et cela, sur les cadavres des Ivoiriens tués le 19 septembre 2002. Voyez-vous, l’équipe nationale de football de notre pays est le reflet même de cette division intérieure. Et c’est cela qui nous fait perdre la coupe d’Afrique : Pour qui joue Didier Drogba ? Pour qui joue Kolo Touré ? En tout cas, derrière la façade de sérénité qu’affichent les joueurs, l’équipe nationale ne joue plus pour la Côte-d’Ivoire, depuis la guerre de l’ivoirité. Parce que les joueurs, sont divisés. Depuis 2002, des militants du RDR appellent, à chaque tournoi de la coupe d’Afrique, certains joueurs, (originaires du nord), à ne pas jouer pour gagner la coupe, « pour le président Gbagbo ». Alors, on ne passe plus la balle à Drogba, pour marquer des buts…. (Didier Drogba, étant identifié à Laurent Gbagbo, parce que Bété, avait vu son village brûlé, en avril 2011 par les FRCI). Et du coup, en 2012, on a vu des supporters ivoiriens « danser, à Yopougon », quand les éléphants, qui étaient « galvanisés par les joueurs du nord », ont perdu la coupe d’Afrique à Malabo, parce qu’on a conclu, chez les pro-Gbagbo, comme hier, au RDR, que la coupe était, plus : « Pour Ouattara », que, pour la Côte-d’Ivoire.
Dans ces conditions, que faire ?
Si on veut réconcilier le peuple ivoirien, profondément divisé, nous devons faire la révolution nationale, contre la dictature tribale, pour ensuite se battre ensemble contre l’ennemi commun, qui nous a divisés : la France. Sinon, ce pays va droit vers la guerre civile entre le sud et le nord, car les Ivoiriens du sud n’accepteront pas, plus longtemps, l’occupation de la Côte-d’Ivoire, par les FRCI.
Source : journal “Le Quotidien d’Abidjan