Que retenir de la visite à l’université de Ouagadougou, d’Emmanuel Macron ? Une ou deux choses. La première c’est qu’il va y déballer sa politique africaine. Ma position est très claire sur ce sujet. Qu’un Président français déballe sa politique africaine, américaine, chinoise ou européenne, cela est tout à fait normal. C’est ainsi que devrait se comporter un homme d’Etat qui a une belle ambition pour son pays. Le problème ne réside donc pas dans l’existence d’une politique africaine défendue par un Président français, le problème se trouve dans l’absence d’une politique américaine, chinoise ou européenne, défendue par nos Présidents africains. Nuance.
Je rêve qu’un jour, on ait sur le continent, des Présidents qui iront dans une université parisienne, pour y décliner leur politique européenne, pas pour aller vanter la qualité de sous-sols, qu’ils sont incapables, dans une rare incapacité à exploiter eux-mêmes. La plupart de nos dirigeants africains manquent d’ambition réelle pour leur continent, parce qu’ils n’ont pas une nette vision pour leurs peuples, et quand bien même ils auraient une vision, il manque à cette vision des actions concrètes, efficaces et pertinentes. Ne me parlez surtout pas des grandes gueules passées ou présentes. Parler est la chose la plus facile (tout le monde peut le faire, y compris les intellectuels dont moi-même), formaliser, planifier et mettre à exécution de beaux discours, alors que le peuple a donné un mandat électif ; reste la marque de ceux qui rentrent définitivement dans l’histoire. Et ils sont encore très (trop) peu en Afrique.
Nos dirigeants qui se déplacent en Europe ne s’y rendent pas en conquérants, ils s’y rendent en mendiants. Et cela me fout la honte. C’est connu, la main qui demande est toujours en bas (sagesse africaine). Il est important que l’ordre des choses soit inversé. Les Chinois l’ont compris. Au lieu de subir l’histoire, ils ont décidé de participer à l’écrire. Ils se sont lancés à la conquête du monde, avec les méthodes critiquables qui sont les leurs. Cependant, on aura beau pérorer sur l’ambition conquérante chinoise, elle se révèle moins arrogante et moins violente que l’ont été les ambitions conquérantes européennes et américaines. Bref.
En Afrique, au 21è siècle, nous avons le choix entre commencer à afficher une ambition conquérante du monde ou continuer à exceller dans notre ambition mendiante dans le monde. La balle de la responsabilité historique et politique se trouve dans le camp des dirigeants africains et dans leur camp uniquement. Pas dans celui de ceux qui cherchent toujours et légitimement (je répète : légitimement, parce que c’est cela est tout à fait normal, politiquement parlant, qu’un dirigeant cherche à dominer les autres, le monde politique étant un résidu de rapports de force) à nous dominer. Il faut que les choses soient très claires et que les peuples africains commencent à choisir leurs dirigeants sur la base de leurs ambitions conquérantes. Comment reconnaître tout de suite un dirigeant dont l’ambition est (ou sera) mendiante ? Regardez son programme, s’il est axé autour de la recherche de financements extérieurs, sachez que celui-ci est (ou sera) un dirigeant mendiant, pas un dirigeant conquérant et vous, vous êtes (ou serez) un peuple condamné à rester dans l’auberge de l’indignité. C’est simple !
André Silver Konan
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