TOGO : Faure Gnassingbé sacrifie l’avenir de plus de deux millions d’élèves sur l’autel de son obsession du pouvoir

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Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit du pouvoir de Faure 

Les élèves étaient censés reprendre le chemin des classes demain mercredi. Mais ils devront attendre encore un bon mois pour le faire. Ainsi en a décidé le gouvernement, sous prétexte de « réorganiser l’année scolaire dans de bonnes conditions et d’organiser l’élection présidentielle dans la sérénité ». Un euphémisme pour occulter les vraies motivations. Mais la preuve de plus qu’aucun sacrifice n’est trop grand pour Faure Gnassingbé lorsqu’il s’agit de son pouvoir.

Une décision nuisible aux élèves, l’année scolaire en pointillés

La nouvelle est tombée tel un couperet ce Vendredi Saint. Initialement prévue pour demain mercredi 8 avril, la rentrée scolaire est repoussée au 4 mai 2015. Les congés de Pâques débutés le 27 mars et qui étaient censés durer seulement douze (12) jours, devraient finalement compter un mois et huit jours. Ainsi en a décidé l’Exécutif. « Le Gouvernement, après analyse de la situation qui prévaut actuellement et afin de réorganiser l’année scolaire dans de bonnes conditions et d’organiser l’élection présidentielle dans la sérénité, porte à la connaissance des enseignants, parents d’élèves et élèves que les congés de Pâques, qui courent du 27 mars 2015 au 07 avril 2015, sont prorogés jusqu’au 03 mai 2015. Les cours reprendront sur l’ensemble du territoire national le lundi 04 mai 2015 à 07H 00. Par ailleurs, le Gouvernement tient à rassurer l’ensemble de la communauté éducative que toutes les dispositions seront prises pour un heureux aboutissement de l’organisation des différents examens au titre de l’année scolaire 2014-2015 ». Telle est la substance d’un communiqué officiel rendu public ce vendredi.

Beaucoup de Togolais, les parents notamment qui n’avaient pas suivi les informations ce vendredi sont tombés des nues en apprenant la nouvelle le lendemain. Et à raison, cette décision hypothéquant dangereusement l’avenir de leurs enfants. Au lieu de douze jours, les écoliers devront finalement passer une bonne quarantaine de jours à la maison. Autant de jours sur une année rythmée par des grèves intempestives et sit-in, cela n’incite guère à la joie. Durant ce second trimestre de l’année scolaire, ce sont pas moins de cinq séries de débrayages qui ont été observées par la Synergie des travailleurs du Togo (Stt) dont la dernière a duré une bonne semaine. Ces grèves cumulées avec les jours de sit-in, le temps de cours perdu sur l’année scolaire devrait dépasser un mois. Mais en plus les apprenants devront passer un mois huit jours de plus à la maison. Ce qui est constant, c’est qu’ils perdront les reflexes ; et lorsque les cours vont reprendre ( ?), ils risquent de ne pas retrouver le fil et d’être simplement démotivés. Et dans cette situation, ce sont les candidats aux différents examens qui sont le plus à plaindre, eux qui ont besoin d’avoir la paix de l’âme pour bosser et les préparer sereinement.

Le gouvernement a certes tenu à « rassurer l’ensemble de la communauté éducative que toutes les dispositions seront prises pour un heureux aboutissement de l’organisation des différents examens au titre de l’année scolaire 2014-2015 » ; mais cela ne dissipe en rien la crainte d’une année blanche. Même dans le cas d’une reprogrammation, comment pourra-t-on dans la pratique rattraper plus de deux mois de retard sur une année scolaire d’à peine neuf mois ? C’est sans doute sur la période des vacances scolaires que l’on pourra drastiquement piocher. Mais alors n’y aura-t-il plus de vacances scolaires ? Une chose est certaine, au meilleur des cas, ces périodes utiles pour permettre aux apprenants et enseignants de se remettre des efforts intellectuels et de se recharger pour l’année suivante seront drastiquement coupées, et les élèves seront formés au rabais, surtout que le pouvoir menace de licencier les grévistes et manœuvre pour recruter de nouveaux enseignants à leur place. Le risque d’abandon des bancs par de nombreux élèves n’est pas à écarter.

Court-circuiter la marche de la STT

Ce report, à en croire le gouvernement, a été décidé « après analyse de la situation qui prévaut actuellement et afin de réorganiser l’année scolaire dans de bonnes conditions ». Cette justification laconique fait simplement allusion aux mouvements d’humeur des travailleurs. Mais quel rapport la grogne sociale a-t-elle avec l’élection présidentielle au point que l’on décide de suspendre l’année scolaire afin « d’organiser l’élection présidentielle dans la sérénité » ? La poursuite de l’année scolaire empêche-t-elle le processus de se dérouler normalement ? Voilà autant de questions que le citoyen lambda devrait légitimement se poser, surtout qu’en 1998, c’est en plein examen du BAC II que le scrutin présidentiel d’alors organisé par Mme Awa Nana a eu lieu. Les observateurs avisés n’en douteraient pas, cette prorogation des congés est en réalité liée à la marche de la Stt. Nombre de Togolais n’ont sans doute pas fait le parallèle tout de suite.

La semaine en cours devrait en effet connaître la marche décidée par la base le vendredi 27 mars dernier et qui devrait avoir lieu dans un premier temps le jeudi 02 avril dernier. Mais pour des besoins de bonne organisation, elle a été décalée sur ce mercredi 08 avril, demain donc. Cela n’a rien à avoir avec le nombre des travailleurs ; mais l’imminence de cette marche fait peur au pouvoir qui redoute son ampleur et ses conséquences. Faut-il le rappeler, la manifestation est censée avoir lieu non seulement à Lomé, mais aussi dans les différents chefs-lieux de préfecture et principales villes de l’intérieur. Si sur le terrain politique il y a eu une multitude de marches avec l’Alliance nationale pour le changement (Anc), le Collectif « Sauvons le Togo » et alliés, avec la marche de la Synergie, ce serait une première qu’une manifestation se tienne sur toute l’étendue du territoire national. Et au vu de la détermination sans faille montrée par les coordonnateurs et la base, et aussi du soutien de la population, la manifestation risque d’avoir une ampleur énorme. Les élèves, plus de deux millions, ne devraient pas hésiter à marcher aux côtés de leurs enseignants. Le dispositif répressif serait inefficace pour maitriser un mouvement aussi dense. Le report décidé par le pouvoir vise simplement à court-circuiter la Synergie et sa marche. Et cette décision ne traduit pas moins la grande fébrilité du pouvoir. « Parce que nous sommes en période électorale et que les forces de sécurité qui doivent garantir la paix et la sécurité de tous seront dirigées vers la protection du scrutin et de tout le processus électoral, nous ne pourrions pas laisser nos enfants rentrer dans des conditions qui sont telles que s’il y a des situations de violences, nous ne pourrions intervenir avec efficacité », a dardé le Premier ministre, Arthème Séléagodji Ahoomey-Zunu, à l’annonce de la mesure. Un aveu tacite. Illustration ultime de la fébrilité du pouvoir, aux dernières nouvelles, le président de la Délégation spéciale de la ville de Lomé, le Contre-amiral Fogan Adégnon a décidé de l’interdiction de la marche.

Le pouvoir de Faure Gnassingbé prime sur l’éducation des enfants

L’importance de l’éducation des enfants n’est plus à démontrer. Elle leur assure l’avenir, raison pour laquelle elle est presque rendue obligatoire. En tout cas, les enfants de par le monde sont obligatoirement envoyés à l’école. Au Togo, l’école primaire a été rendue gratuite au niveau du public, même si ce sont seulement les frais scolaires qui sont subventionnés. L’éducation des enfants, l’avenir de toute Nation est donc une priorité pour tout pays. Mais visiblement pas au point de primer sur le pouvoir de Faure Gnassingbé.

Le mot a été lâché, il veut « organiser l’élection présidentielle dans la sérénité ». Pour un pouvoir qu’il veut garder à tout prix, ce qui l’a vu renoncer à sa parole de mettre en œuvre les réformes et candidater à un 3e mandat au pouvoir, contre toutes les avancées démocratiques en Afrique, rien, absolument rien ne prime sur cette ambition. Faut-il le rappeler, Faure Gnassingbé a dû étouffer des ambitions dans son entourage en coffrant des frères ou collaborateurs à qui il doit son pouvoir. On peut citer ici Pascal Bodjona, son faiseur de victoire de 2010 et Kpatcha Gnassingbé que même les Nations Unies demandent de libérer. Ce n’est donc pas l’éducation des élèves, fussent-ils plus de deux millions qui va avoir raison de lui.

« Tant vaut l’école, tant vaut la Nation » ; « Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de la jeunesse »…C’étaient là quelques slogans chers à Eyadéma. Mais visiblement, la donne a changé. Avec son fils Faure, c’est : « Tant vaut le pouvoir, tant vaut la Nation » ; « Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit du pouvoir de Faure ». Même si le prix à payer, c’est de sacrifier l’éducation de plus de deux millions d’enfants, l’avenir du pays.

Tino Kossi
Liberté 

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