Dans la tragique crise que traverse la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara et la France de Sarkozy n’ont pas encore fini de faire parler d’eux. En effet, ils ne semblent pas satisfaits d’avoir bombardé la résidence de Laurent Gbagbo, de l’avoir kidnappé et déporté au nord du pays dans une prison hautement surveillée. A défaut de ne l’avoir pas assassiné, conscients des risques incalculables encourus, ces derniers nourrissent, ces temps-ci, le malin projet de traduire ce prisonnier qualifié ‘’d’encombrant’’ devant la cour pénale internationale (CPI). Mieux, leur volonté manifeste de voir Laurent Gbagbo condamné pour le restant de ses jours à la Haye, traduit leur refus d’accepter qu’il existe en matière de justice, des éventualités telles que la présomption d’innocence, l’acquittement ou encore la relaxe pure et simple. Mais, connaissant la CPI et son assujettissement à l’ONU, elle-même, partie prenante dans la crise ivoirienne, il y a certes des raisons de nourrir des doutes sur la partialité de cette juridiction internationale (nous y reviendrons).
Malgré les incessants appels à la raison et à la mesure, Alassane Ouattara et ses alliés, grisés par le pouvoir acquis au bout des fusils, au prix du sang de milliers d’ivoiriens et mû par une volonté farouche de vengeance, préparent déjà l’opinion ivoirienne à l’éventualité d’un transfèrement du Président Laurent Gbagbo à la CPI.
Pour bons nombres d’observateurs, ce énième acte à poser par Ouattara, marquera certainement un tournant décisif de la crise ivoirienne. Face à un régime qui se veut intransigeant, l’opposition non plus, ne compte pas rester inerte, mettant en garde contre les risques de : « solutions extrêmes, dommageables pour la réconciliation nationale ». Il semble évident que le régime Ouattara n’a pas prit la pleine mesure de ce que pourrait entrainer le transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI, fort certainement, du soutien militaire de ses alliés franco-onusiens. Pour les partisans de Laurent Gbagbo et pour tous ceux qui s’insurgent contre la forfaiture orchestrée par les puissances occidentales en Côte d’Ivoire, ce serait sans doute, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Dès lors, la ‘’guerre’’ est officiellement déclarée entre l’opposition et le régime en place. Une guerre sans merci au cours de laquelle Ouattara et ses alliés auront surement du fil à retordre, parfois, à leurs risques et périls.
Nous tenterons, d’une part, de montrer ce que cache réellement l’entêtement de Ouattara à vouloir coûte que coûte condamner Laurent Gbagbo par la CPI, et d’autre part, ce qu’il gagnerait à abandonner ce périlleux projet.
« Le chien aboie, la caravane passe », c’est le programme de gouvernement que Ouattara tente d’appliquer durant son séjour à la tête de la Côte d’Ivoire. Ceux que Ouattara appelle ‘’chien’’, c’est bien entendu, les opposants à son régime, regroupés au sein du FPI-CNRD. La ‘’caravane’’ qui passe, empruntant des chemins tortueux, c’est bien lui et son gouvernement. Comme on peut le comprendre, Ouattara compte faire la sourde oreille à toute protestation aux agissements de son régime. Mieux, il entend ôter, à tort d’ailleurs, tout espoir à l’opposition de voir son leader libéré. Ainsi, pense t-il, une opposition affaiblie, ne pourra plus prétendre continuer sa lutte pour le triomphe de ses idéaux.
Laurent Gbagbo à la CPI, il s’agit officiellement, pour le pouvoir en place de le traduire devant cette juridiction pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, nés, selon ses accusateurs, de son refus de quitter le pouvoir. Mais qu’en est-il de la thèse officieuse ? Des sources proches du pouvoir de Ouattara, nous font ces révélations : « Avec Gbagbo tout est possible. (…) personne ne peut limiter son champ d’action dans ce domaine (politique ndlr). (…) il affectionne l’adversité…. C’est un homme extrêmement rusé qui ne vous lâche pas dans un affrontement politique…. Un redoutable adversaire politique… ». Comprenez bien, Laurent Gbagbo, est la ‘’bête noire’’ du camp Ouattara, son pire cauchemar. Libre, il serait pour eux, un adversaire coriace face à qui ils n’auront aucune chance, notamment sur le terrain politique. Pour les intérêts égoïstes français, il s’agit d’éteindre toute velléité nationaliste et toute prétention à une quelconque souveraineté, dans un régime entièrement à la solde des puissances occidentales.
Voici donc ce que chacun doit comprendre au-delà de tout ce remue-ménage qui entoure le transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI. Cette CPI, nous l’évoquions tantôt, dans sa démarche politico-judiciaire, soulève des suspicions légitimes : selon certains observateurs, depuis sa création, la CPI est connue pour : « être une cours qui siège pour juger le vaincu dans une guerre et surtout si celui-ci est considéré comme ennemi par certaines puissances du monde ». Dans cette guerre inique qui a éclaté en Côte d’Ivoire, et dont le bilan officiel fait état d’au moins 3000 morts et des centaines, voire des millions de victimes, Ouattara et ses alliés ne sauraient se targuer d’être blancs comme neige ! Car comment nommer les atrocités des chefs de guerre de Ouattara qui ont eu lieu, notamment dans l’ouest du pays et à Yopougon? Comment qualifier le massacre de toutes ces populations dont le seul tort est d’appartenir à un groupe ethnique jugé pro-Gbagbo ? Comment appeler les innombrables exactions commises à travers tout le pays par la bande armée et incontrôlée que l’on a baptisée FRCI ? Les commanditaires de ces massacres sont là, dans le camp des ‘’vainqueurs’’, bien en évidence dans cette ‘’caravane’’, en route pour la perdition.
Selon Alassane Ouattara : « … il (Laurent Gbagbo ndlr) n’a aucune influence. Il a maintenu les gens par la terreur et l’argent », affirme t-il dans une interview accordée à la chaine française RFI. Dire que celui qui est arrivé en tête de l’élection présidentielle de 2010 avec 38,06% des voix, vainqueur déclaré du second tour par le Conseil Constitutionnel et selon les lois de Côte d’Ivoire, … et comme par un coup de baguette magique, déclaré, à nouveau, perdant, avec environ 49% des voix par des mercenaires sûrs de leur puissance militaire. Dire de Laurent Gbagbo qu’il n’a aucune influence, c’est se moquer, voire insulter les ivoiriens. Car derrière ces chiffres, se trouvent des milliers d’hommes et de femmes entièrement acquis à la cause d’une Côte d’Ivoire libre et souveraine, incarnée par Laurent Gbagbo. Les qualifier de ‘’maintenu (…) par la terreur et l’argent’’, heurte le bon sens et traduis, à juste titre, la mauvaise foi de l’auteur de ces propos. Nier à Laurent Gbagbo son importance et sa popularité, c’est nier tous ces africains, ces citoyens du monde et notamment ces ivoiriens, que l’on tente d’exclure de la vie socio-politique en Côte d’Ivoire. On comprend mieux, à présent, l’allégorie de ‘’la caravane qui passe et du chien qui aboie’’ : ce n’est ni plus, ni moins une politique de tribalisme et de régionalisme. Et comme un observateur avisé de la crise ivoirienne, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper : « le pouvoir Ouattara est composé de personnes venues pour se venger ».
Pour ceux qui ont su raison garder et conserver un brin de lucidité, contrairement au régime Ouattara qui se fourvoie, en Côte d’Ivoire, il ne s’agit pas de jugement, mais de dialogue et de paix. Il ne s’agit pas de démocratie tribale, mais de démocratie humaine. Et d’humanisme, le peuple ivoirien en est pourvu. Dans des contextes assez similaires, marqués par des troubles et des traumatismes socio-politiques, les ivoiriens ont su prendre les décisions appropriés pour sauver leur patrie : immunité civile et pénale accordée aux membres du CNSP qui ont perpétré un coup d’état contre l’ex-président Konan Bédié. Accord de Ouaga, dans lequel est promulguée une loi d’amnistie accordée aux rebelles des forces nouvelles, couvrant les crimes commis pendant la guerre civile de 2002. Cet accord, réaffirme, entre autre : « l’impérieuse nécessité de se mettre ensemble pour consolider la paix, promouvoir une véritable réconciliation nationale… ». Comme on peut le constater, à un moment donné de l’histoire de la Côte d’Ivoire, les ivoiriens ont su faire le sacrifice du dialogue et la paix. Aujourd’hui plus que jamais, ils ont encore les ressorts pour aller à la paix, si du moins Ouattara et ses alliés désirent s’inscrire sincèrement dans cette dynamique.
Si malgré tout, Alassane Ouattara s’entête à nuire à son adversaire Laurent Gbagbo en le jetant en pâture aux griffes de la CPI, la guerre est alors déclarée.
Laurent Gbagbo reste un symbole et un esprit. L’esprit de la lutte et de la résistance en Côte d’Ivoire. Le symbole reste gravé dans le cœur et l’esprit ne meurt jamais. De son transfèrement à la CPI, certes les ivoiriens en seront choqués, mais pas anéantis. C’est donc à des ivoiriens plus que déterminés, prêts à apporter la riposte, une riposte bien appropriée que devra s’attendre le régime Ouattara.
Face à des autorités obnubilées par le pouvoir et refusant de jouer franc-jeu ; persistant dans leur volonté d’exclure tous ceux qui ne sont pas de leur bord politique ; arborant la vengeance comme projet de gouvernement ; décidés à mâter toutes les éventuelles manifestations de l’opposition ; contraignant insidieusement des milliers d’ivoiriens à l’exil ; muets sur les crimes et injustices qui ont cours dans le pays ; tentant de travestir les faits en mettant la presse d’opposition sous haute pression ;….
Il ne restera plus alors à servir Ouattara et sa compagnie, ce qu’ils ont, durant années, servis au peuple de Côte d’Ivoire et à Laurent Gbagbo, qui lui, ne souhaitait que libérer le pays du joug colonial et de la pauvreté. Et l’on sait ce que ces derniers ont fait pour le pourrissement du climat socio-politique dans ce pays, ces champions des rebellions, des révoltes, de l’instrumentalisation des étrangers, des attaques armées, de la diabolisation du pouvoir en place, des appels à l’insurrection,…
Alors que chacun prie, afin que le pire soit évité et que le bon sens vienne habiter les tenants actuels du pouvoir, dans l’intérêt supérieur de la nation ivoirienne.
Marc Micael