Kofi Yamgnane, ancien député socialiste franco-togolais, se porte candidat à la présidence de son pays natal pour y réaliser une «véritable démocratie»…
«Un démocrate jusqu’au bout des ongles.» C’est ainsi que se définit lui-même Kofi Yamgnane, premier maire noir de France en 1989, et candidat à la présidence du Togo, son pays natal, le 28 février prochain.
Il aurait pu choisir la solution «beaucoup plus confortable de rester en France, et par exemple de pantoufler au Sénat», explique-t-il à 20minutes.fr, mais l’ancien député socialiste considère que le peuple togolais est dans une situation «insupportable»: les gens ne mangent pas à leur faim, il n’y a pas d’hôpitaux, de réseau d’eau potable, de routes, et surtout, le peuple est maintenu dans la peur en permanence.
Pas un héros, ni un martyr
«Il manque tout alors que le Togo est indépendant depuis 50 ans, et que ce n’est pas un pays pauvre», assène l’ancien maire de Saint-Coulitz (Finistère). Il raconte: «Tous les soirs, l’argent récolté par la douane au port de Lomé est transporté directement au palais présidentiel. Il n’y a pas de Trésor Public. La démocratie ne peut fonctionner comme ça.»
«Le Togo est un pays très dangereux», concède Kofi Yamgnane. Et notamment pour les hommes politiques: deux frères du président Faure Gnassingbé ont été écroués pour une tentative de coup d’Etat déjouée début avril. Kofi Yamgnane lui-même a été persona non grata durant près de 10 ans au Togo après avoir écrit un article au vitriol sur la famille Eyadéma. Cependant, celui qui était surnommé le Celte noir en France est décidé à y aller quand même: «Je ne suis pas un héros ni un martyr, mais on ne peut continuer ainsi. Si je dois mourir pour que le Togo soit un grand pays démocratique, j’y suis préparé.»
«Ça suffit comme ça»
Kofi Yamgnane est actuellement en tournée en France et en Europe pour demander des garanties pour la transparence du scrutin à venir et pour que tout se fasse dans le calme. En 2005, il rappelle que les observateurs étrangers ont dénombré 500 morts lors des émeutes post-électorales. «Nous avons besoin de beaucoup d’observateurs de France, d’Europe, de l’organisation de la Francophonie, mais aussi de l’ONU». Il souhaite aussi que la France cesse de soutenir Faure Gnassingbé. «Je ne peux croire que la France a des intérêts si importants et si occultes au Togo que seul un dictateur puisse protéger. Les Français doivent savoir qu’un démocrate peut tout aussi bien défendre ces intérêts.»
Cette tournée est aussi l’occasion d’affermir sa base électorale. Se présentant sans étiquette, «car il y a déjà 94 partis au Togo, ce serait redondant d’en créer un supplémentaire», Kofi Yamgnane dit s’appuyer sur la société civile togolaise. «J’ai une vraie notoriété au Togo», indique celui qui a quitté son pays à 19 ans pour venir s’installer en France. Depuis un an qu’il est retourné vivre à Lomé, il multiplie les réunions dans les villages. «Je vais regarder les Togolais dans les yeux comme disait Valéry Giscard d’Estaing. Je les invite à me dire ce dont ils ont besoin. C’est d’ailleurs eux qui mont trouvé mon slogan de campagne, « Ça suffit comme ça! »» De plus, dans chaque village qu’il visite, il demande de créer un comité de soutien s’il les habitants le souhaitent. Il y en aurait ainsi déjà plus de 1.000 à travers le pays.
Mobilisation de la diaspora togolaise
Kofi Yamgnane recherche aujourd’hui le soutien de la diaspora togolaise de France, d’Allemagne, des Pays-Bas, mais aussi des Etats-Unis, via son site Internet. Le candidat leur demande un soutien financier, et les appelle à donner des indications de vote à leur famille restée au pays. Il plébiscite également un «vote utile», en faveur d’une personne capable d’obtenir le pouvoir car, dit-il, «c’est le moment ou jamais d’obtenir une démocratie, qu’il y ait un changement dans la paix et la sérénité». L’ingénieur des Mines nommé secrétaire d’Etat à l’Intégration sous le second mandat de François Mitterrand compte se servir de ce qu’il a appris des institutions françaises pour faire naître cette nouvelle ère démocratique. Il souligne qu’il sera prêt, dès le lendemain de l’élection, à se mettre au travail.
Mais encore faut-il gagner. Kofi Yamgnane note que les deux principaux partis, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) et l’Union des Forces de Changement (UFC), «font au maximum 20 à 30 points chacun. Il reste donc un espace de 40% à conquérir».
L’élection présidentielle est à un tour au Togo, donc à la majorité simple. Mathématiquement, il pourrait l’emporter. D’autant plus qu’il travaille depuis un an à une alliance possible avec les autres partis pour être l’unique troisième homme. Une alliance qu’il a «bon espoir» de concrétiser avant la date imite de dépôt des candidatures, en janvier prochain.
Bérénice Dubuc