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Le chef du «Commando invisible», le général Ibrahim Coulibaly, pose des conditions à son ralliement à Alassane Ouattara :«S’il veut la paix, il faut qu’il discute avec nous»
La Tribune de Genève a rencontré le Général Ibrahim Coulibaly dans son QG d’Abidjan. Pour la première fois, le chef du commando invisible accorde une interview et s’exprime sur la situation militaire en Côte d’Ivoire.
Pour rencontrer Ibrahim Coulibaly, dans un coin reculé de la commune d’Abobo, il faut traverser la ville à toute allure, escortée par ses hommes en armes. Arrivée devant la grande bâtisse qui lui sert de QG, l’atmosphère est étonnament calme. Assise sous une tente, une centaine de personnes attendent de recevoir des vivres. A l’intérieur, le Général, imposant tant par sa stature que sa sérénité gère affaires militaires et humanitaires. Les maires des deux communes d’Abidjan qu’il contrôle ont quitté leurs mairies au début de la guerre et se sont réfugiés à l’hôtel du Golf, QG d’Alassane Ouattara.
Comment le Commando invisible a-t-il réussi à prendre le contrôle de deux quartiers d’Abidjan, Abobo et Anyama, contre l’armée de Laurent Gbagbo ?
D’abord, il faut préciser que Laurent Gbagbo avait une armée solide, organisée et très bien équipée. Il a fallu la France pour détruire l’armement lourd. Laurent Gbagbo a attaqué le Commando invible avec des moyens extrêmement puissants. Chaque fois, il a subit des revers cuisants. Je tiens à dire également que nous n’avons acheté aucune arme, nous n’avons reçu l’aide de personne. Nous remercions Laurent Gbagbo et son armée car tout l’armement dont nous disposons aujourd’hui à été pris à l’ennemi.
Vous fonctionnez de manière totalement autonome. Aujourd’hui, êtes-vous prêt à vous rallier à Alassane Ouattara ?
J’ai eu Alassane Ouattara au téléphone mais il n’y a pas eu de suite. Avec les FRCI, nous n’avons aucun rapport. Je suis dans ma base avec ma troupe. Le commando invisible ne veut pas intervenir dans une cacophonie pareille. Nous sommes prêts à discuter mais avec des règles. Pour l’instant, à qui pourrions-nous nous rallier ? Qui commande quoi ? L’armée de Ouattara est une milice, il n’y a pas de chef, mais des chefferies. C’est un pouvoir hybride et tout pouvoir hybride est dangereux. SI Alassane Ouattara veut aller à la paix alors il faut qu’il vienne discuter avec nous. Il est grand temps de s’asseoir et de parler.
Comment voyez-vous la situation aujourd’hui ?
J’ai mal au cœur et j’ai peur pour l’avenir. La ville a été pillée et ça continue. Tous les jours il y a des camions remplis du butin qui partent vers le nord. C’est le désordre total. Aucun militaire n’est retourné dans les casernes. Seuls les officiers de l’armée qui cherchent des postes se sont ralliés à Ouattara. Mais aucun ne s’est rendu avec sa troupe. Les hommes sont avec leurs armes dans les rues et représentent un danger pour la nation. S’ils sont rassurés, s’ils ont des personnes dignes pour les diriger, ils y retourneront. Mais ils ne se mettrons jamais sous le commandement de types comme Watao ou Shérif Ousmane (ex chef rebelles, qui commandent les FRCI aujourd’hui ndlr). Ils craignent pour leur vie. Ils veulent bien rentrer dans les casernes mais en s’assurant qu’il n’y aura pas de représailles.
Que pensez-vous du rôle de la France ?
La France a apporté son soutien à la Côte d’Ivoire et ce n’est pas une mauvaise chose. Mais on aurait pu faire autrement et éviter des dégâts. Je salue leur apport logistique, ils ont vraiment tout fait. Sans eux, les FRCI auraient été défait.
Dans Abidjan, il se raconte que vous combattez les FRCI, est-ce vrai ?
Il y a une campagne d’intoxication contre nous, on nous accuse de tous les maux. Nous ne nous sommes pas battus contre les FRCI. Sans nous, ils ne seraient jamais entrés dans Abidjan. On dit aussi que je me suis allié avec Laurent Gbagbo ! Mais alors pourquoi aurais-je défait son armée ? On nous accuse d’avoir attaqué la télévision Ivoirienne (RTI) pourquoi faire ? Nous n’étions pas pressé, c’était la dernière solution, la RTI allait tomber toute seule. Le ministre de l’intérieur d’Alassane Ouattara dit aussi que les pilleurs viennent d’Abobo, alors qu’au contraire ici nous avons mis de l’ordre. Alassane Ouattara a été élu démocratiquement. Il faut lui faire confiance pour cinq ans et lui doit mériter la confiance que le peuple lui a donnée. Tout le reste se sont des élucubrations.
Source : La Tribune de Genève