Le Président nomme le Premier Ministre dans la majorité parlementaire
En dehors de la Suisse, qui a un système politique particulier, presque tous les pays du monde évoluent sur 4 modes de gestion de leur territoire :
– la monarchie : monarchie absolue ou monarchie constitutionnelle ;
– le régime présidentiel ;
– le régime semi-présidentiel (ou semi parlementaire) ;
– le régime parlementaire.
La monarchie ne pose pas de problèmes particuliers de gestion politique, qu’elle soit une monarchie constitutionnelle, comme au Royaume –Uni, au Maroc ou au Japon, ou une monarchie absolue, comme au Népal par exemple (à part la dictature).
Le régime parlementaire a des règles de gestion politique souvent claires, comme en Allemagne, ou à l’Ile Maurice, par exemple, mais la situation peut devenir cauchemardesque si la classe politique est confrontée à de très sérieux problèmes de survie, comme la Grèce actuellement…
Nous n’aborderons dans cette analyse, que les cas de régime présidentiel (Bénin, Ghana…) ou semi- présidentiel (Togo, France, Niger…).
A) Le système présidentiel
Au Ghana et au Bénin, où le régime Présidentiel fort règne, il n’y a pas de crise politique particulière. La présidentielle élit le Président et son vice président, sur la même liste, pour 4 ans (au Ghana) ou le Président pour 5 ans (au Bénin) et les législatives élisent les députés pour 4 ou 5 ans selon les pays. Si la coalition qui soutient le Président a une majorité absolue au Parlement, tant mieux. Si le Président n’a pas une majorité qui le soutient au Parlement, il n’y a pas trop de dégâts, car le Chef de l’EXECUTIF, peut jouer au bon équilibriste, surtout que certaines décisions peuvent se prendre par ordonnance présidentielle. Au niveau du vote du budget, le Président peut gagner du temps en usant du « douzième provisoire »… Et si le Président est trop « emmerdé » par certains députés, il a l’arme fatale de la dissolution de l’Assemblée nationale entre ses mains, arme qui donne une trouille bleue à certains élus, qui risquent de perdre leur siège, et qui deviennent plus conciliants ! Les dernières législatives au Bénin, n’ont donné que 35 % d’élus à Yayi BONI, mais cela ne le dérange absolument pas, et sa coalition vient de remporter les communales, et il est serein… Comme on le voit, il ne peut y avoir de crise de légitimité notoire ou de querelles de clocher dans ce système.
Le seul cas de figure rentrant dans les inconvénients dans un système présidentiel où il n’y a pas de vice-présidence, est la vacance du pouvoir avant la fin du mandat du Président : décès, destitution, incapacité physique ou mentale…Une nouvelle présidentielle a lieu dans la précipitation (dans les 60 ou 90 jours selon les cas), et là, tout le monde est « dans la merde », surtout si le décès est brutal et avant la mi-parcours du mandat du Président, personne n’étant préparé à remplacer le Président partant..
Au Ghana et aux USA par exemple, le problème ne se pose pas, le vice-président remplace automatiquement le Président et termine son mandat. On l’a vu avec la disparition d’Atta-Mills au Ghana, ou l’assassinat du Président John Kennedy, ou « l’empechment » de NIXON…
B) Le système semi- présidentiel (ou semi-parlementaire)
Le plus mauvais des systèmes politiques est le système semi-présidentiel, celui choisi par la France et le Togo ! On a vu la France tenter de ne pas vaciller avec les deux cohabitations de François Mitterrand avec Jacques Chirac et Edouard Balladur pendant ses deux septennats, et Chirac amoindri avec ses 5ans de cohabitation avec Lionel JOSPIN. Car l’épine au pied de ce système est la cohabitation d’un Président d’un bord politique avec un Premier Ministre issu d’une coalition de l’opposition au Président ! Le Président nomme le Premier Ministre dans la majorité parlementaire. Pour les pays à longue tradition démocratique, cela se passe plus ou moins bien… Mais pour nos pays africains, cela passe moins bien.
L’image terrible qui me trotte dans la tête est celle de MTTERRAND et CHIRAC, à Lomé, à un sommet France-Afrique. Le premier Ministre Chirac est arrivé 24 heures avant le Président Mitterrand, et à l’ouverture de la Conférence, est assis à la droite du Président Mitterrand. Celui-ci finit son discours et sans même jeter un coup d’œil à son Premier Ministre , pendant tout le temps où ils étaient assis côte à côte, lui jette presque les feuillets de son discours sans lui jeter un seul regard, comme un patron donne un colis encombrant à son boy ! Et cela, c’est dans un pays développé !
Au Togo, en 1994, l’opposition remporte la majorité absolue relative (42 sièges sur 81 à l’époque) et le Président EYADEMA nomme le premier Ministre « dans la majorité parlementaire », en la personne de Mr EDEM KODJO, qui n’a que 6 députés pour son parti, l’UTD, alors que le CAR de Me AGBOYIBO en a 36 ! Les deux leaders de l’opposition, qui n’ont rien compris au piège à eux tendu par le Président, s’entre-déchirent, et cassent leur coalition, redonnant ainsi les coudées franches au Président EYADEMA !
Aujourd’hui, la situation est pire, avec la révision constitutionnelle intervenue le 31 décembre 2002 qui modifie l’article 66 de notre Constitution en ces termes :
« Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions. »
Plus question de la mention « dans la majorité parlementaire » ! En clair, le Président nomme qui il veut à la Primature !
Nous avions vu venir tout ceci, et fort de l’expérience connue des pays développés, certains ministres collègues de la transition et moi avions bataillé dur, lors de la rédaction et de l’étude de l’avant projet de la Constitution, débattu en Conseil des Ministres (avant son envoi au Parlement transitoire pour étude et adoption par référendum national), oui, nous avions bataillé dur pour le choix d’un système politique Présidentiel, avec si possible une vice –présidence, à l’américaine… Mais hélas, nous n’avons pas été suivis !
Les pièges de la cohabitation est que le Président de la République garde en fait toutes ses prérogatives : il nomme les ambassadeurs et les dégomme, nomme les directeurs de société en accord avec la Premier Ministre, mais c’est lui qui a le dernier mot, nomme les ministre en accord avec le Premier Ministre mais c’est lui qui signe les décrets de nomination ! L’exemple historique est la nomination du ministre des Affaires étrangères français pendant la cohabitation MITTERRAND-CHIRAC. Le Premier Ministre CHIRAC a tout fait pour imposer son homme, mais au finish, c’est Hubert Védrine, l’homme du Président, que celui-ci a imposé !
En résumé, pour les pays africains apprentis dans la démocratie, le système présidentiel à l’Américaine ou à la ghanéenne ou encore à la béninoise, est le meilleur. Il est le gage d’une stabilité institutionnelle, pour éviter des motions de censure qui emportent tous les ans les Premiers ministres d’un système semi-présidentiel.
Dr David E. IHOU
Consultant en Géopolitique et stratégie sécuritaire.
{fcomment}