Contre toute attente et toutes les spéculations qui ont entouré le coup de force du 14 novembre au Zimbabwe, Robert Mugabe qui « tient toujours » la barre du pays est apparu en public vendredi, vêtu selon nos confrères de RFI, « d’une robe universitaire jaune, d’une toge bleue et d’une coiffe assortie », pour aller présider la traditionnelle cérémonie annuelle de remise des diplômes de fin d’étude aux étudiants en fin de cycle de l’université Zimbabwe Open de Harare.
Depuis le coup d’Etat du 19 août 1991 -réussi dans un premier temps, puis finalement manqué, de la ligne dure du Parti Communiste de l’Union Soviétique conduite par le vice-président soviétique, le Général Guennadi Ianaïev, en ex-URSS contre Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, on n’avait plus vu un pareil scénario à la Hollywood : l' »acteur », entendez le héros ou le bon, même complètement amoché par le « chef bandit » (le méchant, la brute ou l’anti-héros), finit toujours par l’emporter.
La surprise est d’autant renversante que la veille, le président renversé ou plutôt « protégé » selon les putschistes conduits par le chef d’Etat-major de l’armée Constantino Chiwenga, était annoncé en route pour l’Exil en Namibie –où l’y aurait précédé son épouse, apprenait-on- ou en Angola.
Tel donc le phénix renaissant de ses cendres, le « diplômé en violence » qui a coutume de dire qu’il a battu le Christ parce que mort plusieurs fois et autant de fois ressuscité alors que le Christ n’a connu cette expérience qu’une seule fois, a réussi à sauvegarder l’essentiel : son honneur.
Son apparition de vendredi a permis aux militaires de recouvrir d’une couche de crédibilité le langage qu’ils tiennent invariablement depuis mardi au sujet de leur action qui n’aurait rien d’un coup d’Etat. La preuve, la constitution n’a pas été suspendue, et bien plus, le président est, selon toutes évidences, « libre » de ses mouvements… y compris ceux régaliens, en attendant la fin des négociations.
Des négociations pour une sortie presque honorable ou pour continuer de « protéger » le vieux leader ?
Quoiqu’il soit à peu près certain que la fin du régime en sursis de Mugabe n’est plus qu’une question de temps, les négociations manifestement encore en cours n’ayant pour unique but que de régler la succession du plus vieux président du monde, et étant entendu qu’il serait difficile pour les militaires –même sous la « pression » réelle ou feinte de l’Afrique du Sud, de la SADC et de l’UA- de souffrir son repositionnement intégral au risque de faire eux-mêmes les frais d’une purge qui ne manquerait pas alors d’être effectuée, la circonspection à laquelle ce semblant de remise en selle de Mugabe invite les observateurs et commentateurs rend aléatoire toute prédiction.
On sait maintenant que selon un modus operandi plus consensuel proposé par les médiateurs de la crise (Afrique du Sud, SADC, UA) qui a reçu l’assentiment des militaires, Mugabe ne devrait pas connaitre l’infamie d’avoir été poussé à la porte du pouvoir par un coup de force, mais devrait démissionner « de bon gré », ou mis en situation de ne plus gouverner par son éviction de la tête de son parti, la ZANU-PF, dont le Congrès est annoncé pour décembre.
Cette perspective n’est pas elle aussi moins énigmatique, parce qu’il se pourrait bien que le parti se retourne contre cet arrangement entre les militaires, les médiateurs et Mugabe en refusant de désavouer leur leader, et en proposant par exemple qu’il aille aux élections présidentielles de février.
Dans ce cas, l’armée devrait choisir entre faire définitivement un coup d’Etat et rentrer dans les casernes. Dans ce dernier cas, elle ne devrait avoir aucune raison d’interférer dans le processus électoral, et devrait se résoudre à accepter que la machine ZANU-PF manœuvre comme d’habitude pour que Mugabe soit réélu pour continuer de servir de paravent aux « criminels de son entourage » qui saignent le peuple zimbabwéen.
C’est un scénario presque catastrophe que plus personne n’ose plus envisager certes, puisque le chef des anciens combattants de la guerre d’indépendance a à son tour joint sa voix à celle des anti-Mugabe en demandant jeudi à celui-ci de quitter le pouvoir, non sans appeler la population à descendre dans la rue samedi pour soutenir l’armée.
Mais la situation politique de ce pays ces dernières semaines n’étant plus finalement qu’une succession de coups de théâtre, où le vice-président Emmerson Mnangagwa limogé le 06 novembre est annoncé réhabilité le 14 et même annoncé à la présidence le 17 avant d’être remis à l’ombre le même vendredi 17 novembre, tandis que Mugabe renversé le 14 novembre, annoncé en route pour l’exil le 17 novembre puis « rétabli » dans ses fonctions le même 17 novembre, on peut s’attendre désormais à tout venant du Zimbabwe .
Ndam Njoya Nzoména
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